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Dossier no C-3697-41 (TATC) 
Dossier no Z5504-068917 P/B (MdT)

TRIBUNAL D'APPEL DES TRANSPORTS DU CANADA

ENTRE :

Lumsden Aero Ltd., appelant(e)

- et -

Ministre des Transports, intimé(e)

LÉGISLATION :
Règlement de l’aviation canadien, DORS/96-433; para. 605.03(1)


Décision à la suite d'un appel
Suzanne Racine, J. Richard W. Hall, Arnold Marvin Olson


Décision : le 17 septembre 2013

Référence : Lumsden Aero Ltd. c. Canada (Ministre des Transports), 2013 TATCF 26 (appel)

[Traduction française officielle]

Affaire entendue à : Regina, Saskatchewan, les 26 et 27 mars 2013

DÉCISION ET MOTIFS À LA SUITE DE L'APPEL

Arrêt : L'appel est rejeté. Les accusations portées contre Lumsden Aero Ltd. sont maintenues. La sanction de 5 000 $ imposée pour chaque chef d'accusation est maintenue, à part les sanctions pour les chefs d'accusation 2 et 3 qui sont réduites à 50 $ pour chacun de ces deux chefs d'accusation. Ainsi, la sanction totale imposée est réduite de 35 000 $ à 25 100 $.

Le montant total de 25 100 $ est payable au receveur général du Canada et doit parvenir au Tribunal d'appel des transports du Canada dans les trente-cinq (35) jours suivant la signification de la présente décision.

No de dossier TATC : C-3696-41 (Farm Air Ltd.)

No de dossier TATC : C-3697-41 (Lumsden Aero Ltd.)

I.  HISTORIQUE

[1]  Le 13 mai 2010, le ministre des Transports (le ministre) a émis un avis d'amende pour contravention à chacun des appelantes pour les contraventions présumées au Règlement de l'aviation canadien, DORS/96-433 (RAC). Selon le premier avis d'amende pour contravention (avis no 1), Farm Air Ltd. (Farm Air) a exploité à quatre reprises en juillet 2009 un aéronef immatriculé aux États‑Unis (É.‑U.) pour effectuer des travaux aériens dont l'épandage de produit, sans être titulaire d'un certificat d'exploitation aérienne, contrairement au paragraphe 700.02(2) du RAC. La sanction totale imposée pour les chefs d'accusation indiqués dans l'avis 1 était de 20 000 $.

[2]  Selon le deuxième avis d'amende pour contravention (avis no 2), Lumsden Aero Ltd. (Lumsden Aero) a utilisé à sept différentes occasions le même aéronef sans qu'il y ait une autorité de vol en vigueur, contrairement au paragraphe 605.03(1) du RAC. La sanction totale imposée pour les chefs d'accusation indiqués dans l'avis no 2 était de 35 000 $.

[3]  Les appelantes ont déposé la requête en révision auprès du Tribunal d'appel des transports du Canada (le Tribunal) concernant les présumées contraventions. Une audience en révision dans cette affaire a eu lieu à Regina, en Saskatchewan, du 24 au 28 octobre et les 1 et 2 novembre 2011.

[4]  Dans sa décision suite à une révision datée du 26 octobre 2012, le conseiller en révision a conclu que le ministre avait prouvé les allégations formulées contre Farm Air et Lumsden Aero, et a maintenu les pénalités imposées par le ministre. 

[5]  Le 7 novembre 2012, les appelantes ont interjeté appel de la décision du conseiller en révision. L'audience en révision a eu lieu à Regina, en Saskatchewan, les 26 et 27 mars 2013.

II.  QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

[6]  Avant l'audience en appel, Norman Colhoun, qui représente les appelantes, a présenté plusieurs requêtes aux fins d'examen du comité d'appel. Notamment, il a demandé à présenter d'autres éléments de preuve à l'appui de l'appel, y compris un nouveau certificat spécial de navigabilité daté du 20 novembre 2012, provenant de la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis, ainsi qu'un courriel daté du 8 juin 2004. Les appelantes ont également présenté deux requêtes de clarification concernant les conclusions de la décision suite à la révision. 

[7]  Le ministre a aussi demandé que l'audience en appel soit reportée en raison d'une enquête menée par la FAA relativement au nouveau certificat spécial de navigabilité obtenu par les appelantes.

[8]  Le comité d'appel a tranché ces questions dans une décision interlocutoire datée du 18 mars 2013, dans laquelle il rejette en partie la requête des appelantes. Pour décider si les appelantes pouvaient ou non introduire de nouveaux éléments de preuve à l'appui de l'appel, le comité d'appel a examiné s'il considérait indiqué pour l'appel de prendre en considération les nouveaux éléments de preuve et si ces derniers étaient disponibles lors de l'instance, conformément à l'article 14 de la Loi sur le Tribunal d'appel des transports du Canada, L.C. 2001, ch. 29 (Loi sur le TATC).

[9]  Le comité d'appel a conclu que les appelantes pouvaient présenter le nouveau certificat spécial de navigabilité, mais a décidé de donner au ministre la possibilité de contre‑interroger le représentant des appelantes au sujet de cet élément de preuve et qu'il aurait également le droit de produire une contre‑preuve.

[10]  Le comité d'appel a conclu qu'il était indiqué pour l'appel de prendre en considération le certificat spécial de navigabilité et que les appelantes n'y avaient pas accès lors de la révision. En fait, si les appelantes parvenaient à prouver que l'ancien certificat spécial de navigabilité était erroné, cela pourrait avoir une incidence sur la décision de savoir s'il y a eu une contravention au RAC dans cette affaire. Toutefois, pour être juste envers le ministre, le comité était d'avis qu'il était approprié de lui permettre de contre‑interroger le représentant des appelantes relativement à ce nouvel élément de preuve et de produire une contre‑preuve au besoin.

[11]  Le comité d'appel a rejeté la requête des appelantes de présenter le courriel daté du 8 juin 2004, de même que leur requêtes de clarification. Le comité d'appel a décidé de ne pas admettre le courriel du 8 juin 2004 parce que le conseiller en révision avait déjà envisagé d'accueillir cet élément de preuve et y avait renoncé, car il avait conclu que le critère de l'article 14 de la Loi sur le TATC n'avait pas été satisfait.

[12]  En ce qui concerne les clarifications demandées par les appelantes, le comité d'appel indique qu'il n'est pas en mesure de fournir aux appelantes la clarification demandée en ce qui concerne la décision du conseiller en révision. Par ailleurs, ce recours d'origine législative n'est pas prévu en vertu de la Loi sur l'aéronautique, L.R.C. (1985), ch. A-2, ou de la Loi sur le TATC.

[13]  Le comité d'appel a également rejeté la requête du ministre de reporter l'appel, car il a déterminé que le ministre avait eu suffisamment de temps pour obtenir l'information de la FAA avant l'audience de l'appel et qu'il n'y avait pas lieu d'attendre les conclusions de l'enquête de la FAA pour tenir l'audience d'appel.

III.  ÉLÉMENTS DE PREUVE

A.  Appelantes

(1)  Norman Colhoun

[14]  M. Colhoun a introduit plusieurs éléments de preuve lors de l'appel, y compris la copie corrigée du certificat spécial de navigabilité, ainsi qu'une série de courriels envoyés par Eric Barr de la FAA (pièce A‑A‑3). M. Colhoun a indiqué que cet élément de preuve était important, car ce nouveau certificat spécial de navigabilité décrit l'aéronef comme un S‑2R et non un S2R, comme c'était le cas sur le certificat précédent. M. Colhoun a fait valoir que cette information était importante car, selon le témoignage de l'inspecteur Gaudry, si l'aéronef était un S‑2R, un certificat délivré par une autorité de vol étrangère n'était pas nécessaire aux fins d'exploitation au Canada. M. Colhoun souligne que la date d'émission du nouveau certificat spécial de navigabilité est aussi un détail important, car il était antidaté à la date de construction de l'aéronef, soit 1974.

[15]  Pendant le contre‑interrogatoire, le ministre a introduit un document de la FAA des É.‑U. intitulé Operating Limitations Restricted Aircraft for Aircraft N4190X [Limites d'exploitation pour les aéronefs de catégorie restreinte pour l'aéronef N4190X] (pièce A‑M‑1). M. Colhoun a reconnu que les limites d'exploitation relatives au S‑2R étaient semblables à celles établies pour le modèle S2R. Il a également reconnu que, selon la pièce A‑M‑1, une preuve d'une permission spéciale délivrée par un pays étranger doit être conservée à bord de l'aéronef, bien qu'il fasse valoir que cette règle ne s'applique pas en l'instance en vertu de l'accord bilatéral sur la sécurité aérienne [Bilateral Aviation Safety Agreement] (BASA). M. Colhoun a aussi admis que la pièce A‑A‑2 indique que l'aéronef fait partie d'une catégorie restreinte et souligne qu'il n'a pas de certificat standard de navigabilité pour l'aéronef en question.

[16]  Lorsqu'on le lui a demandé, M. Colhoun a admis que parfois l'aéronef était muni d'équipement d'épandage et que parfois il ne l'était pas. Selon M. Colhoun, « cela n'arrivait pas fréquemment, mais l'équipement d'épandage a été enlevé et replacé depuis que nous avons acheté l'aéronef en 2004. » Bien que M. Colhoun ait indiqué qu'un technicien d'entretien d'aéronefs (TEA) avait inspecté l'aéronef pour confirmer qu'il répondait aux critères d'un certificat de type A3SW, il n'avait apporté aucun document à cet effet.

B.  Ministre

(1)  Joseph David Gaudry

[17]  Étant donné les circonstances inhabituelles entourant le nouvel élément de preuve que voulait présenter l'appelante au moment de l'audience de l'appel, le comité d'appel a permis au ministre de produire une contre‑preuve. Le ministre a demandé à l'inspecteur Joseph David Gaudry de produire la contre‑preuve concernant le nouveau certificat spécial de navigabilité déposé en appel (pièce A‑A‑2).

[18]  L'inspecteur Gaudry dit avoir parlé à M. Barr de la FAA relativement au nouveau certificat spécial de navigabilité émis par M. Barr au nom de la FAA. M. Barr avait confirmé à l'inspecteur Gaudry qu'il avait reçu une lettre de M. Colhoun, qui lui demandait de changer le numéro de modèle indiqué sur le certificat spécial de navigabilité. L'inspecteur Gaudry affirme que M. Barr faisait référence au certificat de type en vigueur à ce moment-là, et a souligné que les deux types d'aéronef faisaient partie de la catégorie restreinte, alors M. Barr n'a vu aucun problème à changer le numéro de modèle sur le certificat spécial de navigabilité. Toutefois, lorsqu'il a effectué ce changement, il a également joint un document distinct de limites d'exploitation (pièce A‑M‑1).

[19]  L'inspecteur Gaudry affirme que les conditions d'exploitation jointes au certificat spécial de navigabilité interdisaient le transport de personnes ou de marchandises contre compensation ou la location de l'aéronef à cette fin et précisaient que l'aéronef ne pouvait être exploité dans un pays étranger sans avoir obtenu au préalable la permission du pays étranger en question. Ces conditions figurent au verso du nouveau certificat spécial de navigabilité. 

[20]  L'inspecteur Gaudry indique qu'en raison de ces conditions, le ministre doit autoriser l'exploitation de l'aéronef en cause au Canada. Par ailleurs, l'inspecteur Gaudry affirme qu'un aéronef muni de dispositifs d'épandage aérien ne peut pas être utilisé comme les aéronefs de catégorie normale.

[21]  Pendant le contre‑interrogatoire, l'inspecteur Gaudry a reconnu que la Révision 30 du certificat de type numéro A4SW n'était pas en vigueur au moment de l'audience en révision, c'était plutôt la Révision 28 qui était en vigueur à ce moment‑là.

[22]  Toujours pendant le contre‑interrogatoire, l'inspecteur Gaudry a admis que, pour un aéronef de catégorie normale, une validation des autorités de vol étrangères n'est pas nécessaire. Il a ajouté que la façon dont l'aéronef est exploité et l'endroit où il est exploité déterminent quel type de certificat de navigabilité est requis. M. Gaudry a témoigné que l'aéronef visé avait toujours été exploité en vertu de la catégorie restreinte.

[23]  En réinterrogatoire, l'inspecteur Gaudry a indiqué que le certificat de type de catégorie restreinte est l'A4SW, alors qu'un certificat de navigabilité serait émis pour un aéronef de catégorie normale.

IV.  DÉCISION À LA SUITE DE LA RÉVISION

[24]  Dans la décision à la suite de la révision datée du 26 octobre 2012, on a conclu que le ministre avait prouvé que Farm Air et Lumsden Aero avaient contrevenu au RAC, et les sanctions de 20 000 $ et de 35 000 $ ont été retenues. Pour étayer sa décision, le conseiller en révision a tiré diverses conclusions de fait et de droit, que les appelantes ont contesté en appel. 

[25]  Le conseiller en révision a conclu que les appelantes n'avaient pas démontré que la doctrine de l'irrecevabilité devait être appliquée en l'instance et qu'elles n'avaient aucune attente légitime que le ministre tolère leurs comportements. 

[26]  Le conseiller en révision a également conclu que l'aéronef en l'espèce n'était plus immatriculé aux É.‑U., car le certificat d'immatriculation avait expiré. Par conséquent, le conseiller en révision a conclu que « les preuves exposées devant le Tribunal semblent montrer que l'aéronef a été exploité de façon illégale au Canada depuis un certain nombre d'années. » Cependant, le conseiller en révision a ensuite ajouté que si son interprétation législative est erronée concernant ce point, il examinerait néanmoins l'affaire sur le fonds. Ainsi, le conseiller en révision a ensuite examiné chaque chef d'accusation séparément afin de déterminer si le ministre avait établi le bien‑fondé de ses prétentions. 

[27]  En retenant les accusations portées contre Lumsden Aero, le conseiller en révision a apprécié la preuve associée à chaque vol présumé. En analysant le vol daté du 3 juillet 2009, le conseiller en révision a examiné les photos prises par les témoins de l'incident et s'est également appuyé sur l'admission du représentant des appelantes selon laquelle un épandage avait eu lieu ce jour‑là.

[28]  En examinant les vols présumés à ou près du 7, du 12 et du 17 juillet 2009, le conseiller en révision s'est appuyé sur des factures envoyées à Hanmer Seeds par Farm Air pour des travaux effectués à ou près des 8, 13 et 18 juillet, ainsi que les états des comptes créditeurs de Hanmer Seeds. Il a également noté qu'il y avait des témoignages oculaires.

[29]  Lorsqu'il a retenu la contravention du 24 août 2009, le conseiller en révision s'est appuyé sur une photographie publiée dans le journal de Regina, le Leader-Post, le 25 août 2009, sur laquelle on peut apercevoir à l'aide d'une loupe, le numéro d'immatriculation de l'aéronef.

[30]  Le conseiller en révision a conclu que l'infraction du 28 novembre 2009 avait été prouvée par la déclaration d'un témoin qui a affirmé que l'aéronef des appelantes était arrivé à Moose Jaw, en Saskatchewan, à cette date. Le témoin a également indiqué que cet aéronef était celui sur lequel il avait travaillé à Moose Jaw, en Saskatchewan, à peu près à cette même période.

[31]  Le conseiller en révision a conclu que la contravention du 29 mars 2010 avait été prouvée par le témoignage de différents témoins, entre autres celui d'une personne qui a vu l'aéronef atterrir et qui a identifié le représentant des appelantes comme étant la personne à qui il avait parlé au moment de l'atterrissage de l'aéronef. Le témoignage d'autres personnes a corroboré cette preuve, notamment la déclaration d'un témoin selon lequel le représentant des appelantes était entré dans son entreprise et avait demandé qu'on effectue des travaux sur son aéronef, et celle d'un autre témoin affirmant qu'il avait conduit le véhicule de M. Colhoun pour retourner de Moose Jaw à Regina après que ce dernier avait indiqué qu'il allait partir avec l'aéronef.

[32]  Le conseiller en révision a ensuite tenu compte du fait que, même si l'autorité de vol étrangère était valide, une validation appropriée était néanmoins requise avant que l'aéronef puisse survoler un autre pays. Selon le conseiller en révision : « Même si je devais découvrir que l'aéronef était titulaire d'un CSN, tout survol d'un pays étranger reste interdit sans permission spéciale du pays, permission inexistante dans ce cas. Parce que l'aéronef ne possédait pas de validation adéquate au moment donné, il n'était manifestement pas exploité conformément à son autorité de vol. »

[33]  Le conseiller en révision a ensuite examiné les chefs d'accusation contre une troisième entreprise, qui a été rejetée. Comme ils ont été rejetés, ils ne sont pas pertinents pour l'audience d'appel et ne seront pas pris en compte.

[34]  Le conseiller en révision a ensuite analysé les quatre chefs d'accusation portés contre Farm Air. Il a conclu que l'infraction du 3 juillet 2009 avait été prouvée, car M. Colhoun avait admis avoir procédé à un épandage à cette date, et un témoin avait affirmé que les services de M. Colhoun avaient été retenus pour épandre un produit pour contrôler les moustiques et les insectes en vue d'un événement. Le conseiller en révision a conclu qu'il y avait eu contravention au RAC et que l'exemption pour agriculteur‑pilote ne s'appliquait pas en l'espèce.

[35]  Pour confirmer les infractions présumées à ou près des 7, 12 et 17 juillet 2009, le conseiller en révision s'est appuyé sur divers éléments de preuve, notamment les témoignages de personnes qui ont vu l'aéronef procéder à l'épandage et qui ont senti le produit, ainsi que sur les factures envoyées par Farm Air à Hanmer Seeds pour l'épandage aérien et les états de compte créditeurs connexes.

[36]  Le conseiller en révision a ensuite examiné divers arguments avancés par les appelantes et dont certains ont été soulevés par les appelantes au moment de l'appel. Par exemple, le conseiller en révision a indiqué que : « Il a été affirmé à M. Colhoun, à de nombreuses reprises, que le problème que posait, selon lui, une ordonnance de communication et les affidavits associés était dépourvu de pertinence et sans portée pratique du fait que … le conseiller ne les prendrait pas en compte pour former sa décision ». Il a également conclu que « l'autre ordonnance de communication contenait des erreurs compréhensibles et regrettables, commises par Transports Canada, en citant les mauvaises sections du Code criminel ».

[37]  Le conseiller en révision a également tenu compte du BASA présenté par les appelantes, et a conclu que le document n'était pas pertinent pour les questions en litige que devait trancher le Tribunal. Il a conclu que le BASA ne s'appliquait que pour les nouveaux aéronefs et, dans ce cas, ne s'appliquait pas à l'aéronef en l'espèce.

[38]  En ce qui concerne les sanctions imposées, le conseiller en révision a conclu que bien qu'il ait pu y avoir des circonstances aggravantes, le ministre n'a pas imposé une sanction supérieure en raison des circonstances aggravantes. Par conséquent, le conseiller en révision a retenu les sanctions imposées par le ministre.

V.  MOTIFS DE L'APPEL

[39]  Les appelantes ont présenté des motifs d'appel datés du 10 novembre 2012, notamment :

  1. Les appelantes n'ont pas été en mesure de présenter une défense pleine et entière lors de l'audience en appel, car le ministre avait délibérément retardé de répondre aux demandes d'accès à l'information;
  2. L'aéronef possédait la validation requise;
  3. Le conseiller en révision a commis une erreur en permettant d'introduire en preuve les affidavits signés par l'inspecteur Gaudry utilisés pour obtenir les ordonnances de communication, car l'inspecteur Gaudry a fait un faux témoignage alors qu'il était sous serment afin d'obtenir ces ordonnances de communication;
  4. Le conseiller en révision commis une erreur en s'appuyant sur des éléments de preuve obtenus grâce aux ordonnances de communication;
  5. Le conseiller en révision commis une erreur en concluant que l'aéronef n'était pas adéquatement immatriculé aux É.‑U.;
  6. Selon la doctrine de l'irrecevabilité, le ministre ne peut porter d'accusation d'infraction contre les appelantes après avoir omis d'agir pendant tant d'années;
  7. Le conseiller en révision commis une erreur dans son interprétation et son application du BASA;
  8. Les vols ont été effectués selon l'exemption pour agriculteur‑pilote; 
  9. Les appelantes n'ont pas eu droit à l'équité procédurale, car elles n'ont pas eu l'occasion de présenter leurs arguments oraux à l'audience en révision;
  10. Le nouveau certificat spécial de navigabilité établit que l'aéronef est un modèle S‑2R.

VI.  QUESTIONS EN LITIGE

[40]  Voici les questions à trancher dans cet appel :

  1. Quelle est la norme de contrôle applicable?
  2. Le conseiller en révision a‑t‑il commis une erreur en concluant qu'il n'y avait pas d'autorité de vol valide pour l'aéronef?
  3. Le conseiller en révision a‑t‑il commis une erreur en tenant compte de la preuve obtenue grâce aux ordonnances de communication?
  4. Le conseiller en révision a‑t‑il commis une erreur en concluant que l'aéronef n'était pas adéquatement immatriculé aux É.‑U.?
  5. Conformément à la doctrine d'irrecevabilité et selon les attentes légitimes des appelantes, était-il interdit au ministre de porter des accusations contre ces derniers?
  6. Les appelantes ont-elles été incapables de présenter une défense pleine et entière contre les accusations et de se défendre en raison d'une divulgation insuffisante?
  7. Farm Air détenait-elle une exemption d'agriculteur‑pilote pour les vols effectués dont il est question en l'espèce?
  8. Y a‑t‑il eu violation du droit des appelantes à l'équité procédurale étant donné qu'elles n'ont pas été en mesure de présenter leurs arguments oraux à l'audience en révision?
  9. Le ministre a‑t‑il poursuivi les mauvaises parties?
  10. Les sanctions imposées étaient‑elles appropriées en l'espèce?

VII.  ARGUMENTS

A.  Appelantes

(1)  Nouveau certificat spécial de navigabilité

[41]  Les appelantes soutiennent que le nouveau certificat spécial de navigabilité (pièce A‑A‑2) vise à corriger l'erreur typographique relevée sur le certificat spécial de navigabilité original émis par la FAA le 23 avril 1974. Les appelantes allèguent que ce nouvel élément de preuve démontre que l'aéronef visé est un modèle S‑2R et que pour cette raison il n'est pas nécessaire d'avoir une autorisation pour exploiter l'aéronef dans un pays étranger, en vertu du certificat de type A3SW, Révision 18.

[42]  Par ailleurs, les appelantes font valoir que, même si le modèle d'aéronef n'avait pas été corrigé sur le nouveau certificat spécial de navigabilité, selon les multiples procédures de certification de la navigabilité énumérées dans une lettre de service d'Ayres Corporation (A-1), un aéronef de type S2R peut apporter à bord un certificat de navigabilité de catégorie normale et de catégorie restreinte en même temps.

(2)  Une autorité de vol valide avait été émis pour l'aéronef

[43]  Les appelantes font valoir qu'il y avait une autorité de vol valide pour l'aéronef au moment des infractions présumées. Elles citent l'article 507.05 du RAC intitulé « Validation d'une autorité de vol étrangère », qui se lit ainsi :

507.05 Lorsqu'un aéronef est utilisé en vertu d'une autorité de vol étrangère qui est délivrée à l'égard de l'aéronef ou de la flotte à laquelle il appartient et qui n'est pas conforme à l'article 31 de la Convention, et que le ministre détermine que l'aéronef peut être utilisé en toute sécurité, le ministre valide l'autorité de vol étrangère permettant ainsi l'utilisation de cet aéronef dans l'espace aérien canadien.

[44]  Elles font également valoir que la réglementation en matière de validation d'une autorité de vol étrangère n'impose pas une date d'annulation. Elle indique plutôt que dans la validation normalisée d'un certificat spécial de navigabilité pour les avions de loisir légers ou les avions de loisir légers expérimentaux aux fins d'exploitation d'un tel aéronef immatriculé aux États-Unis dans l'espace aérien canadien (A-A-1), on indique que cette validation est valide pour une période indéfinie.

[45]  Les appelantes allèguent également que la FAA a confirmé par courriel qu'une validation n'est pas nécessaire lorsqu'un aéronef de catégorie restreinte est traité conformément à 14 CFR § 21.25(a)(1) et (b)(1-7), ainsi que § 21.185, conformément à la pièce A-18.

[46]  Par ailleurs, les appelantes soulignent qu'une validation n'était pas nécessaire en 2004, ni après la mise en œuvre du BASA en 2008.

[47]  De plus, le conseiller en révision a commis une erreur en concluant que le BASA ne s'applique qu'aux nouveaux produits parce que l'accord s'applique également aux pièces de rechange. 

(3)  Le conseiller en révision a commis une erreur en admettant les affidavits

[48]  Les appelantes font valoir que le conseiller en révision a commis une erreur en admettant les affidavits signés par l'inspecteur Gaudry (pièces M‑30 et M‑31) afin d'obtenir les ordonnances de communication (pièces M‑29 et M‑31).

[49]  Les appelantes allèguent que l'inspecteur Gaudry a fait une fausse déclaration sous serment lorsqu'il a indiqué avoir parlé à Robert Meyer au sujet des activités agricoles de M. Colhoun. L'inspecteur Gaudry a admis à l'audience en révision qu'il avait plutôt parlé à M. Remington Walker et non M. Meyer, mais les appelantes font remarquer qu'à l'audience en révision M. Walker avait témoigné qu'il ne se souvenait pas avoir eu une telle conversation avec l'inspecteur Gaudry.

[50]  Les appelantes allèguent que l'inspecteur Gaudry a aussi fait une fausse déclaration sous serment lorsqu'il a indiqué que Paul Hofer lui avait dit que M. Colhoun avait loué sa terre agricole à un certain Jim Lagrace en 2007 et en 2008. Les appelantes soutiennent que, contrairement à ce qu'affirme l'inspecteur Gaudry dans l'affidavit, M. Hofer avait affirmé avoir dit à l'inspecteur Gaudry que M. Colhoun louait une partie de sa terre agricole à un certain Jim Lagrace. De plus, M. Hofer a témoigné qu'il n'avait jamais vu l'aéronef en question décoller, contrairement à ce que l'inspecteur Gaudry avait affirmé.

[51]  Les appelantes font également valoir que l'inspecteur Gaudry avait utilisé le mauvais article du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, lorsqu'il avait demandé les ordonnances de communication à la cour provinciale.

(4)  Le conseiller en révision a commis une erreur en s'appuyant sur les éléments de preuve obtenus grâce aux ordonnances de communication

[52]  Bien qu'il soit indiqué aux paragraphes [145] et [227] de la décision de révision que le conseiller en révision avait rejeté les deux ordonnances de communication et l'information qui y était contenue en raison de leur non‑pertinence, les appelantes font valoir que le conseiller en révision s'est toutefois appuyé sur les factures envoyées à Hanmer Seeds (pièce M‑35) qui avaient été obtenues grâce à l'ordonnance de communication (pièce M‑31) pour prendre sa décision. Les appelantes affirment que le conseiller en révision a erré en agissant ainsi, et que ses conclusions étaient incohérentes.

[53]  Les appelantes soutiennent que, pour les raisons susmentionnées, les éléments de preuve obtenus grâce aux ordonnances de communication doivent être exclus de la preuve.

(5)  Le conseiller en révision a commis une erreur en concluant que l'aéronef n'était pas correctement immatriculé aux É.‑U.

[54]  Les appelantes soutiennent que le conseiller en révision a également commis une erreur en concluant que l'aéronef n'était pas correctement immatriculé aux É.‑U. pendant la période en cause en l'espèce. Elles insistent plutôt que l'aéronef était en fait immatriculé en tout temps aux É.‑U. pendant la période visée.

(6)  Doctrine de l'irrecevabilité

[55]  Les appelantes font valoir que le ministre savait qu'elles exploitaient l'aéronef depuis 2004 et qu'en vertu de la doctrine de l'irrecevabilité, en ne portant aucune accusation contre elles plus tôt, le ministre ne peut maintenant plus le faire. En fait, les appelantes soutiennent qu'il n'est pas raisonnable de porter maintenant des accusations contre elles pour des vols effectués sans validation alors que le ministre savait qu'elles exploitaient l'aéronef depuis cinq ans.

[56]  Les appelantes soutiennent qu'elles s'appuyaient sur l'omission du ministre de porter des accusations contre elles pendant plusieurs années comme preuve qu'il n'y avait pas de date d'expiration à la validation délivrée par Transports Canada en juin 2004.

(7)  Retard de divulgation délibéré

[57]  Les appelantes soutiennent qu'il leur a été impossible de présenter une défense pleine et entière lors de l'audience en révision, car le ministre avait volontairement retardé pour elles l'accès aux demandes d'accès à l'information jusqu'après l'audience en révision. 

[58]  Les appelantes soutiennent que les demandes d'accès à l'information montrent l'échange de courriels en juin 2004 entre le ministre et la FAA relativement au certificat spécial de navigabilité des appelantes et à le BASA, et que ces courriels montrent que, de l'avis de la FAA, une validation n'est pas nécessaire si l'aéronef est conforme aux exigences de 14 CFR § 21.25.

[59]  En fait, les appelantes soulignent qu'en juin 2010, presque un an après la date des infractions présumées, Transports Canada n'avait toujours pas décidé si une validation était nécessaire.

[60]  Les appelantes font valoir que les documents qui n'avaient pas été communiqués par le ministre appuient l'affirmation des appelantes que les procédures visaient les mauvaises parties et, qui plus est, que l'information rédigée contenue dans la série de courriels du ministre à la pièce A‑16 aurait permis de répondre à la question concernant l'obligation d'une validation.

(8)  Exemption aux agriculteurs‑pilotes

[61]  Les appelantes ont également fait valoir que les vols en l'espèce ont été effectués conformément à l'exemption pour les agriculteurs‑pilotes prévue par le RAC; en fait, elles affirment qu'une validation n'était pas nécessaire dans ce cas, car elles effectuaient ces vols en vertu du paragraphe 700.02(3) du RAC.

[62]  De plus, les appelantes font valoir que le conseiller en révision les avait induits en erreur quant à la question de savoir s'elles devaient ou non prouver que les vols avaient été effectués en vertu de cette exemption. Elles insistent que les erreurs commises par le conseiller en révision dans cette affaire ont nui à leur capacité de prouver le bien‑fondé de leur cause.

[63]  Les appelantes font également valoir que le ministre n'a pas établi que les vols avaient été effectués à l'extérieur du rayon de 40 kilomètres à partir du centre de la ferme du représentant des appelantes. Elles soutiennent que la preuve présentée par le ministre démontre qu'il n'était pas certain de l'endroit où se trouvait le centre de la ferme ou du nombre de terres agricoles que possède le représentant des appelantes.

(9)  Arguments oraux

[64]  Enfin, les appelantes font valoir qu'elles n'ont pas eu droit à l'équité procédurale, car elles n'ont pas été en mesure de présenter leurs arguments oraux à la fin de l'audience en révision. Les appelantes soutiennent que le conseiller en révision ne devrait pas avoir seulement demandé des observations écrites et, qu'en vertu de l'article 17 des Règles du Tribunal d'appel des transports du Canada DORS/93-346 (Règles du TATC), une partie ne peut présenter d'arguments écrits qu'en plus des arguments présentés oralement et non à la place de ces derniers.

[65]  Les appelantes font valoir que le conseiller en révision a commis une erreur dans son interprétation de la Loi sur le TATC, et que pour cette raison les appelantes n'ont pas eu droit à une audience équitable quant à la procédure.

[66]  Les appelantes font également valoir qu'il y ait eu préjudice à leur égard étant donné qu'elles n'ont pas été en mesure de présenter des arguments oraux. Les appelantes soutiennent qu'il aurait été plus facile pour leur représentant de présenter des arguments oraux, car ce dernier aurait encore eu en mémoire les questions en litige en l'espèce à la fin de l'audience en révision.

(10)  Chefs d'accusation contre les mauvaises parties

[67]  Bien que cet argument ne soit pas indiqué dans la demande d'appel des appelantes, pendant l'audience d'appel, ces derniers ont également affirmé que le ministre avait commis une erreur en portant des accusations contre Farm Air et Lumsden Aero. Les appelantes soutiennent que l'entretien, la garde et le contrôle de l'aéronef étaient sous la responsabilité de Colhoun Farm et non des appelantes. Elles soulignent également que la plupart des documents présentés en l'espèce sont adressés à Colhoun Farm.

B.  Ministre des Transports

(1)  Nouveau certificat spécial de navigabilité

[68]  Le ministre soutient que même si le certificat spécial de navigabilité présenté par les appelantes montre que l'aéronef en question était un modèle S‑R2, il s'agit néanmoins d'un modèle de catégorie restreinte qui est régi par la clause D(2) au verso du certificat spécial de navigabilité selon lequel nul ne peut exploiter l'aéronef dans l'espace aérien d'un pays étranger sans avoir obtenu une permission spéciale dudit pays.

[69]  Par ailleurs, le ministre souligne que la fiche de données de certificat de type n° A4SW, Révision 30, indique que les modèles S2R et S-2R sont inclus dans la catégorie restreinte et, qu'ils font donc l'objet de la même exigence, soit d'obtenir la permission d'exploiter l'aéronef dans un pays étranger. Par conséquent, il n'y a eu aucun changement dans les conditions d'exploitation de l'aéronef, et une permission spéciale est quand même requise pour son exploitation dans un pays étranger.

[70]  Un certificat standard n'avait pas été délivré pour l'aéronef des appelantes leur permettant d'effectuer des vols dans l'espace aérien d'un pays étranger sans qu'elles aient besoin d'une validation. En fait, les appelantes n'ont jamais présenté de demande pour un certificat standard de navigabilité, et seulement un certificat spécial de navigabilité a été délivré pour l'aéronef.

[71]  Le ministre a également souligné que les appelantes n'ont produit aucune preuve que les procédures pour l'obtention de certificats de navigabilité multiples mentionnées dans la lettre de service d'Ayres Corporation (pièce A-1) avaient été terminées pour que l'aéronef puisse être classé à la fois dans la catégorie normale et la catégorie restreinte.

(2)  Validation exigée

[72]  Le ministre indique que, selon les limites d'exploitation de la FAA pour l'aéronef de catégorie restreinte des appelantes (A‑M‑1), l'aéronef ne peut être exploité dans l'espace aérien d'un pays étranger sans la permission spéciale dudit pays. On trouve la même indication à la clause D(2) au verso du nouveau certificat spécial de navigabilité (A‑A‑2), le nouvel élément de preuve présenté en appel. Le ministre soutient que le nouveau certificat spécial de navigabilité (A-A-2) est le même que celui présenté à l'audience en révision (pièce M‑19), car ce sont des certificats pour un aéronef de catégorie restreinte.

[73]  Le ministre soutient que les procédures de mise en œuvre du BASA n'ont aucune incidence sur les exigences de navigabilité de l'aéronef et n'autorisent pas les appelantes à exploiter leur aéronef au Canada. Le ministre insiste également que le BASA vise plutôt l'importation d'aéronefs que l'exploitation d'aéronef en pays étranger, et que la preuve déposée devant le Tribunal montre que l'aéronef n'avait pas été importé au Canada.

[74]  Par ailleurs, le ministre soutient que le BASA s'applique aux types d'aéronef conçu pour être certifié par la FAA et par Transports Canada aux fins d'obtention d'un certificat standard de navigabilité et pour certains types d'aéronef de la catégorie restreinte pour lesquels on ne peut pas délivrer de certificat standard. Le ministre soutient que l'aéronef des appelantes pouvait faire l'objet d'un certificat standard de navigabilité, mais que les appelantes n'avaient pas présenté de demande à cet effet. Par conséquent, l'aéronef des appelantes était exploité en vertu d'un certificat de navigabilité de catégorie restreinte sans validation appropriée.

[75]  Bref, le ministre souligne que le BASA ne s'applique pas en l'espèce, car l'aéronef en question fait partie de la catégorie restreinte et n'avait pas été importé au Canada. En fait, même si l'aéronef en question répond aux exigences du BASA, les appelantes n'ont pas suivi la bonne procédure d'importation du BASA et c'est pourquoi le BASA ne s'applique pas en l'espèce.

(3)  Ordonnances de communication

[76]  Le ministre soutient que les appelantes voulaient que les ordonnances de communication et les affidavits soient produits en preuve afin de montrer les erreurs qu'ils contenaient en vue de tester la crédibilité d'un témoin tout en demandant que les documents produits par suite des ordonnances de communication soient exclus de la preuve.

[77]  Le conseiller en révision a conclu que le témoignage de l'inspecteur Gaudry concernant l'erreur dans les ordonnances de communication était crédible et n'avait fait aucune erreur susceptible de révision à ce sujet. De plus, le ministre soutient que les conclusions du conseiller en révision à ce sujet étaient raisonnables et devraient être retenues.

[78]  Le ministre souligne que le conseiller ne tient pas compte des ordonnances de communication ni de l'information qu'elles contiennent pour arriver à sa décision. Bien qu'il ait tenu compte des factures envoyées à Hanmer Seeds, ces documents ont été produits en réponse aux ordonnances de communication, mais ne constituaient pas en soi les ordonnances de communication, pas plus que les renseignements qui y étaient fournis.

[79]  Le ministre a également souligné que si les appelantes avaient des préoccupations quant aux ordonnances de communication, elles auraient pu demander à un tribunal compétent de les annuler.

[80]  Le ministre soutient qu'aucune erreur susceptible de révision n'a été commise en ce qui concerne les ordonnances de communication, les affidavits connexes ou l'exclusion de la preuve. En fait, le ministre soutient également que les ordonnances de communication et les affidavits ont été introduits comme le désiraient les appelantes, et que l'information qui en a résulté a été correctement admise en preuve et appréciée par le conseiller en révision.

[81]  Le ministre soutient que l'examen des questions liées à la crédibilité et l'appréciation de la preuve font partie des tâches appropriées du conseiller en révision et que ces conclusions doivent être retenues.

(4)  Immatriculation aux É.‑U.

[82]  Le ministre souligne que, selon les conclusions du conseiller en révision, l'aéronef n'était plus immatriculé aux É.‑U. Il soutient que, même si le conseiller en révision avait fait une erreur à ce sujet, le comité d'appel devrait retenir ses conclusions de fait, car, même si l'aéronef était immatriculé aux É.‑U., l'autorité de vol aurait dû être validée avant que l'aéronef effectue des vols dans l'espace aérien d'un pays étranger.

[83]  Par ailleurs, le ministre indique que, même s'il n'avait pas demandé au conseiller en révision de tirer une conclusion de fait à ce sujet, rien n'empêchait le conseiller de le faire.

[84]  De plus, même si le conseiller en révision a commis une erreur sur ce point, le ministre soutient que cette conclusion de fait n'est pas déterminante en ce qui a trait aux chefs d'accusation, et que le conseiller en révision a néanmoins effectué une évaluation et une analyse complètes des accusations en l'espèce. Le ministre souligne également que les conclusions du conseiller en révision à ce sujet n'ont eu aucune incidence sur le résultat de l'affaire en l'espèce, étant donné que la conclusion dans l'un ou l'autre des cas aurait été qu'il n'y avait pas d'autorité de vol valide au moment des vols.

(5)  Doctrine de l'irrecevabilité / attentes légitimes

[85]  Le ministre soutient que le conseiller en révision n'a pas commis d'erreur susceptible d'examen relativement à cette question et qu'aucun élément de preuve présenté par les appelantes n'aurait pu amener le conseiller en révision à conclure que les appelantes avaient des attentes légitimes que le ministre ne porterait pas d'accusation contre elles dans le futur.

(6)  Divulgation

[86]  Le ministre soutient que le conseiller en révision a conclu dans sa décision et dans une demande postérieure à l'audience que les documents en question présentés en l'espèce n'étaient pas pertinents, pas nécessaires et qu'ils étaient disponibles avant l'audience.

[87]  Le ministre souligne que les appelantes avaient fait la même demande avant et pendant l'audience en révision et en appel, et leur demande avait été rejetée. En fait, le conseiller en révision était satisfait de la façon dont le ministre avait communiqué la preuve aux appelantes en l'espèce.

(7)  Exemption pour les agriculteurs‑pilotes

[88]  Le ministre soutient que l'exemption pour les agriculteurs‑pilotes constituait un moyen de défense que les appelantes auraient pu utiliser, mais elles ne l'ont pas fait. De plus, le ministre souligne que, pendant l'audience en révision, le conseiller en révision avait indiqué aux appelantes que l'exemption pour agriculteurs‑pilotes pourrait être utilisée comme moyen de défense.

[89]  Le ministre affirme qu'en vertu du paragraphe 700.02(3) du RAC, il n'était pas tenu de prouver que les appelantes n'étaient pas admissibles à l'exemption pour agriculteurs‑pilotes. Le ministre a porté des accusations contre Farm Air en vertu du paragraphe 700.02(2) du RAC et, il soutient qu'en vertu de cette disposition, il devait seulement prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les appelantes avaient contrevenu à l'élément de cette disposition, soit qu'elles n'étaient pas titulaires d'un certificat d'exploitation aérienne pour effectuer un travail aérien.

(8)  Arguments oraux

[90]  Le ministre soutient que les deux parties avaient convenu de présenter des arguments écrits, ce qui indique qu'il y avait eu une discussion relativement à cette question, bien que cela ne soit pas indiqué dans la transcription.

[91]  Le ministre affirme que l'intention de l'article 17 des Règles du TATC est de donner à chaque partie l'occasion de présenter leurs arguments, et qu'en l'espèce, les deux parties ont eu la même chance de présenter leurs arguments dans le même format. De plus, les appelantes avaient un délai de six semaines pour présenter des arguments écrits.

[92]  Le ministre soutient que si le comité d'appel conclut qu'il y a eu violation du droit à l'équité procédurale en l'espèce, le comité doit aussi conclure que la violation a été corrigée par le processus d'appel, comme dans la décision du Tribunal dans l'affaire Sharp Wings Ltd. c. Ministre des Transports, 2012 TATCF 13, no de dossier TATC : P‑3698‑41 (appel).

(9)  Entretien et contrôle de l'aéronef

[93]  En réponse à l'allégation faite par les appelantes selon laquelle la mauvaise partie a été accusée, le ministre souligne que le conseiller en révision a traité de cette question dans sa décision et que ses conclusions ne devraient pas être renversées. De fait, le ministre soutient que les appelantes n'ont présenté aucune preuve que l'entretien et le contrôle de l'aéronef avaient été transférés à Colhoun Farm. De plus, l'entretien et le contrôle de l'aéronef n'auraient pas pu être confiés à Colhoun Farm parce qu'elle n'est pas une entité juridique.

VIII.  ANALYSE

A.  Question 1 – Quelle est la norme de contrôle applicable?

[94]  La première étape de l'examen de la décision du conseiller en révision consiste à déterminer la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer pour examiner la décision à la suite de la révision. Dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 57, la Cour suprême du Canada a statué qu'il n'est pas nécessaire de procéder à une analyse complète de la norme de contrôle applicable si cette norme a déjà été établie par la jurisprudence.

[95]  Dans Billings Family Enterprises Ltd. c. Canada (Ministre des Transports), 2008 CF 17, la Cour fédérale a examiné la question de la norme de contrôle applicable à l'examen par un comité d'appel de décisions de premier palier du Tribunal. Le juge a décidé, dans Billings, qu'il fallait faire preuve d'une grande déférence à l'égard des conseillers en révision en ce qui concerne les conclusions de fait et les questions de crédibilité. Ainsi, tant qu'une décision à la suite d'une révision fait partie des issues raisonnables compte tenu de la preuve dont disposait le conseiller en révision, le comité d'appel ne devrait pas intervenir.

[96]  Cependant, il n'est pas nécessaire de faire preuve de déférence à l'égard d'un conseiller en révision en ce qui concerne des questions de droit : voir Billings et NAV CAN c. Canada (Ministre des Transports), 2010 TATCF 28, no de dossier TATC : H-3472-40 (appel). Les questions de droit doivent être tranchées selon la norme de la décision correcte.

B.  Question 2 – Le conseiller en révision a-t-il commis une erreur en concluant qu'il n'y avait pas d'autorité de vol valide pour l'aéronef?

[97]  Dans le nouveau certificat spécial de navigabilité présenté par les appelantes à l'audience en révision, l'aéronef est décrit comme un modèle « S-2R », plutôt que comme un modèle « S2R » tel qu'il est décrit dans l'original certificat spécial de navigabilité. Le nouveau certificat spécial de navigabilité est daté du 23 avril 1974, la même date que la date d'émission du certificat spécial de navigabilité original. Le comité d'appel a décidé de permettre aux appelantes de déposer cette preuve en appel, sachant qu'il pouvait déterminer s'il y avait autorité de vol valide au Canada pour l'aéronef ou non.

[98]  En dépit du manque d'uniformité des numéros de modèle dans les certificats spéciaux de navigabilité, d'autres aspects sont uniformes. Il convient de noter que le nouveau certificat spécial de navigabilité s'applique également à un aéronef restreint. Les deux certificats spéciaux de navigabilité sont identiques à cet égard. On trouve la même indication à la clause D(2) au verso de chaque certificat selon laquelle nul ne peut exploiter l'aéronef dans l'espace aérien d'un pays étranger sans avoir obtenu une permission spéciale dudit pays. Le ministre soutient donc que le nouveau certificat spécial de navigabilité ne diffère en rien du certificat présenté à l'audience en révision étant donné que les deux certificats s'appliquent à des aéronefs restreints.

[99]  Bien que les appelantes aient demandé au comité d'appel de considérer uniquement le numéro de modèle pour déterminer s'il y avait autorité de vol valide pour la série de vols qu'elles ont effectués, cela reviendrait à ignorer le fait que le même indication à la clause D(2) se trouve au verso du nouveau certificat spécial de navigabilité selon laquelle nul ne peut exploiter l'aéronef dans l'espace aérien d'un pays étranger sans avoir obtenu une permission spéciale dudit pays. De fait, les deux certificats présentés au comité d'appel s'appliquaient à des aéronefs restreints. Les appelantes avaient donc besoin d'une permission spéciale pour pouvoir exploiter l'aéronef dans un pays étranger. Les appelantes n'ont pas obtenu cette permission tel que requise.

[100]  Les appelantes ont aussi fait valoir qu'elles exploitaient l'aéronef aux termes du BASA. Le comité d'appel soutient par contre que l'aéronef en l'espèce ne satisfaisait pas aux procédures de mise en œuvre de l'ASBA du fait qu'il était toujours immatriculé aux États-Unis. Dans sa décision, le conseiller en révision a déterminé que le BASA « [ne] concerne [pas] la question qui est posée au Tribunal »; il ne s'appliquait donc pas. Le comité d'appel estime que les conclusions du conseiller en révision sur ce point étaient raisonnables, tout en reconnaissant que les conclusions du conseiller en révision selon lesquelles le BASA s'applique seulement aux nouveaux aéronefs étaient peut-être incorrectes.

[101]  Bien que les appelantes aient tenté de faire valoir que les nouvelles preuves devant le Tribunal sous-entendent que la FAA aurait dû délivrer un certificat standard de navigabilité en l'espèce, le comité d'appel souligne que les appelantes ne peuvent pas raisonnablement se fier à ce qu'elles croyaient que devraient préciser les documents en leur possession. Le comité d'appel est plutôt seulement intéressé à savoir si l'aéronef a été exploité conformément à ce qui est précisé dans les documents.

[102]  Pour les raisons susmentionnées, le comité d'appel conclut que le conseiller en révision a pris une décision raisonnable en concluant qu'il n'y avait pas d'autorité valide de vol pour l'aéronef au moment des vols en question.

C.  Question 3 – Le conseiller en révision a-t-il commis une erreur en tenant compte de la preuve obtenue grâce aux ordonnances de communication?

[103]  Les appelantes prétendent que le conseiller en révision a erré en acceptant les affidavits signés par l'inspecteur Gaudry utilisés pour obtenir les ordonnances de communication. Les appelantes allèguent que les ordonnances de communication renfermaient diverses erreurs, dont les noms des personnes à qui l'inspecteur Gaudry aurait parlé et l'article du Code criminel en vertu duquel il a fait une demande d'ordonnances de communication.

[104]  De plus, les appelantes soutiennent que le conseiller en révision a erré en déclarant qu'il rejetait les ordonnances de communication et l'information qu'elles renfermaient, en raison de leur manque de pertinence, mais en se fiant ensuite aux factures envoyées à Hanmer Seeds qui ont été obtenues grâce à une des ordonnances de communication. Pour ces raisons, les appelantes affirment que les éléments de preuve obtenus grâce aux ordonnances de communication auraient dû être exclus de la preuve.

[105]  Le ministre soutient que les demandes des appelantes sont incohérentes car elles voulaient que les ordonnances de communication et les affidavits soient admis en preuve pour démontrer qu'ils renfermaient des erreurs afin de mettre la crédibilité d'un témoin à l'épreuve, tout en demandant que les documents déposés à la suite de l'exécution des ordonnances de communication soient exclus de la preuve.

[106]  Le ministre prétend que le conseiller en révision ne s'est pas fié aux ordonnances de communication ni à l'information qu'elles renfermaient pour parvenir à sa décision. Bien qu'il ait tenu compte des factures envoyées à Hanmer Seeds, le ministre signale que ces documents ont été déposés à la suite de l'exécution des ordonnances de communication, mais ne constituaient pas en soi les ordonnances de communication, pas plus que les renseignements qui y étaient fournis.

[107]  Le ministre soutient qu'aucune erreur susceptible de révision n'a été commise en ce qui concerne les ordonnances de communication, les affidavits connexes ou l'exclusion de la preuve; que les ordonnances de communication et les affidavits ont été introduits comme le désiraient les appelantes; et que l'information qui en a résulté a été correctement retenue et appréciée par le conseiller en révision.

[108]  Dans sa décision, le conseiller en révision a déclaré :

Il a été affirmé à M. Colhoun, à de nombreuses reprises, que le problème que posait, selon lui, une ordonnance de communication et les affidavits associés était dépourvu de pertinence et sans portée pratique du fait que le représentant du ministre n'utiliserait pas ces éléments comme preuve pour étayer ses propos et que le conseiller ne les prendrait pas en compte pour former sa décision. L'autre ordonnance de communication contenait des erreurs compréhensibles et regrettables, commises par Transports Canada, en citant les mauvaises sections du Code criminel.

[109]  Le comité d'appel souligne que la seule ordonnance de communication et l'information pour obtenir une ordonnance de communication en l'espèce a présentée comme pièce M‑31.

[110]  En effet, les appelantes ont soulevé des inquiétudes que le conseiller en révision a commis une erreur en déclarant qu'il ne s'est pas appuyé sur les ordonnances de communication et l'information pour obtenir une ordonnance de communication, mais s'est appuyé ensuite sur les éléments de preuve de Hanmer Seeds pour maintenir les chefs d'accusation contre Farm Air.

[111]  En examinant les ordonnances de communication et l'information pour obtenir une ordonnance de communication, le conseiller en révision a conclu que les erreurs commises dans ces documents étaient « compréhensibles et regrettables », mais que ces erreurs étaient sans objet parce qu'il n'en a pas tenu compte pour arriver à sa décision.

[112]  Comme l'a souligné le ministre, la déclaration du conseiller en révision sur ce point était juste. De fait, tandis qu'il s'est appuyé sur les éléments de preuve obtenus grâce à l'ordonnance de communication, il ne s'est pas appuyé sur l'ordonnance de communication en soi, pas plus que sur les renseignements qui y étaient fournis pour rendre sa décision.

[113]  Les deux parties conviennent qu'il y avait des erreurs dans les ordonnances de communication et les documents justificatifs. La divergence entre les parties à ce sujet concerne la question de savoir si le conseiller en révision a à bon droit tenu compte des éléments de preuve obtenus grâce à la suite des ordonnances de communication erronées — plus précisément l'ordonnance de communication présentée dans la pièce M-31 — et s'il s'est appuyé sur ces ordonnances de communication.

[114]  Bien que le comité d'appel reconnaisse les erreurs dans l'ordonnance de communication et l'affidavit qui l'accompagnait, il ne peut pas affirmer que le conseiller en révision a erré dans la façon dont il a traité ces éléments de preuve. En effet, même si les appelantes ont démontré que l'information qui se trouvait dans l'affidavit de l'inspecteur Gaudry était incorrecte, le comité d'appel ne peut pas tout simplement émettre des hypothèses sur la façon dont un juge aurait traité ces documents différemment en sachant qu'ils étaient viciés. Dans les faits, une telle décision ne relève pas de la compétence du Tribunal et il vaut mieux qu'elle soit prise par un tribunal compétent.

[115]  Ainsi, le Tribunal ne peut pas simplement annuler l'ordonnance de communication et refuser l'admission des documents déposés à la suite de l'exécution de l'ordonnance de communication. Compte tenu des faits en l'espèce et des limites en matière de compétence du Tribunal, le comité d'appel conclut que le conseiller en révision a bien procédé lorsqu'il a accepté ces éléments de preuve en dépit des « erreurs … regrettables » qu'ils pouvaient contenir et qu'il en a tenues compte.

[116]  Le comité d'appel tient toutefois à souligner ses inquiétudes à l'égard du nombre et de la gravité des erreurs dans ces documents. Les erreurs qu'ils renferment portent à croire que Transports Canada a adopté une approche négligente et cavalière afin d'obtenir ces ordonnances de communication et les documents connexes. En conséquence, le comité d'appel estime qu'il faut examiner de façon plus approfondie le volet sanction de la présente décision.

D.  Question 4 – Le conseiller en révision a-t-il commis une erreur en concluant que l'aéronef n'était pas adéquatement immatriculé aux É.-U.?

[117]  Dans sa décision, le conseiller en révision a conclu que, parce que le certificat d'immatriculation avait expiré le 11 septembre 2004, le certificat spécial de navigabilité était automatiquement annulé. Le conseiller en révision s'est appuyé sur son interprétation du rapport d'immatriculation triennale des aéronefs (Triennial Aircraft Registration) (pièce A‑22) qui donne de l'information à jour sur les dossiers d'immatriculation d'aéronefs pour lesquels il n'y a eu aucun activité concernant l'immatriculation au cours des 36 derniers mois. Cependant, il semble que dans son interprétation, le conseiller en révision n'ait pas tenu compte du fait que la pièce A-22 est un rapport de mise à jour sur la base des activités récentes. Bien que le conseiller en révision a conclu que le manque d'activité était une indication que l'aéronef était demeuré non immatriculé, le comité d'appel a conclu que le manque d'activité indiquait le contraire — que l'aéronef était toujours immatriculé. Cette conclusion est appuyée par la preuve soumise au comité d'appel. Par exemple, d'après les résultats de la requête numéro N dans le registre de la FAA [FAA Registry N-Number Inquiry Results], datés du 8 décembre 2008 (pièce M-21), l'aéronef était immatriculé comme un aéronef restreint aux États‑Unis. De plus, le fait que les appelantes aient également pu soumettre un nouveau certificat spécial de navigabilité démontre aussi que l'aéronef a été immatriculé aux É.-U. le 20 novembre 2012. (pièce A-A-2).

[118]  Bien que le comité d'appel conclut que le conseiller en révision a commis une erreur dans sa conclusion de fait sur ce point, cela n'invalide pas la décision. Même les aéronefs immatriculés en bonne et due forme doivent avoir la validation nécessaire avant de pouvoir utiliser l'espace aérien d'un autre pays. De plus, en dépit d'avoir fait une mauvaise interprétation de l'immatriculation de l'aéronef aux É.-U., le conseiller en révision a tout de même examiné l'affaire sur son fond afin de déterminer si, selon la prépondérance des probabilités, il y a eu infraction. C'est d'ailleurs cette analyse qui est cruciale à l'appel dont nous sommes saisis.

E.  Question 5 – Conformément à la doctrine d'irrecevabilité et selon les attentes légitimes des appelantes, était-il interdit au ministre de porter des accusations contre ces derniers?

[119]  Les appelantes ont tenté de faire valoir qu'il était interdit au ministre de porter des accusations contre elles car le ministre a omis d'agir même s'il savait depuis longtemps que ces vols étaient effectués.

[120]  Le conseiller en révision a examiné cette question en se fondant sur les attentes légitimes, soit que, en raison du temps qui s'est écoulé sans qu'elles soient inculpés de ces infractions, les appelantes avaient des attentes légitimes qu'elles ne seraient pas inculpés plus tard en raison de leurs actes.

[121]  Lorsqu'il existe des attentes légitimes, elles ont une incidence sur la nature de l'obligation d'équité envers les personnes visées. Le fait que le ministre était au courant que les appelantes effectuaient des vols depuis 2004 et qu'il ne soit pas intervenu avant 2009 ne crée pas d'attentes légitimes de la part des appelantes qu'elles ne seraient pas poursuivis. Par ailleurs, Transports Canada n'a jamais indiqué aux appelantes qu'il était acceptable pour elles d'exploiter l'aéronef en question sans permission spéciale. En juin 2004, le ministre a fourni aux appelantes une validation du certificat spécial de navigabilité pour pouvoir exploiter l'aéronef au Canada, lequel certificat était fourni avec une liste des conditions à respecter de même qu'une date d'expiration du 21 juillet 2004 (pièce M‑24). Dès lors, les appelantes auraient pu importer l'aéronef au Canada, le louer à un exploitant aérien en vertu de la sous-partie 3 du RAC ou réaliser les travaux comme un service aérien spécialisé aux É.-U. en vertu de l'Accord de libre-échange nord-américain. Or, les appelantes n'ont pris aucune de ces mesures et elles ont continué d'effectuer des vols avec l'aéronef avec un certificat spécial de navigabilité restreint délivré par la FAA.

[122]  Les appelantes n'ont pas donné de motif convaincant pour expliquer pourquoi la position du ministre serait différente cinq ans plus tard. Il est déraisonnable pour les appelantes de présumer qu'elles avaient le droit d'exploiter l'aéronef sans l'autorisation requise parce que le ministre n'était pas intervenu plus tôt.

[123]  Le comité d'appel conclut qu'il était raisonnable de la part du conseiller en révision de déterminer qu'il n'y avait pas d'attentes légitimes en l'espèce.

F.  Question 6 – A-t-il été impossible aux appelantes de présenter une défense pleine et entière en raison d'une divulgation insuffisante?

[124]  Les appelantes ont tenté de faire valoir qu'elles n'ont pas été en mesure de répondre pleinement des accusations et de se défendre en l'espèce en raison d'une divulgation insuffisante. Le ministre soutient qu'il y a eu divulgation complète et que le conseiller en révision était satisfait de la divulgation de la preuve par le ministre.

[125]  Le comité d'appel souligne que la question de la divulgation a été soulevée avant, durant et pendant l'audience en révision, et que le conseiller en révision était satisfait de la preuve divulguée aux appelantes en l'espèce. Le comité d'appel note que cette conclusion est raisonnable.

[126]  Dans la mesure où les préoccupations des appelantes relativement à la divulgation portent sur le processus d'accès à l'information, le comité d'appel souligne que le Tribunal n'a pas compétence dans les questions liées au processus d'accès à l'information et au délai de présentation des demandes en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1.

G.  Question 7 - Farm Air détenait-elle une exemption d'agriculteur-pilote pour les vols effectués dont il est question en l'espèce?

[127]  En l'espèce, les chefs d'accusation ont été portés contre Farm Air en vertu du paragraphe 700.02(2) du RAC. Le paragraphe 700.02(3) prévoit une exemption au paragraphe 700.02(2) selon lequel une personne peut prouver qu'elle exploitait un aéronef à titre d'agriculteur-pilote, ce qui constitue ainsi un moyen de défense contre une accusation portée en vertu du paragraphe 700.02(2).

[128]  Étant donné que le paragraphe 700.02(3) constitue un moyen de défense contre les accusations portées, il appartient au défendeur de prouver l'existence du moyen de défense en prouvant les quatre conditions cumulatives énumérées au paragraphe 700.02(3).

[129]  Il était raisonnable de la part du conseiller en révision de déterminer que ce moyen de défense n'a pas été prouvé. De fait, il est manifeste que les 7, 12, et 17 juillet, 2009, les produits ont été épandus à l'extérieur du rayon de 25 miles de la ferme du représentant des appelantes et également évident que des produits ont été épandus à des fins non agricoles le 3 juillet 2009. L'appelante n'a pas présenté d'élément de preuve pour démontrer le contraire.

[130]  Les appelantes soutiennent que le conseiller en révision les avait induits en erreur quant à la question de savoir s'elles devaient ou non prouver que les vols avaient été effectués en vertu de cette exemption, et que les erreurs commises par le conseiller en révision sur ce point ont nui à leur capacité de prouver le bien-fondé de leur cause.

[131]  Cependant, d'après l'examen de la transcription, même s'il y avait de la confusion au début de l'audience en révision sur la question de l'exemption d'agriculteur-pilote, cette question a été éclaircie par toutes les parties avant la fin de l'audience en révision. Par exemple à la page 753 de la transcription de l'audience en révision, il est indiqué que M. Colhoun a posé la question de savoir si le fait d'être un agriculteur-pilote était un moyen de défense et que le conseiller en révision lui a répondu qu'il croyait qu'il le serait dans le cas en l'espèce.

[132]  Lors d'une discussion tenue plus tard sur l'exemption d'agriculteur-pilote comme moyen de défense des appelantes qui est consignée à la page 756 de la transcription, M. Colhoun a demandé des précisions pour savoir à qui incombe le fardeau de prouver qu'une personne est agriculteur-pilote. Plus précisément, il a demandé s'il doit affirmer qu'elles sont agriculteurs-pilotes ou s'elles doivent le prouver. Le conseiller en révision a répondu qu'elles n'ont pas besoin de le prouver.

[133]  Bien qu'il soit malheureux qu'il y ait eu confusion au sujet de ce moyen de défense possible, il est clair pour le comité d'appel que le représentant des appelantes comprenait qu'il avait la possibilité d'utiliser ce moyen de défense avant la fin de l'audience en révision. De plus, le comité d'appel souligne qu'il ne revient pas au conseiller en révision de guider les appelantes sur la marche à suivre pour utiliser un moyen de défense. En dépit de toute confusion que ce point ait pu causer, il est manifeste que les appelantes disposaient de l'information dont elles avaient besoin avant la fin de l'audience en révision.

[134]  En conséquence, nous concluons que toute confusion liée à l'exemption d'agriculteur-pilote comme moyen de défense des appelantes en l'espèce n'a pas invalidée la décision, et qu'il était raisonnable de la part du conseiller en révision de déterminer que les appelantes n'ont pas prouvé qu'elles étaient agriculteurs-pilotes en vertu du paragraphe 700.02(3) du RAC.

H.  Question 8 – Y a-t-il eu violation du droit des appelantes à l'équité procédurale étant donné qu'elles n'ont pas été en mesure de présenter leurs arguments oraux à l'audience en révision?

[135]  Les appelantes soutiennent qu'il y a eu violation de leur droit à l'équité procédurale étant donné qu'elles ont été obligées de présenter leurs arguments par écrit au lieu d'oral à la fin de l'audience en révision. Le ministre a toutefois noté que les appelantes avaient effectivement le droit de présenter leurs arguments oraux et qu'il n'y a pas eu violation de leur droit à l'équité procédurale. Le ministre a ajouté que, s'il y a effectivement eu violation des droits des appelantes à l'équité procédurale, cette violation a été corrigée pendant l'audience en révision. 

[136]  Étant donné que la discussion sur les arguments écrits n'a pas été consignée, il est impossible de savoir si les appelantes se sont fortement opposés à la décision selon laquelle elles devaient présenter des arguments écrits plutôt que d'oraux, comme le soutiennent les appelantes, ni s'elles se sentaient à l'aise avec cette situation, comme le suggère le ministre.

[137]  Il n'y a guère de doute que la meilleure marche à suivre dans ce cas aurait été de présenter des arguments oraux comme il était prévu et de les compléter par des arguments écrites, tel qu'envisagé à l'article 17 des Règles du TATC. Toutefois, le fait de changer les procédures d'une audience en révision n'entraîne pas automatiquement la violation du droit à l'équité procédurale. Le comité d'appel est porté à accepter l'argument du ministre, soit que le droit en cause est le droit de faire des observations. En l'espèce, les deux parties ont eu l'occasion de présenter leurs arguments de la même manière. De plus, l'appelante a eu amplement de temps pour fournir ces observations au Tribunal.

[138]  Bien qu'il soit malheureux que les appelantes n'aient pas eu la possibilité de faire des arguments oraux comme elles l'auraient préféré, le comité d'appel ne peut pas affirmer que l'entière audience en révision était entachée d'une iniquité procédurale en raison de cette omission. Comme il a été mentionné, les deux parties ont eu la chance égale de fournir leurs observations et elles ont eu amplement de temps pour le faire. Comme les deux parties ont eu l'occasion de soumettre leurs observations à l'examen complet du conseiller en révision, le comité d'appel conclut qu'il n'y a eu aucune violation du droit à l'équité procédurale dans ce cas.

[139]  Par contre, si le comité d'appel a tort et que cette omission a entraîné la violation du droit à l'équité procédurale, le comité d'appel conclut que cette violation a été corrigée en appel. De fait, l'erreur alléguée qui s'est produite à l'audience en révision était mineure et n'a eu aucun effet préjudiciable apparent sur les appelantes. De plus, les appelantes disposaient d'une latitude considérable quant aux observations qu'elles ont pu présenter en appel, de même que la possibilité exceptionnelle de présenter de nouveaux éléments de preuve en appel.

I.  Question 9 – Le ministre a-t-il poursuivi les mauvaises parties?

[140]  Les appelantes soutiennent que le ministre a porté des accusations contre les mauvaises parties et qu'il aurait dû plutôt porter des accusations contre Colhoun Farm.

[141]  Cette question a aussi été soulevée par les appelantes à l'audience en révision et traitée par le conseiller en révision dans sa décision. Le comité d'appel est d'avis que le conseiller en révision a traité cette question de manière raisonnable; il soutient que Colhoun Farm n'est pas une entité juridique et il conclut que le ministre n'a pas commis d'erreur en portant des accusations contre les appelantes en l'espèce.

[142]  De plus, bien que les appelantes aient tenté de s'appuyer sur un bail allégué entre Colhoun Farm et Skynorth Aviation Ltd., le comité d'appel accepte l'argument du ministre, soit que le bail était invalide du fait que Colhoun Farm n'est pas une entité juridique. Également, le bail a été signé le jour de l'expiration et il n'a pas été enregistré auprès de Transports Canada. 

J.  Question 10 – Les sanctions imposées étaient-elles appropriées en l'espèce?

[143]  Les sanctions imposées contre les appelantes en l'espèce sont les sanctions maximales prévues à l'Annexe II de la Partie I du RAC. Ainsi, tout changement aux sanctions en l'espèce consisterait à réduire les pénalités en raison de facteurs atténuants. Dans cet esprit, le comité d'appel a déterminé que la négligence de la part du ministre relativement à l'obtention des ordonnances de communication et des éléments de preuve qui en découlent devrait être considérée comme un facteur atténuant ayant une incidence sur les sanctions en l'espèce.

[144]  Le comité d'appel note que le ministre exige du public voyageur qu'il respecte des normes élevées et des pilotes qu'ils respectent rigoureusement le RAC et toute autre loi pertinente. En l'espèce, par contre, Transports Canada n'a pas respecté le même niveau élevé de normes dans l'exécution de ses travaux de préparation et d'enquête.

[145]  Le représentant des appelantes soutient que les erreurs dans les ordonnances de communication et l'information pour obtenir une ordonnance de communication ont eu des effets néfastes sur lui. De fait, le représentant des appelantes indique qu'il a perdu des clients et que ses relations avec la collectivité ont souffert car les membres de la collectivité pensent qu'il fait l'objet d'une enquête pour activités criminelles très graves en raison de ces erreurs.

[146]  Le comité d'appel estime qu'il devrait être tenu compte dans les sanctions imposées aux appelantes des répercussions financières et personnelles négatives qu'elles ont subies en raison des erreurs. Le comité d'appel souligne que deux chefs d'accusation portés contre chaque appelante sont uniquement fondés sur les éléments de preuve de Hanmer Seeds comme preuve des infractions. Bien que le comité d'appel reconnaisse la validité de ces éléments de preuve, il conclut que la pénalité imposée pour ces infractions devrait être modifiée afin de tenir compte des répercussions négatives que les appelantes ont déjà subies en raison de l'obtention de ces éléments de preuve. Ainsi, le comité d'appel conclut que les sanctions imposées pour les chefs d'accusation portés contre Farm Air et Lumsden Aero les 7 et 12 juillet 2009 devraient être réduites à 50 $ pour chacun de ces chefs d'accusation.

[147]  Il est à espérer que cette sanction réduite compensera dans une certaine mesure les répercussions négatives subies par les appelantes en raison des erreurs commises en l'espèce. Le comité d'appel espère aussi que cette réduction de pénalité incitera le ministre à prendre toutes les mesures de précaution possibles pour éviter de commettre des erreurs du genre dans l'avenir.

IX.  DÉCISIONS

A.  Farm Air Ltd.

[148]  L'appel est rejeté. Les accusations portées contre Farm Air Ltd. sont maintenues. Cependant, les sanctions de5 000 $ imposées à Farm Air Ltd. pour les chefs d'accusation 1 et 2 sont réduites à 50 $ pour chacun de ces deux chefs d'accusation, et les pénalités de 5 000 $ pour les chefs d'accusation 3 et 4 sont maintenues. Ainsi, la sanction totale imposée est réduite de 20 000 $ à 10 100 $.

B.  Lumsden Aero Ltd.

[149]  L'appel est rejeté. Les accusations portées contre Lumsden Aero Ltd. sont maintenues. La sanction de 5 000 $ imposée pour chaque chef d'accusation est maintenue, à part les sanctions pour les chefs d'accusation 2 et 3 qui sont réduites à 50 $ pour chacun de ces deux chefs d'accusation. Ainsi, la sanction totale imposée est réduite de 35 000 $ à 25 100 $.

Le 17 septembre 2013

(Original signé)

Motifs de la décision d'appel :

J. Richard W. Hall, president

Y souscrivent :

Suzanne Racine, membre

 

Arnold Olson, membre

 

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