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Référence : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Ministre des Transports), 2019 TATCF 52 (appel)

No de dossier du TATC : H-0023-41

Secteur : ferroviaire

ENTRE :

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, appelante

- et -

Canada (Ministre des Transports), intimé

[Traduction française officielle]

Audience tenue à :

Montréal (Québec) le 21 mars 2019

Affaire entendue par :

John Gradek, conseiller présidant l'audience

 

Charles Sullivan, conseiller

 

Michael Regimbal, conseiller

Décision rendue le :

6 décembre 2019

DÉCISION ET MOTIFS À LA SUITE DE L’APPEL

Arrêt : L’appel est rejeté en application du paragraphe 40.19(3) de la Loi sur la sécurité ferroviaire. Le comité d’appel confirme la sanction administrative pécuniaire imposée à la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada.

Le montant total de 117 332,16 $ est payable au receveur général du Canada et doit parvenir au Tribunal d’appel des transports du Canada dans les 35 jours suivant la signification de la présente décision.


I.  HISTORIQUE

[1]   En délivrant un procès-verbal – Contravention à un texte désigné – Délivrance d’une sanction pécuniaire (sécurité ferroviaire), daté du 5 février 2017 et émis en vertu de l’alinéa 3(1)b) du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires relatives à la sécurité ferroviaire et des procédures prévues aux articles 40.14 à 40.22 de la Loi sur la sécurité ferroviaire (LSF), Transports Canada (TC) a imposé une amende totale de 117 332,16 $ à la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), en raison de deux violations alléguées de l’article 17.2 de la LSF impliquant du matériel ferroviaire.

[2]   La première violation alléguée a eu lieu le ou vers le 19 octobre 2016, dans la subdivision Brazeau entre approximativement le mille 0 et le mille 25, dans le comté de Lacombe, près de Blackfalds (Alberta). Le CN aurait prétendument exploité du matériel ferroviaire autrement que conformément à la règle Vd) de la section D de la Partie II du Règlement concernant la sécurité de la voie, sur des joints éclissés alors que chaque rail n’était pas boulonné à l’aide d’au moins deux boulons sur les voies de catégories 2 à 5. La sanction pécuniaire a été établie à 45 833,04 $.

[3]  La seconde violation alléguée est survenue le ou vers le 20 octobre 2016, dans la subdivision Camrose, entre approximativement les milles 75 et 95,1 à Camrose (Alberta). Le CN aurait prétendument exploité du matériel ferroviaire autrement que conformément à la règle Vd) de la section D de la Partie II du Règlement concernant la sécurité de la voie, sur des joints éclissés alors que chaque rail n’était pas boulonné à l’aide d’au moins deux boulons sur les voies de catégories 2 à 5. La sanction pécuniaire a été établie à 71 499,12 $.

[4]   Le 28 février 2017, le CN a demandé au Tribunal d’appel des transports du Canada (TATC/Tribunal) de réviser la décision de Transports Canada. L’audience en révision s’est déroulée les 24 et 25 janvier 2018 à Edmonton (Alberta). Dans sa décision en date du 22 octobre 2018, le conseiller en révision a confirmé la commission des violations ainsi que la sanction pécuniaire totale de 117 332,16 $.

[5]   Le 20 novembre 2018, le CN a déposé une requête écrite auprès du TATC afin d’interjeter appel de la décision à la suite d’une révision. Les principaux motifs d’appel sont les suivants :

  1. La décision à la suite d’une révision était erronée dans sa conclusion que le ministre des Transports avait prouvé la commission des violations alléguées selon la prépondérance des probabilités.
  2. Le Tribunal a commis une erreur en appliquant une norme de perfection au lieu d’une norme fondée sur les précautions raisonnables ou la diligence raisonnable.
  3. Le Tribunal a commis une erreur dans son interprétation de la règle Vd) de la section D de la Partie II du Règlement concernant la sécurité de la voie.

[6]   Le 18 janvier 2019, le TATC a informé les parties qu’une audience en appel se tiendrait le 21 mars 2019 à Montréal (Québec).

II.  Énoncé des faits

[7]   Les faits relatifs aux deux incidents n’étaient pas contestés. Notamment, le CN n’a pas contesté le fait que, lors d’une inspection dans la subdivision Brazeau telle que décrite dans le procès-verbal, on a détecté 34 boulons manquants sur des joints éclissés, alors que dans la subdivision Camrose, toujours selon le procès-verbal, 11 cas de boulons manquants ont été découverts sur des joints éclissés.

III.  ANALYSE

[8]   Lors de l’audience en appel, l’appelante a soutenu que le conseiller en révision avait en réalité commis quatre erreurs dans sa décision à la suite d’une révision, plutôt que les trois initialement cités dans la demande d’appel, en ce qu’il a :

  1. mal interprété le Règlement concernant la sécurité de la voie en concluant qu’un seul boulon manquant constituait automatiquement une violation du règlement;
  2. conclu à tort que le ministre s’était acquitté de son fardeau de preuve relativement à la violation alléguée;
  3. rejeté à tort la défense de diligence raisonnable en passant d’une responsabilité stricte à une responsabilité absolue;
  4. refusé de revoir le montant de la sanction pécuniaire en dépit d’une absence de preuve pour deux des facteurs aggravants.

[9]   L’appelante a indiqué que les arguments relatifs à la défense de diligence raisonnable et au montant de l’amende ne s’appliquaient que si le comité rejetait les deux premiers motifs d’appel.

A.   Norme de contrôle

[10]   Le représentant de l’appelante a fait valoir que la norme de la décision correcte devrait s’appliquer aux trois premiers motifs d’appel et que la norme de la décision raisonnable devrait s’appliquer au quatrième motif d’appel.

[11]   Le représentant du ministre a pour sa part soutenu que la norme de la décision correcte devrait s’appliquer aux premier et troisième motifs et que la norme de la décision raisonnable devrait s’appliquer aux motifs d’appel deux et quatre.

Conclusions du comité d’appel

[12]   Le comité a déterminé que les motifs d’appel un et trois seraient évalués selon la norme de la décision correcte. Le comité convient que le quatrième motif doit être évalué en fonction de la norme de la décision raisonnable.

[13]   Le comité d’appel a statué que le deuxième motif serait évalué selon la norme de la décision raisonnable, car la question de savoir si la preuve présentée par le ministre suffisait à démontrer la commission de la violation selon la prépondérance des probabilités nécessite que le comité évalue cette preuve à la lumière de la loi. Le représentant du ministre a repris l’argument cité au paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, voulant que la norme déférente du caractère raisonnable procède du principe selon lequel « certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables ».

B.   Le Tribunal a commis une erreur dans son interprétation de la règle Vd) de la section D de la Partie II du Règlement concernant la sécurité de la voie

[14]   L’appelante a prétendu que le conseiller en révision avait mal interprété le Règlement concernant la sécurité de la voie en concluant que si un seul boulon était manquant, il s’agissait automatiquement d’une violation de la règle Vd) de la section D de la Partie II, même si le chemin de fer ignorait qu’un boulon était manquant.

[15]   De plus, l’appelante a soutenu que le conseiller en révision avait complètement ignoré ou n’avait pas considéré l’article 6.2 de la Partie 1 du Règlement concernant la sécurité de la voie, approuvé par le ministre des Transports le 25 novembre 2011 à l’intention plusieurs compagnies, dont le CN, par l’entremise de l’Association des chemins de fer du Canada. Au cours de l’audience, l’appelante a interprété l’article en cause comme suit :

Ce n’est donc que lorsque la compagnie de chemin de fer prend connaissance de la non-conformité dans le cadre d’une inspection, d’une inspection faite par une voiture de contrôle et d’une inspection visuelle, et ce n’est que lorsqu’elle prend connaissance qu’elle doit régler le problème. S’ils ne règlent pas le problème, alors oui, ils seraient en violation. [je souligne]

[16]   L’appelante a en outre prétendu que :

… ce n’est que lorsque, grâce à l’inspection, vous trouvez vos boulons manquants que vous rendez la voie conforme. Si vous ne le faites pas, c’est alors que votre violation se matérialise, qu’elle se cristallise, pas avant cela.

[17]   L’appelante a déclaré que les boulons se rompaient en raison de l’exploitation quotidienne de trains sur des joints éclissés, et qu’il serait difficile de remplacer sur le champ les boulons défectueux lors de la survenance d’un incident. L’appelante a conclu que les boulons manquants constituaient un phénomène quotidien et que la meilleure solution était de traiter ces problèmes au mieux.

[18]   Le représentant du ministre a affirmé que l’interprétation littérale de la règle était claire : lorsque, sur des rails éclissés de catégorie 2, chaque rail n’est pas bien fixé de part et d’autre du joint à l’aide d’au moins deux boulons, dès lors, une compagnie de chemin de fer ne se conforme pas à la règle. Le représentant du ministre a ajouté que lorsqu’il n’y a aucun doute quant au sens de la règle, ni aucune ambiguïté relativement à son application aux faits, la règle doit être appliquée dans sa teneur.

Conclusion du comité d’appel

[19]   Le comité d’appel convient avec le ministre, comme ce dernier l’a fait valoir à l’audience en révision, que les joints de rail sont un élément fondamental de l’infrastructure ferroviaire et que leur entretien est essentiel au fonctionnement sécuritaire des trains sur une telle structure. Des joints de rail mal entretenus peuvent céder, et cela a déjà causé des déraillements. Les boulons manquants dans les joints de rail peuvent être détectés visuellement et électroniquement. Le Règlement concernant la sécurité de la voie décrit explicitement l’état physique d’une structure ferroviaire sécuritaire :

Partie II – Règlement sur la sécurité de la voie

Section D – Structure de la voie

Objet : La présente section porte sur les prescriptions minimales relatives au ballast, aux traverses, aux attaches de rails et à l’état physique des rails.

Article V. Joints de rail

d) Dans le cas des joints éclissés, poser au moins deux boulons sur chaque rail sur les voies de catégories 2 à 5, et poser au moins un boulon sur chaque rail, sur les voies de catégorie 1. [je souligne]

[20]   Le Règlement concernant la sécurité de la voie ne prévoit pas le nombre ou le pourcentage de boulons manquants qui pourraient être autorisés dans la structure de la voie. Le règlement, approuvé par l’industrie ferroviaire, y compris le CN en 2011 et publié par le ministre des Transports en 2012, dispose formellement que chaque joint doit être solidement fixé par deux boulons. Si ce n’est pas le cas, la compagnie de chemin de fer devrait exploiter la voie concernée avec un niveau de service d’exploitation inférieur, une charge réduite ou une vitesse réduite, jusqu’à ce que les boulons manquants aient été adéquatement remplacés.

[21]   En examinant la décision du conseiller en révision, les membres du comité d’appel ont remarqué la courte durée de la discussion sur le sens à donner à la règle Vd) de la section D de la Partie II du Règlement concernant la sécurité de la voie, et le fait que l’appelante a déclaré que l’interprétation de cet article du règlement par le ministre des Transports était trop restrictive et irréaliste. Le comité d’appel confirme la justesse de l’utilisation que le ministre des Transports a fait de son pouvoir discrétionnaire dans l’application du règlement, et estime que ces violations ne sont pas irréalistes ou trop restrictives.

[22]   À la suite de l’examen de la décision du conseiller en révision en fonction de la norme de la décision correcte, ce motif d’appel est rejeté.

C.   Le conseiller en révision a commis une erreur en concluant que le ministre des Transports avait prouvé la commission des violations alléguées selon la prépondérance des probabilités

[23]   L’appelante a prétendu que le conseiller en révision avait commis une grave erreur en concluant « que le ministre s’est acquitté de son fardeau de preuve concernant la violation alléguée, et qu’il a mal appliqué le cadre juridique applicable à la question ». Plus précisément, le CN a soutenu que le fait que le conseiller en révision ait mal appliqué l’article 6.2 du Règlement concernant la sécurité de la voie, puisque le CN avait rétabli la conformité de la voie et que le ministre des Transports, en constatant une violation, n’avait trouvé aucune preuve que le CN avait délibérément négligé de prendre des mesures d’atténuation à la suite de la découverte de boulons manquants, constituait une erreur fatale.

[24]   Le ministre a répliqué qu’il existait suffisamment de preuves pour justifier les conclusions du conseiller en révision voulant que le ministre des Transports ait prouvé la commission des violations alléguées selon la prépondérance des probabilités, par le biais des rapports d’inspection de la voie et du témoignage du personnel du CN au cours de l’audience en révision.

Conclusion du comité d’appel

[25]   La Cour suprême du Canada s’est prononcée sur la notion de prépondérance des probabilités au paragraphe 28 de l’arrêt R. c. Layton, 2009 CSC 36, [2009] 2 R.C.S. 540, de la façon suivante :

[28] La notion de prépondérance des probabilités aurait pu également être expliquée au moyen de la norme de preuve du droit civil. On trouve, dans les Civil Jury Instructions de R. D. Wilson, N. J. Garson et C. E. Hinkson (2e éd. (feuilles mobiles)), § 4.7.4, le modèle suivant de directive destinée à expliquer à un jury dans une cause civile la notion de prépondérance des probabilités :

4. Qu’entend‑on par « preuve selon la prépondérance des probabilités »? Il ne s’agit pas de la preuve hors de tout doute raisonnable — cette norme de preuve s’applique seulement dans les procès criminels. Dans les procès civils, comme celui‑ci, la partie à qui incombe le fardeau de la preuve sur une question doit vous convaincre que ce qu’elle soutient est plus probable qu’improbable — que la balance penche en sa faveur. Vous devez examiner la preuve et décider si la partie à qui incombe le fardeau de la preuve sur un point donné s’appuie sur une preuve plus convaincante que celle sur laquelle s’appuie l’autre partie. En résumé, vous devez décider si l’existence du fait contesté est plus probable qu’improbable.

[26]   Le conseiller en révision n’a rien trouvé dans la preuve présentée par le CN qui pourrait servir à contester ou réfuter la preuve selon laquelle il y avait des boulons manquants sur des tronçons de voie des subdivisions qui avaient été inspectées. Dans sa décision, le conseiller en révision a conclu que le ministre des Transports avait prouvé la commission des violations alléguées selon la prépondérance des probabilités.

[27]   Le comité accepte les conclusions du conseiller en révision sur cette question et ne leur substituera pas sa propre opinion des faits. En application de la norme de la décision raisonnable, ce motif d’appel est rejeté.

D.   Le Tribunal a commis une erreur en appliquant une norme de perfection au lieu d’une norme fondée sur les précautions raisonnables ou la diligence raisonnable.

[28]   Les arguments de l’appelante portaient principalement sur l’indifférence du conseiller en révision à l’égard des pratiques de travail adoptées par le CN en ce qui concerne les inspections de la voie et les efforts correspondants pour remplacer les boulons manquants découverts au cours de ces inspections. L’appelante a prétendu que « le CN surpasse les exigences afin de trouver ces boulons manquants et rétablir la conformité de la voie ». En outre, l’appelante a soutenu que le CN avait une solide culture de la sécurité, comme le démontrent des publications de la compagnie qui y décrivent la sécurité comme étant une priorité du CN.

[29]   Le comité d’appel prend note des règles relatives aux relevés d’inspection des voies :

Partie II – Règlement sur la sécurité de la voie

Section F – Inspection

Article 10. Relevés d’inspection

10.2 Le relevé d’une inspection effectuée en vertu de la section F 2, 3, 6, 7 de la Partie II, doit être rédigé la journée même de l’inspection et signé par la personne qui l’a effectuée. Les renseignements suivants doivent y être indiqués: la désignation de la voie (des voies) inspectée(s), la date de l’inspection, l’emplacement et la nature des anomalies dérogeant au RSV [Règlement concernant la sécurité de la voie], et les mesures correctives prises par la personne chargée de l’inspection.

[30]   Jamais durant l’audience en révision le CN n’a-t-il déposé en preuve de données écrites ou électroniques confirmant les résultats des inspections effectuées par des inspecteurs sur voie qualifiés, et détaillant l’étendue des inspections de la voie faites dans les subdivisions identifiées dans le procès-verbal, ni n’a fourni de données confirmant les mesures correctives qui ont été prétendument prises lors de la découverte de boulons manquants. L’appelante a soutenu que la somme des efforts tels que les inspections éclair des boulons, la patrouille des boulons, les marches le long de la voie pour réparer les boulons manquants, ainsi que les inspections régulières et spéciales de la voie, devrait être considérée comme étant conforme à la diligence raisonnable quant à l’application du Règlement concernant la sécurité de la voie ou de la Loi sur la sécurité ferroviaire.

[31]   L’appelante a par ailleurs soutenu que le comité d’appel du TATC a statué dans Cando Rail Services Ltd. c. Canada (Ministre des Transports), 2019 TATCF 3 (appel) (Cando) en date du 5 février 2019, que la défense de diligence raisonnable pouvait être établie avec succès en proposant que « Cando fournissait à ses employés une formation complète en sécurité, de la supervision, des contrôles accompagnés d’un suivi, en plus d’avoir une culture d’entreprise qui prônait avant tout la sécurité ».

[32]   Le représentant du ministre a indiqué que la Cour suprême avait statué dans l’affaire R. c. Sault Ste. Marie, [1978] 2 R.C.S. 1299, qu’une compagnie pouvait invoquer la défense de diligence raisonnable lorsqu’elle était poursuivie pour un acte commis par un employé, si elle avait pris toutes les précautions pour prévenir l’infraction et fait tout le nécessaire pour le bon fonctionnement des mesures préventives.

[33]   Le représentant du ministre a affirmé que la défense de diligence raisonnable est difficile à établir parce qu’elle impose au défendeur, l’appelante en l’espèce, le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il a pris toutes les précautions nécessaires afin d’éviter la commission de la violation spécifique en cause. Le représentant du ministre a conclu que l’appelante n’avait pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle avait pris toutes les précautions pour prévenir l’infraction et qu’elle avait fait tout le nécessaire pour le bon fonctionnement des mesures préventives.

[34]   Le représentant du ministre a précisé que le témoignage de l’appelante ne portait que sur la diligence raisonnable du CN dans la conduite générale de ses affaires. Il a ajouté que l’appelante n’avait pas présenté de preuve claire et précise concernant la formation et l’évaluation des employés sur la question en cause, ou au sujet des systèmes de sécurité connexes que la compagnie avait mis en place afin d’assurer sa conformité au Règlement concernant la sécurité de la voie.

Conclusion du comité d’appel

[35]   Lors de son examen de la décision d’appel Cando (aux paragraphes 50 à 54) citée par l’appelante, le comité d’appel a constaté que Cando avait intégré un système exhaustif qui prônait avant tout la sécurité dans ses pratiques d’exploitation. Ce système comprenait non seulement la formation des employés, mais aussi le suivi de l’efficacité du travail entrepris, ainsi que la révision de la documentation associée au travail accompli par les employés.

[36]   Autant lors de l’audience en révision qu’en appel, le CN a omis de déposer en preuve des documents reflétant le travail accompli par les inspecteurs sur voie, se fondant principalement sur des déclarations voulant que les boulons manquants soient remplacés dès que l’on constate leur absence.

[37]   Bien que l’appelante ait présenté les méthodes utilisées par le CN durant les inspections de la voie, le comité d’appel ne dispose pas de rapports d’inspection du CN démontrant les efforts visant à identifier les boulons manquants, une lacune qui a également été relevée par le conseiller en révision. Le comité d’appel conclut qu’aucun élément de preuve suffisant ou convaincant n’a été présenté pour démontrer que l’appelante avait fait preuve de toute la diligence raisonnable dans les circonstances et, en fonction de la norme de la décision correcte, rejette ce motif d’appel.

E.   Refuser de revoir le montant de la sanction pécuniaire en dépit d’une absence de preuve pour deux des facteurs aggravants

[38]   L’appelante a déclaré que la sanction administrative pécuniaire avait été imposée à tort, car elle était liée à des itinéraires clés dans les subdivisions où les infractions avaient été commises. L’appelante a en outre fait valoir que le nombre de fois où des boulons manquants ont été découverts par le ministre des Transports demeurait statistiquement très faible, et que le fait qu’un boulon soit manquant n’entraînerait pas nécessairement un incident lié à la géométrie de la voie. L’appelante a soutenu qu’« il n’y a aucune preuve que c’est plus dangereux et qu’un préjudice aurait pu résulter [d’un boulon manquant] ».

[39]   Le représentant du ministre a prétendu que la fréquence et la variété des trains circulant sur des itinéraires clés où il y avait un certain nombre de boulons manquants entraînaient en fait l’application de facteurs aggravants. Il a aussi donné raison au conseiller en révision dans son interprétation des itinéraires clés et de l’incidence que les boulons manquants pourraient avoir sur la géométrie de la voie et d’éventuels incidents.

Conclusion du comité d’appel

[40]   Le comité d’appel est particulièrement préoccupé par le nombre de boulons manquants observés sur des itinéraires clés et affectant des trains clés, et conclu que les boulons manquants ont entraîné des défaillances de la géométrie de la voie et des déraillements de train subséquents.

[41]   Le comité d’appel conclut enfin que le conseiller en révision n’a pas commis d’erreur dans son interprétation de l’application de facteurs aggravants associés aux boulons manquants sur des itinéraires clés, et ce motif d’appel est donc rejeté.

IV.  Décision

[42]   Le comité d’appel souscrit aux arguments présentés par le ministre.

[43]   Le comité d’appel conclut que la décision à la suite d’une révision concernant le montant de la sanction pécuniaire était raisonnable. Par conséquent, le comité rejette l’appel en application du paragraphe 40.19(3) de la Loi sur la sécurité ferroviaire et confirme la sanction administrative pécuniaire imposée à la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada.

[44]   Le montant total de 117 332,16 $ est payable au receveur général du Canada et doit parvenir au Tribunal d’appel des transports du Canada dans les 35 jours suivant la signification de la présente décision.

Le 6 décembre 2019

(Original signé)

Motifs de la décision d’appel :

John Gradek, conseiller présidant l’audience

Y souscrivent :

Charles Sullivan, conseiller

 

Michael Regimbal, conseiller

Comparutions

Pour le ministre :

Eric Villemure

Micheline Sabourin

Pour l'appelante  :

Yannick Landry

 

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