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Référence : Académie de Pilotage Internationale Inc. c. Canada (Ministre des Transports), 2020 TATCF 17 (décision)

No de dossier du TATC : A-4307-45

Secteur : aéronautique

ENTRE :

Académie de Pilotage Internationale Inc., appelante

- et -

Canada (Ministre des Transports), intimé

[Traduction française officielle]

Audience :

Par observations écrites

Affaire entendue par :

Arnold Olson, conseiller présidant l’audience

Fazal Bhimji, conseiller

Dr Francis Hane, conseiller

Décision rendue le :

18 septembre 2020

DÉCISION À LA SUITE D’UNE REQUÊTE PRÉLIMINAIRE
POUR PRÉSENTER UNE NOUVELLE PREUVE

Arrêt : Conformément à l’article 14 de la Loi sur le Tribunal d’appel des transports du Canada, la demande de l’appelante d’examiner la preuve, soit un certificat d’exploitation aérienne daté du 16 novembre 2015, est rejetée. Cette décision ne porte pas préjudice aux arguments de l’appelante dans le cadre de l’audience en appel.


I.  HISTORIQUE

[1]   Dans un avis d’amende pour contravention (avis) en date du 3 février 2017, le ministre des Transports (ministre) a imposé une sanction pécuniaire de 12 500 $ à l’appelante, l’Académie de Pilotage Internationale Inc., en raison d’une violation alléguée du paragraphe 406.03(1) du Règlement de l’aviation canadien (RAC). L’avis se lisait en partie comme suit : « Le ou vers le 6 février 2016… vous, Académie de Pilotage Inc., avez exploité un service d’entraînement en vol… alors que vous n’étiez pas titulaire d’un certificat d’exploitation d’unité de formation au pilotage autorisant l’exploitation de ce service… ».

[2]   Jules Selwan, agissant au nom de l’appelante, a demandé la tenue d’une audience en révision auprès du Tribunal d’appel des transports du Canada (Tribunal), laquelle a eu lieu le 24 avril 2019, à Ottawa, en Ontario. Dans une décision datée du 3 juillet 2019, la conseillère en révision a conclu que l’appelante avait contrevenu au paragraphe 406.03(1) du RAC, et que les exemptions prévues au paragraphe 406.03(2) ne s’appliquaient pas.

[3]   Le 28 juillet 2019, l’appelante a interjeté appel de la décision de la conseillère en révision. Par conséquent, une conférence préparatoire (CP) s’est tenue le 6 août 2020. Au cours de cette CP, l’appelante a modifié ses motifs d’appel, sans que le ministre s’y oppose, pour qu’ils se lisent en partie comme suit :

Motif 2 : La conseillère en révision a commis une erreur de droit en confirmant une sanction imposée à l’Académie pour avoir exploité un service d’entraînement en vol en vertu de l’art. 406.03(1) alors que l’Académie s’était conformée aux conditions et spécifications énumérées à l’art. 702.76 du RAC.

[4]   Le 16 août 2020, l’appelante a déposé une requête demandant au Tribunal d’accepter un nouvel élément de preuve, soit un certificat d’exploitation aérienne (CEA) daté du 16 novembre 2015. Les spécifications d’exploitation permettaient à l’appelante d’effectuer des opérations de travail aérien en vertu de la partie 702 du RAC en utilisant un aéronef de type Cessna 172P.

[5]  Le comité doit déterminer si le CEA daté du 16 novembre 2015 peut être déposé en preuve au cours de l’appel de la décision à la suite d’une révision.

II.  CADRE JURIDIQUE

[6]   Le comité d’appel a le pouvoir discrétionnaire d’accepter une nouvelle preuve dans le cadre d’une procédure d’appel, sous réserve de l’article 14 de la Loi sur le Tribunal d’appel des transports du Canada (Loi sur le TATC), lequel dispose que :

14 L’appel porte au fond sur le dossier d’instance du conseiller dont la décision est contestée. Toutefois, le comité est tenu d’autoriser les observations orales et il peut, s’il l’estime indiqué pour l’appel, prendre en considération tout élément de preuve non disponible lors de l’instance.

III.  OBSERVATIONS DES PARTIES

Observations de l’appelante

[7]   L’appelante a fait valoir que le dépôt de la nouvelle preuve était nécessaire afin de : déterminer si l’exemption prévue au paragraphe 406.03(2) du RAC s’applique à ses arguments; aider le comité d’appel dans son examen du dossier; et prévenir une erreur judiciaire. L’appelante soutient que ce document est au cœur de la question de savoir s’il y a eu violation du paragraphe 406.03(1) du RAC. L’appelante a déclaré que la conseillère en révision lui avait demandé de produire cette preuve, mais qu’elle n’avait pu le faire à ce moment-là.

Observations de l’intimé

[8]   L’intimé a soutenu que les observations de l’appelante ne respectaient pas le seuil légal qu’exige l’article 14 de la Loi sur le TATC, et que la requête devrait être rejetée. L’intimé a fait valoir que le CEA avait été délivré en 2015, environ quatre ans avant l’audience en révision du 24 avril 2019, que l’appelante y avait accès facilement au moment de l’audience en révision, et qu’elle avait choisi de ne pas le déposer en preuve. En outre, contrairement à ce qu’affirme l’appelante, le dossier ne démontre pas que la conseillère en révision a demandé la production de cette preuve lors de l’audience en révision.

[9]   En outre, l’intimé prétend que cette nouvelle preuve n’est pas pertinente aux fins de l’appel, et ce pour deux raisons : premièrement, le CEA précise un type d’aéronef différent de celui en cause lors de l’audience en révision, et, deuxièmement, la sanction administrative ne l’avait pas été en raison d’« opérations de travail aérien » effectuées par la requérante en vertu de la partie 702 du RAC, mais plutôt pour l’exploitation d’un service en vertu de son certificat d’exploitation d’unité de formation au pilotage.

Réponse de l’appelante

[10]  L’appelante a répondu que le ministre avait choisi de ne pas inclure tous les documents relatifs à l’entité juridique énumérés dans la base de données du Système d’information national des compagnies aériennes (SINCA) de Transports Canada. Par conséquent, ni la conseillère en révision ni l’appelante n’étaient en possession de l’intégralité du dossier à la date de l’audience.

[11]   L’appelante, se référant aux paragraphes 36 et 38 de la décision à la suite d’une révision, a réitéré que la preuve était pertinente pour l’issue de l’appel, tout en ajoutant qu’un CEA émis en vertu de la partie VII du RAC autorisait le titulaire du document à exploiter un service aérien commercial. L’appelante a aussi cité la conclusion de la conseillère en révision selon laquelle « … aucune preuve voulant que la requérante détienne un tel certificat n’a été soumise… ».

[12]   L’appelante a soutenu qu’il existait un lien entre le CEA et l’application d’une exemption en vertu du paragraphe 406.03(2), du fait que la contravention était fondée sur la nature du service et non sur un type particulier d’aéronef.

IV.  ANALYSE

La preuve était-elle disponible au moment de l’audience en révision?

[13]   Le comité d’appel a examiné la nouvelle preuve soumise, c’est-à-dire le CEA permettant d’effectuer du travail aérien (publicité aérienne, photographie aérienne) en vertu de la partie 702 du RAC, et a noté que sa date d’émission, le 16 novembre 2015, est nettement antérieure à l’audience en révision tenue le 24 avril 2019. Sans tenir compte de la base de données du SINCA, l’appelante aurait pu avoir accès au CEA au moment de l’audience en révision. Ainsi, on ne peut pas dire qu’il n’était pas disponible auparavant.

La preuve est-elle nécessaire aux fins de l’appel?

[14]   Afin de déterminer le caractère nécessaire de la preuve, le comité a examiné le critère énoncé au paragraphe 6 de l’arrêt Public School Boards’ Assn. of Alberta c. Alberta (Procureur général), [2000] 1 R.C.S. 44, constatant notamment que la preuve doit porter sur une question décisive ou potentiellement décisive; qu’elle doit être plausible; et que si elle est acceptée, qu’on puisse croire que la preuve aurait influé sur le résultat de l’audience précédente.

[15]   Nous observons par ailleurs que le CEA indique que les travaux se limitent à la publicité et la photographie aériennes. Toutefois, la sanction pécuniaire imposée par Transports Canada découlait d’un entraînement en vol effectué en vertu d’un certificat d’exploitation d’unité de formation au pilotage, et non d’un CEA permettant d’effectuer du travail aérien.

[16]   Le CEA précise que le travail aérien doit se faire à bord d’un Cessna 172P. La contravention ayant fait l’objet d’un examen par la conseillère en révision concernait un Piper Seneca multimoteur de modèle PA-34-200T (pièce M-5). Le comité d’appel n’est pas convaincu qu’un CEA qui précise l’utilisation d’un Cessna 172P pour faire de la publicité ou de la photographie aérienne autorise en soi l’utilisation d’un aéronef multimoteur pour de l’entraînement en vol.

[17]   Le comité d’appel relève que l’exemption prévue à l’alinéa 406.03(2)a) permettant l’entraînement en vol par le titulaire d’un certificat d’exploitation aérienne est en partie libellée comme suit :

406.03 (2) La personne qui n’est pas titulaire d’un certificat d’exploitation d’unité de formation au pilotage peut exploiter un service d’entraînement en vol dans les cas suivants :

a) la personne est titulaire … d’un certificat d’exploitation aérienne, l’aéronef utilisé pour l’entraînementest précisé sur le certificat d’opération aérienne […] [nous soulignons]

Dû au fait que le type d’aéronef spécifié dans le CEA est différent de celui utilisé pour l’entraînement en vol, il est très peu probable que l’appelante aurait pu se prévaloir de l’exemption prévue à l’alinéa 406.03(2)a) du RAC. Même s’il avait été accepté en preuve lors de l’audience en révision, le CEA n’aurait pas eu d’incidence sur le résultat de l’affaire.

[18]   Pour ces motifs, nous n’acceptons pas la thèse de l’appelante qui établit un lien entre le CEA et l’application d’une exemption en vertu du paragraphe 406.03(2) du RAC.

[19]   Nous concluons que la nouvelle preuve proposée n’est pas pertinente dans le contexte de l’imposition d’une sanction administrative pécuniaire en vertu du paragraphe 406.03(1) du RAC, et qu’elle n’est donc pas nécessaire aux fins de l’appel.

V.  DÉCISION

[20]   Conformément à l’article 14 de la Loi sur le Tribunal d’appel des transports du Canada, la demande de l’appelante d’examiner la preuve, soit un certificat d’exploitation aérienne daté du 16 novembre 2015, est rejetée. Cette décision ne porte pas préjudice aux arguments de l’appelante dans le cadre de l’audience en appel.

Le 18 septembre 2020

(Original signé)

Motifs de la décision d’appel :

Arnold Olson, conseiller présidant l’audience

Y souscrivent :

Fazal Bhimji, conseiller

Dr Francis Hane, conseiller

Représentants des parties

Pour le ministre :

Eric Villemure

Pour l’appelante :

Jules Selwan

 

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