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Dossier no O-0088-37 (TAC)
Dossier no 6504Z-008508 (MdT)

TRIBUNAL DE L'AVIATION CIVILE

ENTRE :

Ministre des Transports, requérant(e)

- et -

William Dean McHugh Et Lindsay Air Park, intimé(e)

LÉGISLATION:
Ordonnances sur la navigation aérienne, Partie II, Chapitre IV, art. 6.1.5
Règlement de l'Air, C.R.C. 1978, c. 2, art. 221

Navigabilité, Certification d'aéronef


Décision à la suite d'une révision
John J. Eberhard, Q.C.


Décision : le 14 février 1989

TRADUCTION

[William Dean McHugh]

Après avoir entendu le témoignage de l'intimé, je suis convaincu que même s'il n'a pas fait l'inscription requise dans le carnet de route, il a bien procédé à l'inspection du 80-21-06 comme il était tenu de le faire.  Les critères d'inspection ayant été respectés, son certificat de navigabilité de l'aéronef CF-HAT était en règle.  La seule infraction qu'a pu éventuellement commettre l'intimé a été de ne pas effectuer l'inscription nécessaire dans le carnet de route, mais cette infraction ne lui est pas reprochée.  L'amende est donc levée.

[Lindsay Air Park]

Le ministre a fait état d'une infraction aux dispositions de l'article 221 du Règlement de l'Air découlant d'une infraction commise par un employé de l'intimé en vertu des dispositions du paragraphe 7.3(4) de la Loi sur l'aéronautique.  Le tribunal ayant statué que l'employé n'avait pas enfreint les dispositions de l'article 221, il s'ensuit que la société ne peut pas elle-même avoir enfreint les dispositions dudit article. En conséquence, aucune amende ne sera imposée.

LE PRÉSIDENT : L'audience est ouverte et je m'efforcerai de faire diligence, messieurs, pour que vous n'ayez pas à attendre davantage une décision et, à la fin de l'audience, il me faudra remplir un certain nombre de formulaires, ce que je n'ai pas encore fait, car il est possible que MM. Kelly et McHugh en aient besoin avant de partir.  Je vous demanderai donc d'être patients et de me laisser cinq minutes pour les remplir à la suite de mon jugement.

L'affaire, dont le tribunal est saisi aujourd'hui, a commencé par l'envoi d'un avis d'imposition d'une amende à M. Kelly, pour le compte de la société Lindsay Air Park, et à M. William McHugh, un employé de cette société.  Dans la première cause (les deux causes découlant d'allégations faites aux termes des dispositions de l'article 221 du Règlement de l'Air), il est allégué que William D. McHugh, en sa qualité d'employé de Lindsay Air Park et de titulaire d'une licence de mécanicien d'aéronef a, le 26 juin 1987, attesté de la navigabilité d'un aéronef Bellanca, immatriculé 7GCBC, sans que la directive AD-80-21-06 sur la navigabilité ait été respectée, un autre chef d'accusation alléguant par ailleurs que M. McHugh, en tant que responsable en sa qualité de titulaire d'une licence d'aéronef, avait attesté de la navigabilité de l'aéronef dans le même dossier, alors que la directive sur la navigabilité n'avait pas été respectée.

Avec l'accord des parties, les deux causes ont été entendues conjointement, et l'ensemble des éléments de preuve a été appliqué aux deux allégations.  Je traiterai tout d'abord de l'accusation portée contre M. McHugh parce que le sort de celle qui est faite à l'encontre de la société en dépend automatiquement.

M. Williams a tout d'abord exposé clairement dans son argumentation la position de Transports Canada, puis il a appelé à comparaître son premier témoin, un dénommé Gary Clayton, titulaire d'une licence de mécanicien d'entretien en aéronautique, ayant quelque dix ans d'expérience en tant qu'inspecteur chargé des questions de navigabilité au bureau de Toronto.  Après l'avoir interrogé, M. Cornell, l'avocat de l'intimé, a reconnu à M. Clayton la qualité d'expert et l'a autorisé à faire connaître son avis dans son témoignage.  M. Clayton a attiré l'attention du tribunal sur un certain nombre de pièces, et notamment sur l'article 221 du Règlement de l'Air qui stipule :

« Il est interdit d'attester l'état de navigabilité ou l'état de fonctionnement d'un produit aéronautique ou d'un composant ou d'attester qu'un aéronef peut être remis en service lorsqu'il ne répond pas aux normes de navigabilité applicables. »

Pour les deux parties, l'allégation faite en vertu de cet article renvoie à une question de conformité avec les dispositions des articles 3 et 4 des ordonnances sur la navigation aérienne, série no II, ordonnance no 4 : Ordonnance sur les certificats de navigabilité des aéronefs. L'article 3 de cette ordonnance stipule, entre autres :

« Un certificat de navigabilité n'est délivré à l'égard d'un aéronef que si

a) l'aéronef est entretenu selon un programme d'entretien conforme aux normes établies par le Ministère...

b) une inscription est faite au carnet de route de l'aéronef par une personne autorisée, attestant que l'aéronef est

(i) en état de navigabilité ou

(ii) disponible pour la remise en service, selon le cas, aux heures et aux dates et selon les procédures prévues dans le Manuel de navigabilité ou le Manuel du mécanicien et de l'inspecteur. »

L'article 4, quant à lui, stipule :

« Sous réserve du paragraphe (2), le certificat de navigabilité délivré pour un aéronef est valable pour un an; il expire à la date d'anniversaire de sa délivrance, à moins que l'aéronef ne soit soumis à la procédure d'inspection d'état et de conformité prévue dans le Manuel de navigabilité ou le Manuel du mécanicien et de l'inspecteur, dans les soixante jours précédant cette date. »

La pièce M‑5, qui correspond à l'article 2.3.3 du chapitre II, partie I du Manuel de l'inspecteur, et qui traite des critères d'inspection IEC, est libellée comme suit :

L'aéronef sera inspecté et son carnet de route, ainsi que ses livrets techniques, seront examinés par (ou sous sa surveillance) un mécanicien d'entretien d'aéronefs, un inspecteur agréé ou toute autre personne autorisée à certifier le bon état de fonctionnement ou de navigabilité des aéronefs suivant les Ordonnances sur la navigation aérienne série II, no 3 ou no 4, dans la mesure nécessaire pour vérifier que : ...

« d) toutes les consignes de navigabilité canadiennes, ainsi que les consignes de navigabilité applicables ou les avis impératifs équivalents, émis ou approuvés par les autorités de navigabilité du pays d'origine de l'aéronef, ont été respectes; ... »

Je suis convaincu que M. McHugh répond à la définition de la personne responsable de l'inspection et de la tenue de ces registres.

La pièce M‑6 consiste en une décision aux termes des directives sur la navigabilité, et on peut lire au paragraphe 6.1.1, article 6 de la partie II :

« Les directives sur la navigabilité sont d'application obligatoire et un aéronef qui n'est pas modifié ou inspecté en conformité avec les directives applicables sur la navigabilité est considéré comme n'étant pas en état de navigabilité. »

Le paragraphe 6.1.5 stipule :

« La conformité avec les directives sur la navigabilité sera consignée dans la partie appropriée du livret technique de l'aéronef. »

J'interprète cet article comme étant d'application obligatoire.  M. Clayton a ajouté dans son témoignage, après s'être référé aux articles que je viens de citer, qu'en cas de défectuosité susceptible de nuire au fonctionnement sécuritaire d'un aéronef, la FAA aux États-Unis comme TC au Canada peuvent notifier, par voie de directive sur la navigabilité, l'obligation de procéder à certaines opérations d'entretien.  Je suis convaincu que dans l'affaire qui nous occupe, il y avait au moment considéré, et il existe toujours, une directive sur la navigabilité dont le numéro de référence est AD-80-21-06 et qui devait être respectée en toute circonstance.  Les directives sur la navigabilité, a poursuivi le témoin, sont connues des mécaniciens tels que M. McHugh.

Les attestations faites aux termes des directives sur la navigabilité doivent respecter certains délais, et dans la présente affaire un délai est bel et bien indiqué puisque l'on se réfère, précisément dans le cas de cet aéronef Bellanca en particulier, à des opérations d'entretien obligatoires au bout d'un maximum de 100 heures de vol ou de 12 mois d'exploitation à compter de la dernière inspection, selon la première éventualité.  Le témoin a fait remarquer que les opérations faites sur l'aéronef aux fins de la conformité avec les directives doivent être consignées à la fois dans le carnet de route et dans le livret technique et, au vu du dossier, je constate qu'aucune référence n'est faite au registre contrairement à ce que l'on pourrait attendre, ce qui fait que si une accusation avait été portée devant moi en vertu des dispositions de l'article 6.1.5, je n'hésiterais pas à juger que M. McHugh n'a pas respecté cette exigence.

M. Clayton a déclaré qu'une fois que le mécanicien d'entretien d'aéronef a fini son inspection et fait les inscriptions voulues dans le carnet de route, il transmet un rapport exhaustif à Transports Canada.  Ce formulaire en quatre parties qui est transmis au Ministère rend compte, entre autres, du respect des directives sur la navigabilité, et je comprends pourquoi le Ministère s'est intéressé à l'affaire lorsque le rapport en question lui a été transmis au sujet de cette directive en particulier.

La pièce M‑9 est la photocopie de l'IEC du Ministère, dont j'accepte la validité et qui indique qu'un certain nombre de dispositions ont été respectées, notamment celles de la directive sur la navigabilité CF-68-4, aucune mention ne figurant en ce qui a trait à la directive AD-80-21-06 qui fait l'objet de la présente accusation.  De toute évidence, compte tenu des éléments de preuve dont disposait le Ministère à l'époque, non seulement ses soupçons étaient justifiés mais, en outre, il a eu raison de procéder à une enquête et à des vérifications de dossier.

Je me reporte à la pièce M‑10, soit le livret technique, sur lequel il était logique que le Ministère s'attendre à ce que l'on ait fait une inscription, et je constate qu'au cours des années antérieures, notamment en juin 1986, on se réfère à la directive sur la navigabilité en cause dans la présente affaire alors qu'aucune référence n'est faite dans le livret technique pour l'année et la date en question.  Je constate aussi que dans le carnet de route, à la date du 26 juin 1987, M. McHugh a, en fait, attesté que l'aéronef se conformait aux critères d'inscription d'état et de conformité et en a garanti la navigabilité, autorisant sa remise en service.

Lors du contre-interrogatoire auquel a procédé M. Cornell, le témoin a déclaré qu'il n'avait pas été en contact avec l'aéronef avant la date d'inspection, et M. Clayton a précisé que si le travail avait été fait sans être consigné dans le registre, il n'aurait rien à redire. Je trouve cette observation dans son témoignage quelque peu curieuse et j'y reviendrai plus tard.

M. Clayton a indiqué par ailleurs qu'il n'était pas acceptable de se contenter de consulter les inscriptions figurant dans le carnet de route pour déterminer celles qui doivent être consignées dans le rapport IEC ou lors d'une inspection ultérieure dans le carnet.  Il a reconnu que les inscriptions du carnet peuvent s'avérer utiles mais que des recherches complémentaires dans les directives sur la navigabilité étaient nécessaires pour s'assurer que toutes les normes ont été respectées.  En tant qu'inspecteur expérimenté, qualité qu'il possède de toute évidence, il a précisé qu'il ne s'en serait pas tenu exclusivement aux inscriptions figurant dans le carnet de route, mais qu'il aurait effectué des recherches dans les textes récents afin de se mettre au courant de toutes ces nouvelles obligations.

M. Cornell a fait comparaître son premier témoin, M. McHugh, qui a déclaré être lui aussi titulaire d'une licence de mécanicien catégorie A1 depuis 1984 et avoir deux ans et dix mois d'expérience.  J'imagine qu'il s'agit de l'expérience accumulée au moment des faits reprochés, soit en juin 1987, et non à la date d'aujourd'hui.  Quoi qu'il en soit, le témoin avait d'importantes responsabilités dans la société qui l'employait.

Il a précisé qu'en plus de ses responsabilités courantes d'employé, il était chargé d'attester de la navigabilité d'un certain nombre d'aéronefs du même type que celui qui est en cause et qu'il est suffisamment familier avec les aéronefs (et j'accepte la pertinence de son témoignage sur ce point) pour savoir quels sont les critères d'inspection liés aux directives sur la navigabilité.

Le témoin avait déjà travaillé sur cet aéronef en particulier avant la date des faits en cause.  L'aéronef était dans son atelier depuis le mois de décembre de l'année précédant l'incident.  Il avait enlevé la toile, procédé à des inspections supplémentaires et effectué certains travaux de remise en état de l'aéronef, notamment l'enlèvement complet des deux systèmes d'échappement qui sont mentionnés. Il a précisé qu'en avril 1987, il avait procédé à l'inscription du système d'échappement auquel se rapporte la directive AD-80-21-06.  Autant qu'il puisse en juger, les inspections auxquelles il avait procédé en mars et en avril 1987 lui permettaient de déclarer que l'aéronef se conformait aux exigences de l'inspection de 12 mois prévue dans cette directive sur la navigabilité et, se référant à la pièce D‑1 versée au dossier par le témoin, il a précisé que la « feuille de contrôle » confirme (ce que j'accepte) qu'une inspection a été effectuée conformément aux critères établis par la directive AD-80-21-06 sur la navigabilité. Je reviendrai dans un instant sur cette question.

Le témoin s'est expliqué en déclarant qu'il était logique de procéder à l'inspection en avril, au moment où le moteur avait été enlevé de l'aéronef.  Il a précisé, en fait, dans son témoignage qu'il s'était entendu avec le propriétaire pour effectuer les opérations requises par la directive sur la navigabilité dans les 60 jours à compter de juin 1987, c'est-à-dire, j'imagine, même si le témoin ne l'a pas mentionné expressément, à compter du 30 juin 1987. Il me paraît d'ailleurs logique qu'il ait effectué cette inspection au moment où le moteur avait été enlevé.  Le témoin a ajouté qu'au moment considéré il avait effectué d'autres travaux sur l'aéronef et a précisé qu'il avait procédé à cet égard, à une inscription dans la pièce versée au dossier sous la cote D‑2 accompagnée des initiales PCW.  Je me reporte en particulier à la dernière page de la pièce D‑2, soit le rapport d'inspection rédigé (même s'il apparaît sans date) le 26 juin 1987.  Selon le témoin, les initiales PCW renvoient en anglais à l'expression « previously complied with » (exigence déjà remplie) et, outre la référence à la directive sur la navigabilité en cause (toujours la directive AD-80-21-06), il est indiqué par le témoin qu'au moment considéré, selon les données figurant dans la « feuille de contrôle » de juin 1987, les exigences de la directive sur la navigabilité avaient été respectées.  Il en veut pour preuve la référence à l'avant-dernière page de la pièce D‑2 où, là encore, il a apposé ses initiales en regard de la rubrique exigeant qu'une inspection soit effectuée toutes les 100 heures, où l'on peut lire :

« Respect de toutes les directives sur la navigabilité de la FAA.»  Lorsqu'on lui a demandé pour quelles raisons il n'avait pas fait l'inscription dans le carnet de route au moment considéré, le témoin a répondu que c'était par manque de temps et en raison des dispositions de la ADCF-68-4 (qui correspond à des mesures d'inspection similaires effectuées à l'époque) ajoutant, « je n'ai pas jugé bon... »  Le témoin n'a pas fini sa phrase, mais il a précisé un peu plus tard qu'il n'avait pas eu vraiment le temps de faire l'inscription dans le carnet de route parce qu'un client avait fait irruption dans son atelier d'entretien et avait voulu prendre l'aéronef sans payer.  Le témoin a poursuivi en disant qu'un chèque lui a été remis par la suite (l'aéronef ayant été immobilisé par une chaîne bloquant l'hélice).  J'imagine que l'aéronef a été rendu à son propriétaire et, pendant que l'on se chargeait de la mise en route ou qu'on amenait l'aéronef, le témoin a effectué les dernières inscriptions à la hâte et a tout simplement oublié d'indiquer la directive pertinente sur la navigabilité dans le carnet de route. Le témoin a déclaré, et je m'efforce de citer intégralement ses propos :

« Les inscriptions ont été faites lors de la mise en route de l'aéronef et j'ai agi en toute hâte.  De mon point de vue, le 26 juin 1987, j'avais respecté les exigences de la directive AD-80-21-06. »

Je ne conteste pas les déclarations du témoin.  J'accepte son témoignage à titre d'explication, mais cela ne l'excuse pas pour autant de ne pas avoir effectué l'inscription dans le carnet de route même si les circonstances étaient difficiles.

Question, je suppose d'ajouter du poids à son témoignage, le témoin a déclaré qu'en plus d'être convaincu du fait que les exigences de la directive sur la navigabilité avaient été respectées, les différents postes d'inspection figurant sur la « feuille de contrôle » avaient fait l'objet d'une recherche du point de vue des directives sur la navigabilité, ajoutant que lorsque l'aéronef a été démonté en avril, je cite ses propos « il était plus logique de le faire au moment où le moteur était enlevé et où les silencieux étaient défaits. » En fait, la logique est évidente.

Il n'est pas nécessaire de revenir sur le témoignage de M. Kelly pour l'instant.  Je le ferai plus tard. L'inspecteur Clayton a réfuté cette argumentation en déclarant que de nouveaux éléments étaient apparus lors du contre-interrogatoire au sujet de la directive sur la navigabilité AD CF-68-4 applicable à l'aéronef en question, et je suis d'accord avec M. Clayton pour dire qu'il s'agit là d'une directive sur la navigabilité différente et qu'il aurait fallu procéder à un autre type d'inspection pour respecter les exigences des directives.

En l'occurrence, ce n'est pas parce que l'on atteste que les exigences de l'AD CF-68-4 ont été respectées qu'il en va automatiquement de même de celles de l'AD-80-21-06.  A l'instar de M. Williams, j'estime qu'il s'agit là de deux directives différentes, qui devraient exiger chacune une inspection.

Dans sa conclusion, M. Williams s'en est tenu, si je ne m'abuse, à trois arguments principaux.  Tout d'abord, il a affirmé que le ministre avait démontré que la directive sur la navigabilité n'avait pas été respectée parce qu'aucune référence n'y avait été faite dans les registres et les rubriques d'attestation appropriés et que l'on s'attend à ce qu'elles soient mentionnées à la fois dans le livret technique et dans le carnet de route.  A mon avis, l'argument de M. Williams s'apparente à une thèse en faveur de la responsabilité absolue.  Je pense qu'après réflexion il reconnaîtrait lui-même que si cette responsabilité absolue existe, elle ne peut être trouvée dans les dispositions de la Loi sur l'aéronautique.  Je comprends son argumentation, car les fiches de travail mentionnant que les exigences de la directive sur la navigabilité ont été respectées ne sont, selon sa propre expression, qu'une « simple formalité » et qu'une signature dans le carnet de route serait plus convaincante.  Jusqu'à un certain point, je suis d'accord avec cette argumentation. Toutefois, je dois me souvenir à ce stade du fardeau de la preuve et des termes de l'article 24 de la Loi qui stipule :

« Dans toute action ou procédure engagée en vertu de la présente Loi, les inscriptions portées aux registres, dont celle-ci exige la tenue, font foi, sauf preuve du contraire, de leur contenu contre l'auteur des inscriptions ou le responsable de la tenue des registres ou, s'il s'agit de matériels aéronautiques, d'un aérodrome ou autre installation aéronautique, contre leur propriétaire, utilisateur ou exploitant. »

Je me reporte à une affaire jugée récemment par le Tribunal de l'aviation civile dans le dossier TAC C-0105-02. Il s'agit d'une affaire mettant en cause le ministre des Transports et un dénommé Peter J. Lubig, portant sur une inscription consignée dans le carnet de route et dans laquelle une accusation a été portée en vertu des dispositions de l'article 210.  Si je me souviens bien, l'aéronef en cause dans cette affaire avait volé avec une masse brute au-dessus de celle autorisée et on peut lire à la page 15 de ce jugement :

« Il convient de relever dès à présent que le carnet de bord fait état d'une masse enregistrée de combustible de 200 livres au départ de chacune de ces deux étapes.  Je juge sur le plan des faits que cette inscription dans le carnet de bord est inexacte. »

Ici en fait, comme dans l'affaire que je viens de citer, je constate que les inscriptions dans les livrets techniques ou les carnets de route sont imprécises ou même totalement absentes. Dans l'affaire que je viens de citer, comme dans celle qui nous occupe, le conseiller s'est arrêté un instant sur les dispositions de l'article 24 de la Loi et a poursuivi en ces termes :

« En l'absence de preuves contraires, je n'hésiterai pas ici à considérer que Lubig, en tant que responsable de la tenue du carnet de route, et sur la foi des inscriptions qui y sont portées, avait bien enfreint les exigences liées à la masse brute de l'aéronef qu'il exploitait, et je ne pourrais que confirmer les allégations du ministre. Toutefois, pour préserver l'équité de la procédure, il me faut examiner d'autres éléments de preuve et, si ces derniers permettent de corriger d'une façon ou d'une autre les inscriptions au registre, en tenir compte dans ma décision.  En d'autres termes, la présomption de preuve que constitue l'inscription elle-même doit être corroborée par des preuves documentaires recevables et par des témoignages de vive voix devant le Tribunal. C'est ainsi que le Tribunal doit procéder dans l'affaire qui nous occupe. »

Le conseiller poursuit son analyse en faisant le raisonnement suivant à la page 24 :

« Je dois me référer à la question du fardeau de la preuve qui a été évoquée dans un certain nombre d'audiences du TAC.  Je me reporte aux termes employés récemment par mon collègue Robert J. Rushford, c.r., qui a déclaré dans l'affaire ministre des Transports/Norman A. Milne : C.-0090-33 (7 décembre 1988), à la page quatre :

« Nous devons donc soupeser les témoignages (des témoins) et décider, en nous fondant sur ‘la prépondérance des probabilités' si le vol en question a posé un danger (ici, l'accusation en vertu du paragraphe 534(2) du Règlement de l'Air).  Si les probabilités sont également partagées entre l'existence d'un danger et l'absence de celui-ci, nous devons juger en faveur de l'intimé (le pilote) et rejeter l'appel. »

On revient ensuite à l'affaire Lubig :

« Dans l'affaire qui précède, rien ne permet de déclarer objectivement ou subjectivement que la balance penche en faveur de l'une ou l'autre des parties. »

Enfin, on peut lire à la page 25 de ce jugement :

« Tout d'abord, le carnet de route (pièce M‑3) fait référence à des vols commençant le 25 décembre 1986 et se terminant le 30 mars 1987, le tout étant signé, comme il se doit par Lubig.  Le carnet fait état d'une différence entre le temps de vol effectif et le temps de vol, comme il est prévu, et l'indication du poids des personnes, du combustible et des bagages est donnée pour chacun des neuf vols consignés.  Ces inscriptions ont été faites par Lubig, à un moment et dans des circonstances qui faisaient qu'il ne pouvait être influencé par la tenue d'une enquête sur un aéronef en surcharge.  Ces inscriptions constituent théoriquement des preuves circonstancielles, mais elles s'apparentent aux inscriptions faites dans les livres de compte d'une entreprise dans le cadre de ses activités courantes, sans aucune arrière pensée ou sans intention de donner des indications erronées ou de ‘brouiller les pistes' pour éviter une quelconque sanction.  En conséquence, je suis tenté de considérer comme des preuves les inscriptions au sujet desquelles Lubig ou ses témoins n'ont pas fait de réserve.  Autrement dit, toute inscription faite dans le carnet de route qui doit être tenu en vertu des dispositions de la Loi sur l'aéronautique constitue une présomption de preuve en l'absence de preuve du contraire.

En conséquence, lorsque ces inscriptions ne sont pas incompatibles avec des preuves contraires avancées par Lubig, je suis disposé à m'en prévaloir pour en arriver à ma conclusion. »

Voilà qui s'apparente à mon avis à la situation qui nous occupe aujourd'hui.  Aucune inscription, en effet, n'a été faite dans le carnet de route.  D'après moi, cela revient au même qu'une inscription inexacte et relève en conséquence des dispositions de l'article 24.  L'accusation qui m'est présentée porte, en fait, sur la question de la navigabilité et, compte tenu de ce que l'allégation est libellée comme suit « Directive sur la navigabilité non respectée », il me faut décider dans les faits s'il s'agit d'une inscription qui n'a pas été faite dans le carnet ou d'une directive sur la navigabilité non respectée, l'allégation qu'a, en fait, prouvée le ministre.  Il est clairement établi en l'espèce qu'aucune inscription n'a été portée dans le carnet de route.  Par contre, il est aussi prouvé que ce défaut d'inscription de la part de l'intimé a des explications et M. McHugh a déclaré dans son témoignage, et j'accepte sa version, qu'il a procédé à une inspection et qu'il n'a constaté au cours de celle-ci aucune défectuosité exigeant qu'il prenne des mesures en sa qualité de mécanicien agréé.

Le défaut que cherche à éviter ici la réglementation ne se rapporte pas à la directive sur la navigabilité mais à l'inscription manquante dans le carnet de route et, comme je l'ai déclaré précédemment, je reconnais que si l'accusation avait été portée en ce sens, je n'aurais pas hésité à juger que M. McHugh n'a pas effectué l'inscription appropriée.  La question ne se pose pas, toutefois.  Aucun risque n'a été couru sur le plan de la sécurité aéronautique, soit le défaut que cherche à corriger l'accusation qui est portée en l'espèce.  La navigabilité n'a rien à voir en soi avec le défaut de procéder à une inscription dans le carnet de route. C'est le défaut de se conformer à la directive sur la navigabilité que vise la réglementation.  En l'espèce, la disposition de fond, qu'ignorait peut-être Transports Canada au moment de l'enquête, avait été en fait respectée. Je ne peux blâmer l'inspecteur pour la façon dont il a procédé à la vérification et encore moins M. Williams pour la façon dont il a présenté son dossier mais, pour avoir gain de cause, il faut obligatoirement que le Ministère me prouve que la directive sur la navigabilité n'a pas été respectée et je constate, sur le plan des faits, qu'elle l'a été, même si aucune inscription n'a été portée dans le carnet.

Une fois que l'on a fait cette constatation, il n'est plus nécessaire de traiter de la gravité de l'infraction imputée à la société intimée puisque l'accusation portée contre la société repose sur la responsabilité pour la faute d'autrui en tant qu'employeur. Par ailleurs, je me dois nécessairement de rejeter l'accusation à partir du moment où je rejette celle qui a été portée contre M. McHugh.  Les amendes sont donc levées.  Étant donné qu'elles n'ont pas encore été payées, je pars du principe que la question ne pose plus de problème.  Le Tribunal juge à l'issue de la présente audience que ces amendes n'ont pas à être payées.

Je félicite M. Williams pour la façon dont il a su préparer le dossier porté à mon attention.  Le dossier ainsi préparé a été utile et je l'en remercie.  Merci aussi d'avoir présenté des exposés solides et pertinents. Vous avez bien servi la cause de vos clients, et l'affaire est réglée en ce qui me concerne.  Laissez-moi un moment pour remplir la formule TAC-5 qui est nécessaire pour clore l'affaire.  Je rappelle au ministre qu'il a quelques jours pour faire appel de ma décision et que cet appel sera entendu par un tribunal composé de trois personnes et que je n'y participerai pas, bien entendu.  Si quelqu'un souhaite recevoir les motifs par écrit de cette décision, et bien que je suppose que cela n'enchante pas particulièrement M. Shambleau, je pense que vous pourrez le persuader d'en faire la transcription et de me l'envoyer pour que je la corrige et la fasse distribuer. Je présume que vous n'en avez pas besoin maintenant, mais le ministre pourra me faire savoir dans les dix jours s'il veut cette transcription.

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