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Dossier no C-1095-02 (TAC)
Dossier no RAP 6504-P243981-028159 (MdT)

TRIBUNAL DE L'AVIATION CIVILE

ENTRE :

Leslie G. Marsh, requérant(e)

- et -

Ministre des Transports, intimé(e)

LÉGISLATION:
Loi sur l'aéronautique, L.R.C. 1985, ch. A-2, art. 6.9,
Règlement de l'Air, C.R.C. 1978, ch. 2, art. 218(a)

Admissibilité de la preuve, Aéronef surchargé, Divulgation


Décision à la suite d'une révision
Gordon R. Mitchell


Décision : le 29 septembre 1995

TRADUCTION

Je statue que le requérant, M. Leslie G. Marsh, a bel et bien contrevenu à l'alinéa 218a) du Règlement de l'Air.

Je confirme la décision du ministre d'imposer une suspension de deux jours. La suspension entre en vigueur le quinzième jour suivant la signification de la présente décision.

L'audience en révision relative à l'affaire en rubrique a été tenue le mercredi 6 septembre 1995 à 14 h, à l'hôtel Pickle Lake, à Pickle Lake (Ontario).

HISTORIQUE

L'Avis de suspension qu'on a délivré à Leslie G. Marsh se lit comme suit :

(traduction)

En vertu de l'article 6.9 de la Loi sur l'aéronautique, le ministre des Transports a décidé de suspendre le document d'aviation canadien mentionné ci- dessus parce que vous avez contrevenu :

à l'alinéa 218a) du Règlement de l'Air, en ce sens que vers 15 h 24, heure locale, le 8 avril 1994, au lac Kanabia [sic] (Ontario), ou près de cet endroit, vous avez illégalement essayé de faire voler un aéronef, à savoir un De Havilland DHC-3 portant les marques d'immatriculation canadiennes CF-CZO, alors que le poids dudit aéronef et sa charge dépassaient le poids maximum autorisé que mentionnait le certificat de navigabilité et le poids maximum autorisé au décollage précisé dans la fiche technique du certificat de type de l'aéronef, qui fait partie dudit certificat de navigabilité.

LE DROIT

L'alinéa 218a) se lit comme suit :

218. Nul ne pourra piloter ni tenter de piloter un aéronef, à moins que ne soient remplies les conditions suivantes :

a) le poids de cet aéronef et sa charge ne dépasseront pas le poids maximum autorisé que mentionne le certificat de navigabilité ou le permis de vol;

APERÇU

Le 8 avril 1994, le pilote Marsh était aux commandes de l'aéronef De Havilland Otter immatriculé CF-CZO, propriété de Gold Belt Air Transport. Il est arrivé au lac Kabania (Ontario) en vue de terminer l'expédition de matériaux de construction à destination du camp Fishbasket.

Le De Havilland Otter immatriculé C-FFIJ, propriété de Winisk Air, n'avait pas pu terminer l'expédition en raison d'un accident qui avait causé des dommages considérables au train d'atterrissage gauche ainsi que de graves dommages indirects au coté gauche du fuselage. Le Otter de Winisk était au bout d'une piste de glace de 2 500 pi, où il avait heurté un amoncellement de neige après une tentative de décollage ratée.

Le chargement du Otter de Winisk Air immatriculé C-FFIJ a été transféré à bord du Otter de Gold Belt immatriculé CF-CZO. Le pilote Marsh a alors essayé de décoller à deux reprises mais a dû interrompre le décollage chaque fois.

Le Otter de Gold Belt a ensuite été déchargé, et le chargement a été pesé. On a déterminé que l'aéronef était fortement surchargé. Après répartition du chargement, on a fait deux vols pour terminer l'expédition.

MOTION PRÉALABLE À L'APPEL DES TÉMOINS

Thomas Meilleur, agent du requérant Leslie G. Marsh et directeur des opérations de Gold Belt Air Transport, a demandé une ordonnance de « divulgation de toute la preuve », soutenant que l'inspecteur Pratt lui avait refusé une telle divulgation. La demande de M. Meilleur avait trait aux qualifications de deux inspecteurs, dont l'un devait comparaître comme témoin et l'autre était dans l'assistance à l'audience.

Lorsqu'on l'a questionné, M. Pratt a déclaré que tous les « éléments de preuve » avaient été divulgués. Il a ajouté que la demande de M. Meilleur ne portait pas seulement sur la preuve; qu'elle concernait la divulgation de correspondance interne qui n'est pas divulguée. M. Pratt a déclaré que M. Meilleur, à titre de représentant du pilote Leslie G. Marsh, avait reçu de M. Pratt (traduction) « la communication complète de tous les éléments de preuve pertinents et de tous les éléments de preuve que nous avions. »

La diatribe longue et tenace de M. Meilleur s'est poursuivie. Il a cité en exemple la police provinciale de l'Ontario qui, soutenait- il, suivait les politiques auxquelles il faisait allusion en matière de preuve. M. Pratt a signalé qu'il n'en était pas ainsi, et a expliqué la différence qui existe entre des preuves et des renseignements.

Le propos de M. Meilleur tournait autour de sa demande précédente au sujet des antécédents personnels comme pilotes de deux inspecteurs de Transports Canada. M. Pratt l'a assuré qu'ils possédaient toutes les qualifications voulues pour occuper les postes dont ils étaient titulaires à Transports Canada.

Après cette discussion prolongée, j'ai décidé d'accepter le fait qu'il y avait eu divulgation de toute la preuve et que, pour ces motifs, l'audience se poursuivrait!

LA PREUVE

L'inspecteur Gagnon, le premier témoin du ministre, a été appelé et a présenté les pièces à conviction suivantes :

M-1 : Une copie du certificat d'immatriculation du De Havilland DHC- 3 immatriculé CF-CZO.

M-2 : Copies de deux pages du carnet de route de l'aéronef CF-CZO. La première page portait sur l'identification de l'aéronef et les données relatives au carburant et au poids. La seconde page était intitulée (traduction) Carnet de route d'aéronef et rapport quotidien des vols no 30145, daté du 8 avril 1994, indiquant que le nom du commandant de bord était Marsh.

M. Meilleur a contesté l'authenticité de pièces déposées qui n'étaient pas estampillées et signées comme étant des copies certifiées conformes, à savoir la pièce M-2 qui consistait en deux pages.

L'inspecteur Gagnon a expliqué qu'en bonne partie, les communications de Transports Canada dans ces affaires se font pas téléphone et par télécopieur. Dans ce cas- ci, l'inspecteur Gagnon avait adressé une demande de renseignements par télécopieur à Gold Belt Air Transport, qui lui avait transmis par télécopieur les renseignements demandés. Il n'avait pas l'original pour comparer et attester qu'il s'agissait d'une copie certifiée conforme.

Lorsqu'il dispose de l'original et de la copie, sa façon normale de procéder consiste à estampiller et à signer l'attestation.

M. Pratt a demandé si l'information avait été fournie par le propriétaire de l'aéronef. On a accordé à l'inspecteur Gagnon le temps nécessaire pour retracer les renseignements dans son dossier.

M. Meilleur a signalé qu'il ne contestait pas la pièce, et qu'il voulait simplement s'assurer qu'on accorde le poids voulu à la pièce.

M. Pratt a soutenu qu'on devrait accorder tout le poids voulu au document en question, étant donné que c'est le propriétaire de l'aéronef qui l'a fourni et que M. Meilleur pourrait bien être celui- là même qui l'a fourni puisqu'il était le directeur des opérations de Gold Belt Air Transport.

Les renseignements tirés du dossier de l'inspecteur Gagnon indiquaient que le 7 février 1995, il avait envoyé par télécopieur une demande de renseignements adressée à Thomas Meilleur de Gold Belt Air Transport. Le même jour, il a reçu par télécopieur les documents y compris ceux qui ont été déposés comme pièce M-2, signés par M. Meilleur.

Les documents ont été déposés comme étant la pièce M-2!

M-3 : Quatre pages de descriptions et de bordereaux d'expédition provenant de McDiarmid Lumber.

M. Meilleur a de nouveau fait part de ses préoccupations au sujet du fait que la pièce n'était pas estampillée ni signée comme étant une copie certifiée conforme. Après bien des discussions, M. Meilleur a dit qu'il ne contestait pas l'authenticité du document, mais seulement le fait qu'il n'était pas attesté. Il a ajouté qu'il ne s'objectait pas à l'authenticité des documents, parce que ceux- ci n'avaient pas d'incidence pour sa défense.

M-4 : Fiche technique de l'homologation de type du De Havilland DHC-3.

M. Pratt a interrogé l'inspecteur Gagnon sur les mesures qu'il a ensuite prises dans cette affaire. L'inspecteur Gagnon a dit qu'il avait écrit à M. Marsh, le pilote du Otter de Gold Belt Air Transport immatriculé CF-CZO, lui avait signalé qu'il avait contrevenu à l'alinéa 218a) du Règlement de l'Air et l'avait informé des accusations connexes.

M. Marsh a téléphoné le 21 février 1995, se disant prêt à discuter de la question et précisant qu'il ne voulait pas que l'appel soit enregistré. D'après les notes de l'inspecteur Gagnon, M. Marsh s'était rendu au lac Kabania par la voie des airs, et Gold Belt avait été affrétée à la distance en vue du transport des matériaux de construction restés à Kabania.

M. Marsh a discuté avec l'arrimeur du poids du chargement qui était à bord du Otter de Winisk Air, et s'est fait dire qu'il était de 2 400 lb. M. Marsh a fait savoir à l'arrimeur qu'il prendrait 2 200 lb, et a dit être convaincu à ce moment que c'était bien le poids du chargement placé à bord de son aéronef. Il a dit avoir fait deux roulages au sol, en suivant la route plutôt que la piste glacée.

Après deux passages, le pilote Marsh a avisé l'arrimeur que quelque chose n'allait pas avec le chargement. M. Marsh a dit qu'il aimerait avoir une balance à sa disposition, ce à quoi l'arrimeur lui a répondu qu'il y en avait une. La balance a été mise en place, après quoi le chargement a été pesé. D'après M. Marsh, une fois le poids du chargement déterminé, le reste des matériaux a été retiré.

M. Meilleur a interrogé l'inspecteur Gagnon au sujet de l'accusation portée contre M. Marsh. L'inspecteur Gagnon a déclaré que l'accusation a découlé du fait que le Otter de Gold Belt Air Transport, piloté par M. Marsh, avait été affrété pour terminer l'expédition de matériaux de construction que le Otter de Winisk Otter n'avait pas pu terminer à cause de l'accident.

Réinterrogé par M. Pratt, l'inspecteur Gagnon a dit que M. Marsh était au courant de l'accident que le Otter de Winisk Air avait subi.

Le second témoin du ministre, John Gregory Morison, a prêté serment. Il a dit qu'à l'arrivée du Otter de Gold Belt au lac Kabania, ils ont retiré le chargement du Otter de Winisk Air, qui était endommagé, et l'ont transféré à bord du Otter de Gold Belt. L'aéronef chargé a ensuite roulé au sol jusqu'à la route glacée et a essayé de décoller à deux reprises, mais sans succès.

M. Morison a dit qu'il a alors jeté un coup d'oeil au chargement et a vérifié les renseignements qu'il avait. Il a découvert une erreur dans le poids des tuiles de 4 sur 4, qui faisait que le poids réel des tuiles était de 2 800 lb, et non 1 400 lb comme on le croyait. Les tuiles ont été pesées, ce qui a permis d'en établir le poids réel à 2 800 lb.

M. Morison a déclaré qu'ils ont séparé en deux le chargement qu'ils avaient placé à bord du Otter de Gold Belt, après quoi l'aéronef a pu décoller.

M. Pratt a demandé à M. Morison si le chargement complet retiré du Otter endommagé a été transféré à bord du Otter de Gold Belt, et M. Morison a répondu : (traduction) « À ma connaissance, oui. »

M. Meilleur a longuement interrogé M. Morison au sujet de l'opération de chargement du Otter de Gold Belt, du rôle que M. Marsh a joué pendant le chargement et de la quantité de matériaux qu'on a retirée de l'aéronef après qu'il est revenu, après ses deux tentatives ratées de décollage. M. Morison a dit qu'il n'était pas certain.

Invité à dire dans quelle mesure le Otter de Gold Belt était surchargé, M. Morison a répondu : (traduction) « Oh, nous savions qu'il était pas mal surchargé. »

Interrogé à savoir si les matériaux déchargés du Otter de la Winisk avaient été pesés d'une façon quelconque avant d'être transférés à bord du Otter de Gold Belt, M. Morison a répondu par la négative.

CONCLUSION

Tout au long de l'audience, il est très peu question de l'utilisation de balances pour calculer le poids approprié des chargements. Il semble que les intéressés aient utilisé des balances en dernier recours seulement, alors que dans la plupart des cas, les balances auraient permis de solutionner les problèmes attribuables à l'utilisation de poids estimatifs.

M. Meilleur a parlé à plusieurs reprises de l'expérience du pilote Marsh, de son professionnalisme et de ses aptitudes comme pilote. Plus on me vantait les qualités de M. Marsh, plus j'avais du mal à imaginer que ce pilote, qui avait aidé à charger l'aéronef, qui avait fait rouler l'aéronef au sol jusqu'à la route glacée, qui avait essayé de décoller et avait interrompu le décollage et qui était revenu pour faire une autre tentative de décollage, ne se soit pas rendu compte à un certain moment que l'aéronef était fortement surchargé. Je crois que les connaissances de M. Marsh auraient dû l'amener à tirer cette conclusion, du moins avant la seconde tentative de décollage.

Il a été dit que le poids du chargement retiré du Otter de Winisk et transféré à bord du Otter de Gold Belt excédait de 1 400 à 2 000 lb le maximum autorisé. La surcharge était certainement d'au moins 1 400 lb, compte tenu de l'erreur relative au poids des tuiles.

Ce qui me préoccupe n'est pas tant la mesure exacte de la surcharge, mais plutôt le fait qu'il y ait eu une surcharge évidente. J'ai la conviction profonde que l'aéronef était surchargé lorsque M. Marsh a essayé de le faire décoller.

DÉCISION

Je confirme la décision du ministre d'imposer une suspension de deux jours.

Gordon R. Mitchell
Conseiller
Tribunal de l'aviation civile

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