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Dossier no C-1840-02 (TAC)
Dossier no RAP 5504-P341668-033321 (MdT)

TRIBUNAL DE L'AVIATION CIVILE

ENTRE :

Larry Randal Gould, requérant(e)

- et -

Ministre des Transports, intimé(e)

LÉGISLATION:
Loi sur l'aéronautique, L.R.C. 1985, c. A-2, art. 6.9
Règlement de l'aviation canadien, SOR/96-433, par. 601.07(1), art. 602.114, al. 605.30b)

Nécessité, Moyens de défense, Fardeau de la preuve, Diligence raisonnable, Conditions givrantes, Conditions de voile blanc, Vol VFR


Décision à la suite d'une révision
William Thornton Tweed


Décision : le 3 novembre 1999

TRADUCTION

Je maintiens la décision du ministre concernant les chefs d'accusation 1 et 2. je considère que le requérant a commis les infractions libellées et je confirme la suspension de trois jours pour le chef d'accusation 1 et de quinze jours pour le chef d'accusation 2, soit une suspension totale de dix-huit jours. Je rejette le chef d'accusation 3. Ladite suspension débutera le quinzième jour suivant la signification de la présente décision.

Une audience en révision relative à l'affaire en rubrique a été tenue le mardi 5 octobre 1999 à 10 h, à l'hôtel de ville de Prince Albert (Saskatchewan).

HISTORIQUE

On a accusé le requérant, Larry Randal Gould, d'avoir contrevenu aux articles suivants du Règlement de l'aviation canadien (RAC) :

601.07 (1) Il est interdit d'utiliser un aéronef VFR dans l'espace aérien de classe B, à moins que l'aéronef ne soit utilisé conformément à une autorisation du contrôle de la circulation aérienne ou à une autorisation délivrée par le ministre.

602.114 Il est interdit à quiconque d'utiliser un aéronef en vol VFR dans l'espace aérien contrôlé, à moins que les conditions suivantes ne soient réunies :

a) l'aéronef est utilisé avec des repères visuels à la surface;

605.30 Il est interdit d'effectuer le décollage d'un aéronef ou de continuer un vol lorsque des conditions de givrage ont été signalées ou sont prévues se présenter sur le trajet du vol, à moins que, selon le cas :

(...)

b) les derniers bulletins météorologiques ou les rapports de pilote n'indiquent que les conditions de givrage prévues n'existent plus.

LES FAITS

  • Le requérant est propriétaire du Mooney M20C portant l'immatriculation canadienne CF-RNU et, aux moments pertinents, il était commandant de bord dudit aéronef.
  • Le vendredi 19 mars 1999, le requérant a quitté La Ronge (Saskatchewan) à destination de Saskatoon (Saskatchewan) avec escale prévue à Birch Hills (Saskatchewan).
  • Un rapport météorologique a été obtenu, un plan de vol VFR a été déposé et le requérant a quitté La Ronge à 17:30 Z.
  • En cours de route, la météo se détériorait et le requérant est descendu d'une altitude de croisière de 5 500 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL) à une altitude de croisière de 3 500 pieds ASL pour se maintenir en VFR.
  • Le requérant a dévié d'une route directe pour survoler le lac Montreal au cours de la première étape de son vol de La Ronge vers Birch Hills.
  • Près de l'embouchure sud du lac Montreal, le requérant s'est trouvé en présence de conditions de voile blanc et il a perdu toute référence visuelle à la surface.
  • Le requérant, après avoir perdu contact avec le sol, a emprunté une route directe vers Birch Hills et il a commencé une montée dans les nuages jusqu'à ce qu'il les surplombe.
  • Quand il est parvenu au-dessus des nuages et qu'il a continué, le requérant a répondu à une demande du contrôle de la circulation aérienne qui s'adressait à un aéronef non identifié environ à 40 milles au nord de Prince Albert.
  • La communication entre le contrôle de la circulation aérienne et le requérant a alors été établie et on a accordé une autorisation de vol VFR contrôlé.
  • Plus tard, le requérant a établi le contact visuel avec la surface, il a mis fin à son vol VFR contrôlé et il est descendu pour atterrir à Birch Hills où le vol a pris fin.

LES INFRACTIONS

Le paragraphe 601.07(1) du RAC : En vertu du Manuel des espaces aériens désignés, tout l'espace aérien au-dessus de 12 500 pieds à l'intérieur d'un rayon de 60 milles de Prince Albert, SK VOR, est un espace aérien de classe B. La preuve a clairement démontré que le requérant est entré dans l'espace aérien de classe B sans en avoir préalablement obtenu l'autorisation (chef d'accusation 1).

L'alinéa 602.114a) du RAC : Le requérant a admis qu'il a perdu la référence visuelle et qu'il est monté dans les nuages sans autorisation sur les voies aériennes B2 et V303 (chef d'accusation 2).

L'alinéa 605.30b) du RAC : Le ministre a fait défaut de prouver qu'il y avait des prévisions de pluie verglaçante sur la route à suivre. On prévoyait de la pluie verglaçante à l'intérieur des 200 milles marins du creux barométrique en altitude. Le ministre n'a pas établi l'endroit du creux barométrique à l'heure en question. De plus, le requérant a démontré que les rapports météorologiques réels étaient meilleurs que les prévisions; on n'a mentionné aucune pluie verglaçante sur la route prévue et certains rapports indiquaient que la météo s'améliorait vers l'ouest (chef d'accusation 3).

LES ARGUMENTS

Le requérant a fait valoir que même si ses actions allaient à l'encontre du RAC, on ne devrait pas considérer qu'il avait contrevenu aux dispositions puisqu'il avait exercé toute la diligence raisonnable. La diligence raisonnable se définit comme l'attention et le soin auxquels une personne est légalement tenue ou obligée. Afin de répondre à cette prétention, le requérant devait démontrer selon la prépondérance des probabilités que les décisions qu'il a prises et les gestes qu'il a posés en regard de la sécurité des ses passagers et des autres étaient raisonnables dans les circonstances.

La preuve devant le Tribunal montre que le requérant savait :

  1. que du givrage était prévu dans les nuages;
  2. que d'après les prévisions le sommet des nuages devait se trouver à une altitude de 22 000 pieds;
  3. qu'il pilotait sur les voies aériennes B2 et V303 qui sont des espaces aériens contrôlés.

En dépit de ces éléments connus, il a choisi de poursuivre sa route vers sa destination originale et de monter dans les nuages en espérant les franchir. Il n'a fait aucune tentative pour se tourner vers l'ouest en direction des prévisions météorologiques plus favorables et, à l'extérieur de l'espace aérien contrôlé; il n'a fait aucune tentative pour communiquer avec le contrôle de la circulation aérienne afin de mentionner sa situation difficile et il n'a fait aucune tentative pour rebrousser chemin. En agissant comme il l'a fait, et en ne prenant pas les mesures raisonnables pour s'assurer qu'il n'y ait pas de risque d'abordage, le requérant a fait défaut d'exercer une diligence raisonnable.

De plus, le requérant a plaidé la défense de nécessité. Dans la cause du Ministre des Transports c. Rice[1], le conseiller a déclaré que :

les circonstances permettant le recours à ce mécanisme de défense requièrent que les contraintes liées aux circonstances dans lesquelles se trouve le pilote soient si extrêmes qu'elles exigent la prise de mesures pour éviter le danger qu'entraînerait l'inaction ou la lenteur à agir ...

... il apparaît que le respect de la loi soit manifestement impossible et que l'infraction soit inévitable, le juge des faits doit déterminer si oui ou non il existait une solution de rechange qui n'aurait pas entraîné une infraction au règlement.

Je n'accepte pas l'affirmation du requérant selon laquelle il n'avait pas d'autre choix que de monter. La première solution, qu'il a rejetée lors de l'audience, était un virage à 180 degrés en direction inversée qui l'aurait ramené vers les bonnes conditions de vol VFR qu'il avait connues jusqu'à ce point. Le requérant a présenté en preuve la définition d'un voile blanc tirée de A.I.P. Canada[2]. L'article définit le voile blanc comme suit :

« Un phénomène optique atmosphérique des régions polaires qui fait que l'observateur semble enveloppé dans une lueur blanchâtre uniforme. On ne peut discerner l'horizon, ni les ombres, ni les nuages; on perd le sens de la profondeur et de l'orientation et on ne peut voir que les objets très sombres situés tout près. Le voile blanc se produit si la couche de neige au sol est intacte et le ciel au-dessus est uniformément couvert lorsque, grâce à l'effet de clarté de la neige, la lumière venant du ciel est à peu près égale à celle qui vient de la surface de la neige. La présence d'un chasse-neige peur accentuer ce phénomène. »

L'article se poursuit ainsi :

Par conséquent, chaque fois qu'un pilote se trouve en présence des conditions de voile blanc décrites ci-dessus ou qu'il soupçonne simplement qu'il est en présence de ces conditions, il devrait immédiatement monter s'il se trouve à bas niveau ou se mettre en palier et se diriger vers un endroit où le terrain est très accidenté. Le pilote ne doit pas continuer le vol sauf s'il est préparé à traverser la zone de voile blanc aux instruments et s'il a la compétence voulue pour le faire.

Le requérant a témoigné qu'il survolait l'embouchure sud du lac Montreal lorsqu'il s'est retrouvé dans les conditions de voile blanc. Il a de plus déclaré qu'il n'était pas compétent pour piloter aux instruments puisqu'il n'avait reçu qu'un minimum de formation aux instruments dans le cadre de sa formation initiale de pilote. La deuxième solution, et sans doute la meilleure, aurait été de ne pas survoler le lac Montreal (une surface enneigée continue) et d'éviter ainsi un voile blanc possible. Une troisième option aurait été de maintenir son altitude et de sortir du voile blanc en tournant ou en se dirigeant droit devant lui, ce qui l'aurait rapidement mené vers le rivage du lac et à l'extérieur du voile blanc. Dans les circonstances, le requérant avait des solutions de rechange qui n'étaient pas contraires au règlement, et qui n'auraient pas augmenté le risque ni pour lui, ni pour ses passagers et aurait représenté moins de risques pour les autres utilisateurs potentiels de l'espace aérien contrôlé.

Je remarque qu'aucune preuve n'a été présentée lors de l'audience indiquant que le lac Montreal était gelé et couvert de neige. Toutefois, étant donné la latitude du lac et la période de l'année, je suis en mesure d'admettre le fait d'office.

Pour ces raisons, je confirme la décision du ministre sur les chefs d'accusation 1 et 2.

Dans les circonstances, si j'avais le choix, je serais tenté d'imposer une répétition de la formation plutôt qu'une suspension.

DÉCISION

Je maintiens la décision du ministre concernant les chefs d'accusation 1 et 2. Je considère que le requérant a commis les infractions libellées et je confirme la suspension de trois jours pour le chef d'accusation 1 et de quinze jours pour le chef d'accusation 2, soit une suspension totale de dix-huit jours. Je rejette le chef d'accusation 3.

William Thornton Tweed
Conseiller
Tribunal de l'aviation civile


[1] Dossier n° O-0382-33 (TAC) Décision à la suite d'une révision (1993).

[2] (publication d'information aéronautique) à AIR 2-25, 2.12.7.

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