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Référence : Exploits Valley Air Services Ltd. c. Canada (Ministre des Transports), 2020 TATCF 4 (appel)

No de dossier du TATC : Q-4342-41

Secteur : aéronautique

ENTRE :

Exploits Valley Air Services Ltd., appelante

- et -

Canada (Ministre des Transports), intimé

[Traduction française officielle]

Audience tenue à :

Toronto (Ontario), le 9 juillet 2019

Affaire entendue par :

Andrew Wilson, conseiller présidant l'audience

 

James E. MacDonald, conseiller

 

Teryl Robbins, conseiller

Décision rendue le :

20 février 2020

DÉCISION ET MOTIFS À LA SUITE DE L’APPEL

Arrêt : L’appel est accueilli. La sanction pécuniaire de 5 000 $ est annulée.


I.   HISTORIQUE

A.   Faits relatifs à la cause

[1]   Il s’agit en l’espèce de l’appel d’une décision à la suite d’une révision rendue le 17 août 2018. L’audience en révision avait débuté le 27 février 2018 à Montréal et s’était poursuivie le 6 mars 2018 à Toronto. L’appelante a déposé une demande d’appel le 11 septembre 2018.

[2]   La décision à la suite d’une révision portait sur deux infractions : l’une en vertu de l’alinéa 605.03(1)a) du Règlement de l’aviation canadien (RAC) et l’autre en vertu du paragraphe 706.08(1) du RAC. Le conseiller en révision a confirmé la violation de l’alinéa 605.03(1)a), cette décision étant à l’origine de l’appel.

[3]   Les motifs d’appel sont les suivants :

  1. Le conseiller du Tribunal a commis une erreur en concluant qu’il avait eu violation de l’article 605.03(1)a) du Règlement de l’aviation canadien;
  2. Le conseiller du Tribunal a commis une erreur en s’appuyant sur le témoignage d’opinion d’un témoin qui n’était pas qualifié en tant qu’expert et qui n’était pas qualifié pour livrer un témoignage d’opinion sur la fatigue et la défaillance des métaux;
  3. Le conseiller du Tribunal a commis une erreur et a manqué à son obligation d’équité procédurale envers la requérante, en permettant à un témoin de présenter un témoignage d’opinion, alors que la requérante n’avait pas été informée que l’intimé ferait appel à un expert pour livrer un témoignage d’opinion, pas plus qu’elle n’avait été informée du contenu de ce témoignage;
  4. Le conseiller du Tribunal a commis une erreur dans son interprétation de l’article 605.03(1)a) du Règlement de l’aviation canadien concernant la validité d’un certificat de navigabilité;
  5. Le conseiller du Tribunal a commis une erreur en concluant qu’une défectuosité mineure d’un composant structurel secondaire rendait invalide un certificat de navigabilité;
  6. Le conseiller du Tribunal a commis une erreur en omettant de conclure que la requérante avait fait preuve de diligence raisonnable.

[4]   Pour les motifs énoncés ci-dessous, nous accueillons l’appel fondé sur le motif (a). Il est donc inutile que nous nous prononcions sur les motifs restants.

[5]   Les faits entourant la présente affaire ne font l’objet d’aucune controverse. Le présent appel porte plutôt sur la question de savoir si les dispositions réglementaires applicables ont été interprétées et appliquées correctement.

[6]   Les faits s’énoncent brièvement, et sont d’ailleurs bien résumés dans la décision à la suite d’une révision :

[11] Le Tribunal a appris que pendant une inspection de routine de l’appareil C-GLHO sur l’aire de trafic, à Sept-Îles (Québec), l’inspecteur Constant Rosa de TC [Transports Canada] a constaté des dommages et défectuosités à l’articulation côté trappe du train d’atterrissage droit de l’avion. L’inspecteur Rosa a émis un avis de détection (pièce M-1) et a présenté ses conclusions à Patrice Boudreau, l’inspecteur régional de TC responsable du dossier d’EVAS [Exploits Valley Air Services]. Puisqu’on enjoint aux inspecteurs de Transports Canada de ne pas entraver ou retarder de vols, l’inspecteur Rosa n’a pas mis plus de temps à effectuer son inspection sur l’aire de trafic que n’aurait duré l’inspection avant vol d’un pilote d’EVAS. Pourtant, il a été en mesure de détecter les dommages et défectuosités à l’articulation côté trappe du train d’atterrissage droit de l’aéronef.

[7]  Le 11 juillet 2016, l’inspecteur de TC a délivré une lettre de notification à l’appelante, décrivant les dommages qu’il avait découverts. L’appelante a immédiatement consulté un « DAT » indépendant, un certain M. Clark, afin qu’il inspecte les dommages. Il est vrai que le témoin de Transports Canada était incertain de la signification de l’acronyme « DAT » (il a laissé entendre qu’il s’agissait d’une espèce de représentant accrédité et expert en navigabilité, alors que nous comprenons que DAT signifie « délégué à l’approbation technique »), mais cela n’a pas d’importance. Les deux parties conviennent qu’un DAT est un représentant et un délégué du ministre des Transports (ministre) qui exerce son pouvoir délégué au nom du ministre en délivrant une « autorisation technique » (AT).

[8]   Après avoir effectué son inspection, M. Clark a émis une AT intitulée « AUTORISATION DE POURSUIVRE L’UTILISATION AVEC DES DOMMAGES MINEURS SUR LA NACELLE DE DROITE ». M. Clark y qualifie les dommages de MINEURS, en référence à l’article 571 du RAC. L’AT précise en outre que :

Cette autorisation technique (AT) permet la prestation continue de services avec une charnière de la trappe intérieure du train d’atterrissage droit fissurée, ainsi qu’une tête de rivet et deux vis manquantes dans la nacelle arrière.

Les défectuosités mineures, tel qu’indiqué sur les feuillets 2 et 3, peuvent être laissées en l’état pendant un maximum de 25 heures de vol avant qu’une réparation permanente ne soit effectuée conformément au SRM B1900 (ou à d’autres instructions approuvées).

[9]   L’aéronef a été réparé avant d’atteindre les 25 heures de vol supplémentaires autorisées.

[10]  Dans l’avis d’amende pour contravention du 27 juin 2017, le ministre précisait que :

1.   Le ou vers le 11 juillet 2016, Exploits Valley Air Services Inc. a utilisé l’aéronef immatriculé C-GLHO, un Beechcraft B1900D, en vol entre Wabush (CYWK) et Sept-Îles (CYZV) alors qu’aucune autorité de vol n’était en vigueur à l’égard de l’aéronef; plus précisément, l’avion était utilisé alors que la charnière de la trappe du train d’atterrissage droit était fissurée et qu’il manquait des attaches à proximité, contrevenant ainsi à l’alinéa 605.03(1)a) du Règlement de l’aviation canadien (RAC).

[11]   Le paragraphe 605.03(1) du RAC prévoit ce qui suit :

Autorité de vol

605.03 (1) Il est interdit d’utiliser un aéronef en vol, à moins que les conditions suivantes ne soient respectées :

a) une autorité de vol à l’égard de l’aéronef est en vigueur;

b) l’aéronef est utilisé conformément aux conditions énoncées dans l’autorité de vol;

c) sous réserve des paragraphes (2) et (3), l’autorité de vol est transportée à bord de l’aéronef.

[12]   Nous examinerons en détail ci-dessous le sens des termes « autorité de vol » et « en vigueur ». Pour le moment, qu’il suffise de préciser que l’aéronef doit être « en état de navigabilité ». Selon la définition du RAC, l’état de navigabilité comporte deux volets :

101.01 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.

en état de navigabilité Se dit d’un produit aéronautique qui est en bon état de vol, qui présente la sécurité nécessaire pour un vol et qui est conforme à la définition de type applicable. 

[13]   En tout mérite pour le ministre, soulignons qu’à l’audience en appel, son représentant a explicitement déclaré qu’il ne prétendait pas, et n’avait jamais prétendu que l’appareil était en mauvais état de vol, mais seulement qu’il n’était pas conforme à son certificat de type. Un examen de la transcription de l’audience a révélé que cette affirmation était exacte. Il aurait en effet été difficile, et peut-être aussi injuste, pour le ministre de faire valoir que l’aéronef n’était pas en bon état de vol compte tenu du fait que (i) l’inspecteur de TC qui a constaté le problème n’a pas clouer l’aéronef au sol comme il aurait pu le faire conformément à l’alinéa 8.7(1)d) de la Loi sur l’aéronautique (Loi), et que (ii) le propre représentant délégué du ministre (le DAT) a examiné l’aéronef à peu près au même moment, et a autorisé qu’il continue à voler.

[14]  La décision à la suite de la révision conclut que l’autorité de vol n’était pas valide en raison des dommages et des défectuosités détectés, mais ne justifie pas cette conclusion à la lumière des définitions et des exigences réglementaires applicables :

[23]   Le Tribunal a appris que les dommages et les défectuosités détectés et signalés par l’inspecteur Rosa avaient fait en sorte d’annuler l’autorité de vol de l’aéronef, et ce dernier ne satisfaisait alors plus aux conditions de navigabilité. L’État et les caractéristiques de l’articulation fissurée et des rivets fumants ont révélé que les dommages et défectuosités ne découlaient pas d’événements récents, ce qui a conduit à la conclusion que l’avion avait effectué de précédents vols sans autorité de vol valide.

[...]

[25]  ... M. Burroughs a témoigné que les dommages et défectuosités ont rendu invalide l’autorité de vol de l’aéronef, et il a exposé des caractéristiques présentes depuis un certain temps. Le Tribunal a donc conclu que, selon la prépondérance des probabilités, l’autorité de vol de l’aéronef était invalide avant le vol de Wabush à Sept-Îles, ce qui constitue une contravention à l’alinéa 605.03(1)a) du RAC.

B.   Le processus de certification

[15]  Afin de trancher ce litige, il est utile de pencher sur le régime du RAC en ce qui concerne la certification des aéronefs et le maintien de la navigabilité.

(1)   Un aperçu

[16]   Le régime du RAC quant à la certification des aéronefs est vaste et détaillé. De manière générale, les documents relatifs à la conception préliminaire sont présentés conformément à l’article 521.28 du RAC. À la suite d’une période d’examen, d’essais et de révision, une « définition de type » finale est élaborée de façon à satisfaire la base de certification établie par le ministre aux termes de l’article 521.30 du RAC. Si le ministre est éventuellement convaincu que la définition de type respecte la base de certification, un certificat de type est alors délivré. Par la suite, afin d’être utilisé, chaque aéronef de ce type nécessite l’obtention d’une autorité de vol, dont la plus courante est le certificat de navigabilité.

(2)   Définition de type

[17]   Bien que le processus d’élaboration et d’approbation d’une « définition de type » exige la soumission d’une quantité considérable de documents, tels que des résultats de tests en vol et de tests structurels, des manuels d’utilisation d’aéronef, des manuels d’entretien et des catalogues de pièces, seule une partie de cette documentation est relative à la « définition de type ». Les véritables éléments de la « définition de type » sont énoncés dans le RAC comme suit :

101.01 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.

définition de type S’entend :

a) des plans et spécifications, ainsi que la liste de ces plans et spécifications, nécessaires pour définir les caractéristiques de conception d’un produit aéronautique en conformité avec les normes applicables au produit aéronautique;

b) des renseignements sur les dimensions, les matériaux et les méthodes de construction nécessaires pour définir la résistance structurale d’un produit aéronautique;

c) des sections approuvées du manuel de vol de l’aéronef, lorsque les normes de navigabilité applicables l’exigent;

d) de la section des limites de navigabilité contenue dans les instructions de maintien de la navigabilité précisées aux chapitres applicables du Manuel de navigabilité;

e) de toute autre donnée nécessaire permettant, par comparaison, de déterminer la navigabilité et, le cas échéant, les caractéristiques environnementales des dérivés du même type ou du même modèle d’un produit aéronautique.

[18]   La première caractéristique notable de cette définition est qu’elle commence par les mots « définition de type S’entend ». Ce libellé indique que la liste qui suit est exhaustive.

[19]   Autre caractéristique notable de cette définition : en vertu de l’alinéa d), la seule partie des instructions de maintien de la navigabilité (normalement le manuel d’entretien de l’aéronef et les documents connexes) étant incluse dans la « définition de type » est la « section des limites ». Il s’ensuit que le reste du manuel d’entretien ne fait pas partie de la définition de type. Il est de notoriété publique que la « section des limites » d’un manuel d’entretien contient une liste de révisions et de limites de vie s’appliquant à certains composants de l’appareil, qui y sont énoncées en termes de cycles, d’heures de vol, de calendrier de planification, etc. Il est inutile de s’appuyer sur ces faits notoires afin d’en venir à une décision, mais nous clarifions ce point puisque le ministre n’a pas soutenu que de telles limites avaient été dépassées, pas plus qu’il n’a déposé la « section des limites » en preuve.

[20]   Nous constatons donc que la déclaration du témoin du ministre voulant que le manuel d’entretien et le catalogue de pièces illustré fassent partie de la définition de type était incorrecte en droit. Au contraire, conformément à la définition du RAC, seule la section des limites du manuel d’entretien fait partie de la définition de type, à l’exclusion des catalogues de pièces.

[21]   Cela ne diminue en rien l’importance de ces documents d’entretien ou de tout autre document d’entretien approuvé. En clair, le respect strict des manuels d’entretien, et en fait de toutes les autres exigences relatives à la maintenance est d’une importance vitale pour la navigabilité. Toutefois, en ce qui concerne la catégorisation juridique, il est important en l’espèce de préciser que la définition de « navigabilité » est constituée de deux éléments distincts sur le plan logique. Étant donné que les manuels d’entretien (sauf la « section des limites ») et d’autres documents similaires ne font manifestement pas partie de la « définition de type », il en résulte juridiquement et logiquement qu’ils ne portent pas sur la « conformité à la définition de type », mais bien sur la deuxième exigence de navigabilité, c’est-à-dire le maintien de l’aéronef dans un « bon état de vol » présentant « la sécurité nécessaire pour un vol ».

[22]   Si l’on se réfère à la définition de « navigabilité », il apparaît évident que l’usure, les dommages ou d’autres défaillances pourraient faire en sorte que l’aéronef ne soit pas en état de navigabilité, soit un « bon état de vol » présentant « la sécurité nécessaire pour un vol ». Il en va de même pour le non-respect d’un manuel d’entretien ou de toute autre exigence imposée par le ministre. Cependant, il n’est pas du tout évident qu’une telle situation constitue inévitablement un problème de conformité à la définition de type.

(3)   Certificat de type

[23]  À la suite de la soumission d’une « définition de type » satisfaisante, le ministre peut délivrer un « certificat de type », que le RAC définit comme suit :

101.01 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.

certificat de type

a) Document qui est délivré par le ministre, y compris toute homologation de type délivrée en vertu de l’article 214 du Règlement de l’Air avant le 10 octobre 1996, et qui atteste que la définition de type d’un aéronef, d’un moteur d’aéronef ou d’une hélice qui y est indiqué est conforme aux normes applicables à ce produit aéronautique qui sont consignées dans les fiches de données du certificat de type;

[...]

[24]   Aux termes du paragraphe 521.31(1), les « normes applicables » dont il est fait mention dans la présente définition se trouvent dans le chapitre applicable du Manuel de navigabilité, un document de TC de portée générale qui s’applique au processus de certification.

[25]   Cette définition fait également référence aux « fiches de données du certificat de type » (FDCT) pour le type. Une FDCT énonce généralement les conditions et les limites en fonction desquelles le certificat de type a été délivré. Règle générale, une FDCT présente des éléments tels que les limites d’utilisation générales, les poids et les dimensions de base, le numéro de modèle du moteur et les limites relatives aux temps de vol et aux cycles de fonctionnement de divers composants de l’aéronef. Toutefois, en l’espèce, ni l’une ni l’autre des parties n’a déposé en preuve la FDCT de l’appareil Beech 1900, de sorte que nous n’avons aucune idée de ce qu’elle contient réellement, et ne spéculerons pas à cet effet.

(4)   Certificat de navigabilité

[26]  Enfin, pour que tout aéronef puisse voler au Canada, une « autorité de vol » doit avoir été délivrée à son égard. Voici la partie pertinente du paragraphe 605.03(1) du RAC :

605.03 (1) Il est interdit d’utiliser un aéronef en vol, à moins que les conditions suivantes ne soient respectées :

a) une autorité de vol à l’égard de l’aéronef est en vigueur;

[27]   L’autorité de vol pertinente en l’espèce est le certificat de navigabilité (CdN). Les modalités de délivrance d’un CdN sont énoncées à l’article 507.02 :

Certificat de navigabilité

507.02 Dans le cas où une demande d’autorité de vol est présentée en vertu de l’article 507.06, le ministre délivre un certificat de navigabilité à l’égard d’un aéronef lorsque les conditions suivantes sont réunies :

a) la définition de type de l’aéronef a été certifiée par le ministre, et la certification ne vise pas un aéronef de catégorie restreinte;

b) l’aéronef est conforme à sa définition de type certifiée;

c) l’aéronef peut être utilisé en toute sécurité.

(5)   Durée du certificat de navigabilité

[28]   Alors que l’article 507.02 porte sur la délivrance initiale d’un CdN, la durée de ce dernier est traitée à l’article 507.11 :

Durée de l’autorité de vol

507.11 Sauf si elle a fait l’objet d’une renonciation, d’une suspension ou d’une annulation, une autorité de vol délivrée en vertu de la présente sous-partie demeure en vigueur pour la période ou le nombre de vols qui y sont mentionnés ou, lorsque aucune limite n’y est mentionnée, demeure en vigueur indéfiniment, pourvu que l’aéronef continue de satisfaire aux conditions relatives à la délivrance de l’autorité de vol.

[29]   Les parties conviennent que les « conditions » dont il est fait mention à l’article 507.11 sont celles énoncées à l’article 507.02. Par conséquent, en lisant conjointement les articles 507.02 et 507.11, il est établi que le CdN restera en vigueur tant que :

  1. la définition de type de l’aéronef a été certifiée par le ministre, et que la certification ne vise pas un aéronef de catégorie restreinte;
  2. l’aéronef est conforme à sa définition de type certifiée;
  3. l’aéronef peut être utilisé en toute sécurité.

[30]   Nous acceptons les observations des parties à cet égard. Il convient également de noter que cette lecture des articles correspond parfaitement à la définition du terme « état de navigabilité » contenue au RAC et citée ci-dessus. Sans surprise, un CdN demeure en vigueur tant que l’aéronef reste « en état de navigabilité », tel que défini.

II.   Analyse

A.   Question en litige

[31]   Les parties admettent qu’un certificat de type valide a été délivré pour le type d’aéronef Beech 1900 en fonction de sa définition de type, et que l’aéronef n’en est pas un de catégorie restreinte. Par conséquent, les parties conviennent que l’alinéa 507.02a) est respecté en l’espèce.

[32]   Le représentant du ministre, tant lors de l’audience en révision qu’en appel, a très clairement indiqué que le ministre ne contestait pas le fait qu’au moment où il a été « inspecté » sur l’aire de trafic à Sept-Îles, l’avion pouvait être utilisé en toute sécurité. Par conséquent, il s’ensuit que le paragraphe 507.02c) a également été respecté.

[33]   Aussi, la seule question à trancher en l’espèce consiste à déterminer si on a oui ou non contrevenu à l’alinéa 507.02b). En d’autres termes, l’aéronef était-il « conforme à sa définition de type »?

(1)   Décision à la suite de la révision

[34]   Comme nous l’avons mentionné, bien que le fondement factuel soit amplement établi, la décision à la suite de la révision n’aborde pas la question de savoir si l’aéronef était conforme à sa définition de type ni la question juridique sous-jacente de l’interprétation correcte de l’expression « conforme à la définition de type applicable ».

[35]   On nous dit simplement plutôt que « M. Burroughs a témoigné que les dommages et défectuosités ont rendu invalide l’autorité de vol de l’aéronef ».

[36]   De toute évidence, un témoin des faits n’est pas qualifié pour se prononcer sur une question de droit. Et même si M. Burroughs avait été reconnu en tant qu’expert juridique, son témoignage d’opinion sur la question de droit en litige n’aurait pas suffi en soi. Le conseiller en révision aurait tout de même dû procéder à sa propre analyse de la question et en tirer ses propres conclusions. Toutefois, en l’espèce, la décision à la suite de la révision est muette quant aux raisons pour lesquelles il a accepté l’interprétation juridique purement concluante du témoin.

(2)   Norme de contrôle

[37]   Les deux parties ont convenu que la question de l’interprétation correcte du RAC quant à la signification de l’expression « conforme à la définition de type de l’aéronef » est une question de droit, et que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision correcte. Nous en convenons également.

[38]   Nous estimons que les faits allégués ne peuvent, en droit, constituer un cas de non-conformité à la définition de type de l’aéronef.

[39]   Nous constatons également que le ministre n’a présenté aucune preuve que ce soit quant aux détails de la définition de type du B1900. En l’absence de tout élément de preuve pertinent relatif à la définition de type de l’appareil, il est impossible de conclure que l’aéronef en cause n’était pas conforme à sa définition de type. Nous concluons que le ministre n’a pas fourni suffisamment de preuve – voire aucune – afin de s’acquitter de son fardeau de prouver un élément essentiel de l’accusation. Avec égards, il s’ensuit que la décision était déraisonnable et ne pouvait donc résister à aucune norme de contrôle.

[40]  Pour les deux motifs susmentionnés, et en vertu du paragraphe 8.1(1) de la Loi, le comité peut substituer sa propre décision à celle portée en appel, et c’est ce qu’il fera.

(3)   Conformité à la définition de type

[41]   Les deux parties s’entendent pour dire qu’un aéronef peut présenter des défectuosités, dont bon nombre peuvent ne pas être spécifiquement mentionnées dans les « instructions relatives au suivi de maintenance », en l’occurrence le manuel d’entretien du Beech 1900. Les parties admettent que, lorsque de telles instructions sont données, un technicien d’entretien d’aéronefs (TEA) dûment qualifié peut les exécuter, et ensuite délivrer une certification après maintenance, laquelle doit satisfaire aux exigences de conformité et de sécurité en matière de navigabilité. Dans l’affaire qui nous occupe, le désaccord entre les parties porte sur des défectuosités au sujet desquelles aucune norme ou instruction spécifique n’a été publiée.

[42]   De l’avis du ministre, en l’absence d’instructions de maintenance approuvées, toutes les défectuosités en service doivent être considérées uniquement sous l’angle de la conformité à la définition de type. Si l’on acceptait ce point de vue, il s’ensuivrait que, même lorsqu’un aéronef comportant une telle la défectuosité (comme en l’espèce) est en bon état de vol et présente la sécurité nécessaire pour un vol, l’appareil serait néanmoins non-conforme à sa définition de type, et son autorité de vol serait par conséquent invalide.

[43]   Au cours de l’audience en révision, le ministre a énuméré les éléments définis d’une « définition de type », mais, à sa face même, cette définition ne saurait servir de fondement à l’interprétation libérale du ministre. Ce dernier n’a déposé en preuve aucun des documents pertinents figurant dans la définition. Plutôt que présenter une preuve, le ministre a avancé l’argument suivant : la conception d’un aéronef ne comprendrait pas de pièces endommagées; un prototype utilisé en vue de l’obtention d’une certification de type ne contiendrait pas de pièces endommagées; par conséquent, seul un aéronef sans pièce endommagée est conforme à sa définition de type.

[44]   Le ministre a poursuivi en déclarant que lorsqu’une dégradation de l’aéronef par rapport à l’état certifié initialement n’était pas spécifiquement autorisée dans les instructions approuvées pour le maintien de la navigabilité, ou par une autre forme d’autorisation du ministre, l’aéronef n’était pas conforme à sa définition de type et n’était donc pas en état de navigabilité, qu’il puisse ou non voler en toute sécurité.

[45]   Le ministre a ajouté qu’aucun TEA ne pouvait déterminer si un aéronef était en état de navigabilité, puisque seul un représentant de Transports Canada avait le pouvoir de déclarer la conformité d’un aéronef à sa définition de type originale, ou d’approuver les réparations nécessaires pour assurer la conformité d’un appareil.

[46]   Le ministre a en outre prétendu qu’un DAT n’était pas habilité à approuver les cas de non-conformité à la définition de type originale. Dans le cadre de la présentation de la preuve, un DAT a été comparé à un consultant de l’industrie. Avec égards, cela va à l’encontre de l’aveu même du témoin du ministre voulant qu’un DAT soit un délégué du ministre qui délivre des approbations (sous la forme d’AT) au nom de celui-ci.

[47]   Pour sa part, l’appelante a soutenu que le ministre avait interprété le RAC beaucoup trop strictement, à savoir que tous les écarts par rapport à la norme de perfection n’équivalaient pas à une non-conformité à l’égard de la définition de type, et que la fissure en cause ne constituait pas un cas de non-conformité. L’appelante fait par conséquent valoir que le maintien de l’accusation ne reposait sur aucun fondement, ni en fait ni en droit.

(4)   Interprétation législative

[48]   En l’espèce, le comité d’appel est tenu d’interpréter le sens de l’expression « conforme à la définition de type applicable ». Ce faisant, nous sommes guidés par la formulation souvent énoncée et selon laquelle il faut lire les termes d’une disposition législative « dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur [1]  ».

[49]   Nous sommes d’avis que, dans son interprétation, le ministre confond les deux concepts distincts que sont « peut être utilisé en toute sécurité » (alinéa 507.02c) du RAC) et « conforme à sa définition de type … » (alinéa 507.02b) du RAC). Nous estimons par ailleurs qu’interpréter la disposition comme le propose le ministre reviendrait à forcer le sens des termes « état de navigabilité » et « définition de type » d’une manière qui est contraire au sens ordinaire des mots, non conforme à l’esprit du RAC, et qui ne cadre pas dans les objectifs du RAC. Aussi, nous croyons que cette interprétation entraînerait une incertitude réglementaire et opérationnelle. Nous rejetons donc l’interprétation que le ministre fait de l’expression « conforme à la définition de type applicable ».

[50]   Tel que susmentionné, la définition du terme « définition de type » commence par les mots « définition de type s’entend », et non pas « définition de type inclus ». Ce qui suit est une liste très détaillée. Cela donne fortement à penser que cette définition se veut exhaustive. Il faut aussi la mettre en contraste avec la définition de l’expression « état de navigabilité » qui elle est libellée en termes très généraux, soit que l’appareil doit être dans un bon état de vol qui présente la sécurité nécessaire pour un vol. Par conséquent, nous sommes d’avis que l’interprétation appropriée de « conforme à la définition de type » se limite aux éléments énumérés dans la définition du terme « définition de type ». Les questions résiduelles relatives à l’état de navigabilité doivent être analysées en fonction du fait que l’aéronef est oui ou non dans un bon état de vol présentant la sécurité nécessaire pour un vol.

[51]   Ce raisonnement s’oppose directement à l’opinion du ministre voulant que la « définition de type » soit la catégorie résiduelle comprenant tous les éléments de sécurité qui ne figurent pas explicitement dans un manuel d’entretien. Plus particulièrement, la définition du terme « définition de type » n’indique pas, pas plus qu’il n’en découle, que toute défectuosité dont un manuel d’entretien ne traite pas relève automatiquement de la définition de « définition de type ». Nous constatons que cela va fortement à l’encontre de l’interprétation de la « définition de type » que favorise le ministre.

[52]   D’un point de vue plus pratique, et nous fondant à la fois sur les définitions du RAC et l’esprit du règlement en général, nous estimons que l’exigence de « conformité » concerne la conception de la pièce, alors que l’exigence voulant qu’un aéronef soit dans un bon état de vol présentant la sécurité nécessaire pour un vol concerne l’état actuel de la pièce. En clair, le RAC prévoit deux critères logiquement et conceptuellement distincts relativement à l’« état de navigabilité », et les deux doivent être respectés :

  1. Tout d’abord, la pièce doit être correctement conçue. Ce critère est rempli si la conception de l’aéronef ou de la pièce a été approuvée, conformément à la définition de type ou à toute approbation ultérieure.
  2. Deuxièmement, cette pièce bien conçue doit être correctement entretenue tout au long de sa vie utile. Ce critère est respecté à tout moment dans la mesure où la pièce est dans un bon état de vol présentant la sécurité nécessaire pour un vol, conformément aux instructions pour le maintien de la navigabilité et à tout autre critère d’entretien pertinent.

[53]   Conséquemment, une pièce d’aéronef « est conforme » à la définition de type s’il s’agit d’une pièce prévue dans la définition de type (ou dans la définition de type supplémentaire), ou s’il s’agit d’une pièce de remplacement approuvée, ou si elle a été réparée ou remise à neuf d’une manière approuvée, et qu’elle n’a enfreint aucune des limites énoncées dans la « section des limites » ou dans la FDCT. Par souci d’exhaustivité, notons que le dépassement de toute limite d’utilisation, comme celles relatives au poids et à la vitesse de l’aéronef, est également une question de conformité à la définition de type, puisque ces limites d’utilisation sont expressément incluses dans la définition du RAC du terme « définition de type ».

[54]   Nous constatons également qu’une « réparation » peut impliquer la modification d’un aéronef ou d’une pièce. Si la pièce est modifiée, elle n’est plus fidèle à sa conception et, par conséquent, la question de la conformité à la définition de type peut être légitimement soulevée. Toutefois, la condition ou l’état actuel de la pièce d’aéronef n’a rien à voir avec sa conception. On doit plutôt considérer si la pièce est dans un bon état de vol présentant la sécurité nécessaire pour un vol. Cette question est directement liée à la maintenance des aéronefs, plutôt qu’à leur conception. Un système de réglementation robuste est en place afin établir et superviser l’application de normes relatives aux travaux de maintenance effectués par des TEA et des organismes de maintenance agréés (OMA).

[55]   Selon le comité d’appel, ce n’est pas par hasard que le RAC a été rédigé de manière à donner une portée étroite à l’expression « conforme à la définition de type ». Autrement, si l’interprétation du ministre était la bonne, cela voudrait dire que chaque fissure ou chaque renflement dans une charnière ou un carénage, chaque rivet brisé, chaque bosse, chaque pièce pliée ou dégradée, chaque éclat de peinture, chaque craquelure d’une fenêtre, toute quantité de liquide qui fuit, ou l’une des nombreuses défectuosités de routine dont il n’est pas expressément fait mention dans un manuel d’entretien particulier deviendraient un obstacle insurmontable pour un TEA. Ce dernier pourrait certifier que l’aéronef est dans un bon état de vol, mais cela serait insuffisant. Suivant la logique du ministre, l’appareil ne serait pas conforme à sa définition de type et serait donc cloué au sol jusqu’à ce qu’un inspecteur de Transports Canada l’ait également certifié.

[56]   Par ailleurs, nous devons tenir compte des incidences pratiques de l’interprétation du ministre. Comme l’indique Transports Canada dans ses Directives visant le personnel de la Maintenance et de la construction des aéronefs, DPM 46, « [i]l est pratiquement normal pour un aéronef de subir des défauts de temps à autre » (pièce A-3). Si l’interprétation du ministre était la bonne, de nombreux aéronefs au Canada, bien qu’ils soient en parfait état de vol, seraient tout de même non conformes à divers degrés mineurs, et seraient donc interdits de vol. Compte tenu de la nature fréquente et diverse des possibles défectuosités mineures, et considérant les ressources limitées de Transports Canada, le risque de perturbation généralisée du système de transport aérien canadien serait évident. C’est pourquoi nous considérons que l’interprétation du ministre entraînerait un résultat peu pratique, inutile et insoutenable. À notre avis, si le législateur avait voulu cette interprétation et ses conséquences radicales, il aurait libellé le RAC en des termes différents et plus explicites.

[57]   L’acceptation de cette interprétation entraînerait également une incertitude notable, puisque les limites de l’expression « conforme à la définition de type » sont difficiles sinon potentiellement impossibles à définir. Si on adoptait l’interprétation du ministre, un TEA ou un OMA serait rarement assuré qu’une pièce donnée (sauf une pièce neuve) soit conforme à tous les égards possibles, et il lui serait donc difficile de signer une certification après maintenance en toute confiance. Cela ne serait pas compatible avec une grande partie du pouvoir manifestement accordé aux TEA et aux OMA titulaires d’une licence en vertu du RAC, et qui consiste à émettre des certifications après maintenance certifiant qu’un aéronef ou une pièce est en état de navigabilité, c’est-à-dire à la fois sécuritaire et conforme. En fait, cette interprétation correspond mal à l’esprit même du RAC.

[58]   Par souci d’exhaustivité, nous souhaitons commenter plus en détail le principal argument avancé par le ministre. Celui-ci a d’abord soutenu que les spécifications techniques de l’aéronef auraient inclus une charnière de trappe de train d’atterrissage neuve et intacte. Le ministre a également prétendu que jamais un certificat de type n’aurait été délivré dans le cas d’un avion d’essai dont une charnière de trappe de train d’atterrissage était fissurée. À la suite de ces deux propositions, on a invité le comité d’appel à conclure qu’un aéronef dont la charnière de trappe de train d’atterrissage était fissurée n’était pas conforme à sa définition de type.

[59]   Malgré leur attrait émotionnel initial, nous estimons que ces propositions ne sont d’aucune aide dans la détermination du véritable sens juridique de l’expression « conforme à la définition de type applicable ».

[60]   La définition de type est le modèle servant à la fabrication de nouveaux aéronefs. Ainsi, tous les nouveaux appareils sont à l’état neuf, et donc conformes. Mais affirmer l’inverse, c’est tomber dans la logique fallacieuse connue sous le nom de la « négation de l’antécédent ». En d’autres termes, malgré la prémisse du ministre, il ne s’ensuit pas qu’un aéronef qui ne sort pas fraîchement de l’usine est nécessairement non conforme. Ainsi, nous ne pouvons accepter le raisonnement du ministre. Il ne saurait remplacer les outils juridiques usuels d’interprétation législative que nous avons utilisés ci-dessus.

[61]   Par ailleurs, l’argument ne connaît pas de limites. En effet, pourquoi se limiter à une charnière de trappe de train d’atterrissage? Selon la même logique, toute imperfection s’écartant de la conception originale, aussi mineure soit-elle, constituerait potentiellement une non-conformité. Non seulement cet argument n’est pas pratique, mais en fin de compte si on le poussait jusqu’à sa conclusion logique, il élargirait la portée du terme « conforme » de façon à subsumer l’exigence de voler dans un aéronef « en bon état de vol » jusqu’à la rendre redondante. En effet, la notion de « bon état de vol » serait réduite à un peu plus qu’une exception en matière de maintenance au principe directeur selon lequel l’aéronef doit, afin d’être conforme, être à l’état neuf. Rien dans le RAC n’indique que l’alinéa 507.02b) vise à supplanter l’alinéa 507.02c) de cette manière. En ce qui concerne l’interprétation législative, il faut privilégier une interprétation qui évite le superflu.

[62]   De même, l’état allégué d’un hypothétique prototype d’aéronef n’est pas pertinent. L’état d’un prototype d’aéronef ne fait pas partie de la définition de type telle que définie dans le RAC. Un certificat de type certifie la conception d’un type d’aéronef, et non l’état d’un aéronef ou d’un prototype spécifique.

(5)   Défectuosités majeures et mineures

[63]   Pour sa part, l’appelante a soutenu que selon les manuels d’entretien du BE1900, les dommages causés à un élément non structural comme une charnière de trappe de train d’atterrissage étaient classés comme étant des « dommages mineurs ». On nous a demandé de conclure que les dommages mineurs ne constituent pas la conformité au certificat de type. À l’appui de sa prétention, l’appelante a cité l’AT, qui qualifie les dommages de mineurs. Le ministre a quant à lui rejeté la pertinence d’une telle distinction.

[64]   Bien que nous convenions que les dommages étaient mineurs, le fait est que la présente affaire ne repose pas sur cette distinction. Elle porte plutôt sur la question juridique de savoir si, en vertu du RAC, un dommage ou toute autre défectuosité est en soi une question gérée par le principe de la conformité à la définition de type, celui du bon état de vol de l’appareil, ou par les deux.

[65]   L’appelante a déposé en preuve la section 51-00-00 du manuel d’entretien du Beech 1900D intitulée PRATIQUES ET STRUCTURES STANDARDS. Cette section traite entre autres des composants structurels secondaires (pièce A-1). Le commentaire qui y figure indique qu’« [e]n cas de défaillance, les composants structurels secondaires suivants nécessiteront une attention immédiate, mais ne menaceront pas nécessairement la sécurité de l’aéronef ou celle des passagers ». Parmi les composants énumérés se trouvent les « portes et les couvercles non structurels ». Nous convenons qu’une trappe de train d’atterrissage constitue un tel composant. Le ministre a souligné que ces pièces nécessitaient une « attention immédiate ». Nous constatons que cette « attention » comprendrait une inspection et peut-être même une certification après maintenance, mais ne nécessiterait pas obligatoirement une réparation immédiate. La question de savoir si la pièce est en bon état de vol serait une question de maintenance qui relève du bon jugement. Le commentaire ne concerne pas la conformité à la définition de type. Il est plutôt formulé en termes de sécurité et d’aptitude au vol. Nous observons également qu’en l’espèce, l’« attention immédiate » a été de faire appel à un DAT, qui a certifié que l’aéronef était en état de navigabilité pour les 25 heures de vol suivantes.

(6)   Conclusions de droit

[66]   Pour toutes ces raisons, à la lecture des termes des articles pertinents du RAC en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur, nous devons rejeter une interprétation du RAC voulant que tout aéronef qui n’est pas à l’état neuf et qui est en deçà de la tolérance explicitement prévue dans les instructions de maintenance continue, soit non conforme. Un tel appareil pourrait ne pas être en bon état de vol ou ne pas présenter la sécurité nécessaire pour un vol. Mais affirmer qu’en plus il n’est pas conforme, c’est ajouter à l’interprétation du RAC un élément inutile qui est absent dans la lettre des dispositions en cause et ne peut trouver fondement dans l’esprit ou l’objet du règlement.

[67]   Nous sommes plutôt d’avis que l’apparition d’une défectuosité dans une pièce d’aéronef ne soulève pas, en soi, la question de sa conformité à la définition de type. Une telle situation entraîne plutôt la question de savoir si la pièce est en bon état et sécuritaire pour un vol.

(7)   Application en l’espèce

[68]   En l’espèce, les parties n’ont pas fait la preuve ni prétendu que la charnière de trappe de train d’atterrissage était autre chose qu’une véritable pièce d’origine ou de remplacement. Il n’y a eu ni argument ni preuve voulant qu’elle ait été modifiée ou qu’elle ait enfreint une des limites relatives aux temps de vol et aux cycles de fonctionnement énoncées dans la section des limites ou dans la FDCT. Par conséquent, en droit, l’aéronef était conforme à la définition de type applicable. Du fait que le ministre a renoncé à utiliser l’argument réglementaire subsidiaire voulant que l’aéronef ait été en mauvais état de vol ou non sécuritaire pour un vol, nous concluons que l’accusation contre l’appelante ne repose sur aucun motif valable et, par conséquent, nous la rejetons.

B.   Conclusion

[69]   Le ministre n’a pas prouvé que l’aéronef B1900 en cause n’était pas conforme à sa définition de type. Il ne conteste pas que l’appareil était en bon état de vol. Conséquemment, le ministre n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que l’autorité de vol n’était pas en vigueur. S’agissant là d’un élément essentiel de l’infraction, la sanction pécuniaire ne saurait être maintenue.

III.   DÉCISION

[70]   L’appel est accueilli. La sanction pécuniaire de 5 000 $ est annulée.

Le 20 février 2020

(Original signé)

Motifs de la décision d’appel :

Andrew Wilson, conseiller présidant l’audience

Y souscrivent :

James E. MacDonald, conseiller

 

Teryl Robbins, conseiller, conseiller

Comparutions

Pour le ministre :

Eric Villemure

Pour l'appelante  :

Timothy Trembley

 



[1] Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 6th ed. (Markham, ON, LexisNexis Canada, 2014) p. 9-10.

 

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