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Dossier no W-1930-39 (TAC)
Dossier no EMIS 033669 (MdT)

TRIBUNAL DE L'AVIATION CIVILE

ENTRE :

Ministre des Transports, appelant(e)

- et -

Stephen Patrick Pozzi, intimé(e)

LÉGISLATION:
Loi sur l'aéronautique, L.R., ch. 33 (1er suppl.), art. 7.7
Règlement de l'aviation canadien, DORS/96-433, art. 801.01(2)

Perte d'espacement, Facteurs atténuants, Facteurs aggravants, Diligence raisonnable, Autorisation de l'ATC


Décision à la suite d'un appel
E. David Dover, Faye H. Smith, William Thornton Tweed


Décision : le 27 octobre 2000

TRADUCTION

Notre examen de la décision de révision ne révèle aucune erreur à revoir. Par conséquent, nous rejetons l'appel et confirmons la décision du vice-président d'imposer une amende de 250 $. L'amende est payable au receveur général du Canada et doit parvenir au Tribunal de l'aviation civile dans les quinze jours suivant la signification de la présente décision.

Une audience en appel de l'affaire en rubrique a été tenue le vendredi 25 août 2000 à 9 h, à la Cour fédérale du Canada d'Edmonton en Alberta.

HISTORIQUE

Le 1er mai 1999, M. Pozzi, contrôleur de la circulation aérienne, travaillait au secteur des départs de l'installation de contrôle terminal de Calgary au centre de contrôle régional d'Edmonton. Il a donné une autorisation de départ au vol 960 de Canadian Airlines qui a entraîné une perte d'espacement avec le vol 270 d'Air Canada qui arrivait. Les aéronefs se sont retrouvés à 2,2 miles de séparation latérale l'un de l'autre et à moins de 1 000 pieds de séparation verticale, une contravention au paragraphe 801.01(2) du Règlement de l'aviation canadien (RAC) selon lequel : « Il est interdit au contrôleur de la circulation aérienne d'émettre une autorisation du contrôle de la circulation aérienne ou une instruction du contrôle de la circulation aérienne, à moins que celles-ci ne soient émises conformément aux Normes d'espacement du contrôle de la circulation aérienne de l'intérieur canadien. »

À la suite de l'incident, Transports Canada a émis un avis d'amende pour contravention se lisant en partie comme suit :

En vertu de l'article 7.7 de la Loi sur l'aéronautique, le ministre des Transports a décidé de vous imposer une amende parce que vous avez contrevenu aux dispositions suivantes :

au paragraphe 801.01(2) du RAC « Il est interdit au contrôleur de la circulation aérienne d'émettre une autorisation du contrôle de la circulation aérienne ... à moins que celles-ci ne soient émises conformément aux Normes d'espacement du contrôle de la circulation aérienne de l'intérieur canadien. »

Le ou vers le 1er mai 1999, approximativement à 13 h Z, dans les environs de Calgary (Alberta), M. Stephen Patrick Pozzi, titulaire d'une licence de contrôleur de la circulation aérienne n'a pas fourni le service de contrôle de la circulation aérienne conformément au paragraphe 801.01(2) du RAC, particulièrement :

il a accordé une autorisation au vol 960 de Canadian qui a entraîné un conflit avec le vol 270 d'Air Canada.

À la suite de l'audience en révision tenue le 28 février 2000 à Edmonton (Alberta), le vice-président Allister Ogilvie a confirmé la décision du ministre concernant la contravention et a réduit l'amende de 500 $ à 250 $.

MOTIFS DE L'APPEL

S'appuyant sur la décision, le procureur de M. Pozzi a présenté un appel le 18 avril 2000 pour les motifs suivants :

  1. Le vice-président a commis une erreur de fait et de droit en concluant que l'appelant avait fait défaut d'exercer l'attention et le soin auxquels on peut s'attendre d'un contrôleur de la circulation aérienne expérimenté et n'avait pas établi la défense de diligence raisonnable. Les faits ont démontré des circonstances inhabituelles et exceptionnelles témoignant de diligence raisonnable.
  2. Le vice-président a commis une erreur de droit en établissant que la Loi sur l'aéronautique ne fait pas de distinction entre une erreur accidentelle et une erreur consciente et a commis une erreur de fait en faisant défaut de tenir compte du comportement de l'employeur, NAV CANADA.
  3. Le vice-président a commis une erreur de droit en n'exigeant pas du ministre qu'il rehausse le niveau de l'amende imposée et une erreur de fait en relevant des facteurs d'atténuation justifiant une amende inférieure à 250 $.
  4. Le vice-président a commis une erreur de droit en acceptant le concept de « facteurs aggravants » et en établissant une amende correspondante. L'approche appropriée consiste à établir la nature de l'incident et l'amende normalement appropriée à une telle infraction. Après quoi, on peut prendre en compte les facteurs d'atténuation permettant de décider éventuellement de réduire l'amende. Rien ne permet de hausser ce qui est autrement une amende appropriée.

DISCUSSION

Tous les éléments de l'infraction ont été admis ou démontrés à l'audience. Une perte d'espacement s'est effectivement produite et M. Pozzi, un contrôleur de la circulation aérienne compétent, a été responsable de l'autorisation qui a entraîné la perte d'espacement.

L'article 8.5 de la Loi sur l'aéronautique stipule qu'un titulaire de document ne doit pas être tenu responsable d'une contravention au règlement s'il a pris toutes les mesures nécessaires pour empêcher la contravenation. Le fardeau de la preuve des mesures nécessaires incombe au titulaire du document. Il incombe donc à M. Pozzi de prouver selon la prépondérance des probabilités qu'il a pris toutes les mesures auxquelles on peut s'attendre d'un contrôleur de la circulation aérienne s'il doit prévenir la contravention au RAC qui s'est produite.

La cause Marsh[1] souvent citée définit les mesures nécessaires comme suit :

« l'attention et le soin requis d'une personne et auxquels on peut s'attendre ». La détermination des mesures nécessaires dans un cas particulier dépend des circonstances qui prévalent. Dans des circonstances ordinaires de tous les jours, certaines actions suffisent à établir les « mesures nécessaires » mais dans les circonstances inhabituelles ou exceptionnelles, il faut accomplir des actions différentes ou supplémentaires pour répondre aux exigences des « mesures nécessaires ».

Notre décision dans Norris[2] établit cinq tests de diligence raisonnable qui s'appliquent également dans le cas en l'espèce.

Pour utiliser la défense de diligence raisonnable, l'appelant doit prouver un ou plusieurs des éléments suivants :

  1. Le titulaire du document a pris les dispositions raisonnables pour obtenir toute l'information nécessaire à l'exécution de ses tâches prévues au RAC.
  2. Malgré la définition de ses obligations au RAC, le titulaire du document n'avait pas la maîtrise des événements qui ont mené à la contravention.
  3. L'exercice approprié de l'autorité et des responsabilités du titulaire du document n'a pas empêché la contravention.
  4. Le titulaire du document n'a pas eu l'occasion de découvrir une erreur commise par un autre titulaire de document dont il a assumé les responsabilités.
  5. Un défaut d'équipement a prévenu le titulaire du document d'exercer ses fonctions.

Dans la cause en l'espèce, on n'a pas démontré que M. Pozzi avait pris des mesures pour s'informer des motifs qui avaient entraîné la perte d'espacement qui s'était produite lors de son quart de travail précédent dans des circonstances remarquablement semblables à celles qui se présentent à nous. Sans déterminer ou rechercher la raison pour laquelle la première perte d'espacement s'était produite et sans prévenir son supérieur de l'incident, il a commis la même erreur lorsqu'il a repris son poste. On n'a pas démontré qu'une personne ou un événement avait nuit à la capacité de M. Pozzi d'exercer son autorité et ses responsabilités de contrôleur de la circulation aérienne. L'exercice approprié de son autorité, notamment une restriction d'altitude jusqu'après le passage de l'aéronef, un vecteur élargi ou une directive plutôt qu'une autorisation auraient pu prévenir la perte d'espacement qui s'est produite. On n'a pas non plus présenté de preuve tendant à démontrer qu'il y avait un autre contrôleur de la circulation aérienne responsable de l'autorisation qui a entraîné la perte d'espacement. On n'a pas non plus tenté de démontrer que l'équipement était défectueux. Dans les circonstances, on ne peut pas affirmer que M. Pozzi a pris les mesures nécessaires auxquelles on pouvait raisonnablement s'attendre de lui.

L'argument de l'appelant selon lequel la contravention au RAC était accidentelle et devrait le dégager de ses responsabilités ou au moins atténuer les conséquences de l'infraction n'est pas persuasif. Par le biais de la Loi sur l'aéronautique et du RAC, le ministre des Transports a établi des règles et des règlements d'aviation visant à protéger les intérêts du public par l'exploitation sûre des aéronefs. À cet égard, le ministre a décidé d'accorder des permis à certains intervenants du milieu et de leurs imposer certaines obligations. Dans les circonstances actuelles, le défaut du contrôleur de la circulation aérienne de s'acquitter de ses obligations a rapproché deux aéronefs plus près que les limites prévues au règlement. C'est pourquoi, l'amende de 250 $ imposée par le vice-président dans le cas d'une première infraction est appropriée et conforme aux amendes imposées aux autres titulaires de document dans le cas d'une première infraction. Nous abondons également dans le même sens que le vice-président au sujet du choix de M. Pozzi de ne pas rencontrer le responsable de l'enquête. Il avait le droit de choisir de ne pas être interrogé et il n'a pas à être puni d'avoir exercé son droit.

L'affirmation de l'appelant selon laquelle l'application d'une pénalité en cas d'erreurs accidentelles est contraire à la promotion de la sécurité aéronautique ne correspond pas aux conclusions de l'enquête Dubin dont les recommandations constituent la base du modèle de l'application des règlements actuellement en vigueur. Nous avons parcouru la documentation fournie par le savant procureur et elle appuierait parfaitement son argument dans un contexte de relations de travail mais dans le cas qui nous occupe, il s'agit plutôt d'une question de sécurité publique. Les circonstances veulent ici que le titulaire du document à qui le ministre a confié des responsabilités et des obligations, a enfreint la loi. (On remarque une exception dans « Pros and Cons of Punishment for Achieving Discipline in Aviation » de Jerome F. Ledere.) La loi prévoit ici une amende ou une suspension et l'amende est conforme à celles qui sont imposées aux autres titulaires de document ayant commis des contraventions du même ordre.

L'appelant a également mentionné un règlement de grief par arbitrage entre NAV CANADA et l'Association canadienne du contrôle du trafic aérien que l'on trouve à l'onglet 9 du dossier des sources invoquées de l'appelant. L'arbitre a conclu que dans le contexte du grief, on pouvait appliquer le principe des relations de travail voulant que l'on obtempère et que l'on formule le grief ultérieurement. L'arbitre a conclu que les circonstances de la cause n'entraînaient pas l'exemption permettant à un employé de refuser de commettre un acte illégal et qu'elles correspondaient plutôt au cas où la doctrine arbitrale de l'ordre supérieur devait être respectée.

Dans ce cas et devant les faits qui nous sont présentés, il n'y a pas de conflit entre la directive de l'employeur et le RAC. L'employeur est également titulaire de document et lié par le règlement; cependant, dans les circonstances, on n'a pas démontré qu'une directive de l'employeur avait entraîné une infraction. On n'a pas reproché d'infraction à l'employeur et il n'est pas devant le Tribunal.

L'appelant a également laissé entendre que le contrôleur de la circulation aérienne devrait être traité différemment des autres titulaires de document parce que les changements de poste fréquents qu'il effectue au cours d'une journée normale de travail l'amène à assumer les responsabilités d'un autre contrôleur lorsqu'il prend la relève d'un secteur. Les modalités de changement de poste d'un contrôleur, leur fréquence, la liste de contrôle qui s'y rattache pour éviter les erreurs et la façon dont on se conforme aux règlements relèvent de l'administration interne et incombent aux deux titulaires de document, l'employeur et l'employé en collaboration avec le ministre des Transports avec qui il leur faut réviser et approuver les modalités d'exploitation nécessaires et les documents. Les titulaires de document n'en sont pas pour autant libérés de leur obligation de se conformer au RAC. Il est évident que le travail d'un contrôleur est différent de celui de la plupart des autres titulaires de document à cet égard, surtout en ce qui a trait à la fréquence avec laquelle il assume les responsabilités d'autrui. Cependant, dans le secteur de l'aviation, chaque titulaire de document assume la responsabilité d'autrui et doit se fier à d'autres titulaires de document pour exécuter ses tâches et ses obligations.

La sécurité de toute la profession dépend de l'exécution des devoirs et des obligations de chaque titulaire de document. Chaque titulaire de document qui assume la responsabilité d'autrui doit prendre les mesures raisonnables pour s'assurer que ceux qui l'ont précédé se sont acquittés de leurs tâches. Les vérifications d'entretien, les listes de contrôle et les doubles signatures sont autant de mesures mises en place dans le secteur et prévues aux règlements pour assurer la sécurité et la conformité aux règlements.

DÉCISION

En conclusion, nous rejetons l'appel et confirmons les conclusions de révision du vice-président.

Motifs de la décision à la suite d'un appel :

Me William T. Tweed

Y souscrivent :

Me Faye Smith
M. E. David Dover


[1] Leslie G. Marsh c. Ministre des Transports, Décision à la suite d'un appel, dossier no C-1095-02 (TAC).

[2] John Henry Norris c. Ministre des Transports, Décision à la suite d'un appel, dossier no W-1931-39 (TAC).

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