Décisions TATC

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Référence : Académie de Pilotage Internationale Inc. c. Canada (Ministre des Transports), 2020 TATCF 22 (appel)

No de dossier du TATC : A-4307-45

Secteur : aéronautique

ENTRE :

Académie de Pilotage Internationale Inc., appelante

- et -

Canada (Ministre des Transports), intimé

[Traduction française officielle]

Audience :

Par vidéoconférence le 14 octobre 2020

Affaire entendue par :

Arnold Olson, conseiller présidant l’audience

Fazal Bhimji, conseiller

Dr Francis Hane, conseiller

Décision rendue le :

16 décembre 2020

DÉCISION ET MOTIFS À LA SUITE DE L’APPEL

Arrêt : L’appel est rejeté. Le comité d’appel confirme la décision de la conseillère en révision voulant que le ministre des Transports ait prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante, Académie de Pilotage Internationale Inc., a contrevenu au paragraphe 406.03(1) du Règlement de l’aviation canadien.

Le montant total de 7 000 $ est payable au receveur général du Canada et doit parvenir au Tribunal d’appel des transports du Canada dans l’année suivant la signification de la présente décision.


I. HISTORIQUE

[1] Dans un avis d’amende pour contravention (avis) daté du 3 février 2017 et délivré en vertu de l’article 7.7 de la Loi sur l’aéronautique, Transports Canada (TC) a imposé une sanction pécuniaire à l’attention de Jules Selwan, gestionnaire supérieur responsable de l’Académie de Pilotage Internationale Inc. (Académie), alléguant une contravention au paragraphe 406.03(1) du Règlement de l’aviation canadien (RAC). La sanction administrative pécuniaire s’élevait à 12 500 $.

[2] L’avis indiquait ce qui suit :

Le ou vers le 6 février 2016, à environ 12 h 38 heure locale, à Carp (Ontario) ou aux alentours, vous, Académie de Pilotage Internationale Inc., avez exploité au Canada un service d’entraînement en vol qui utilise un avion alors que vous n’étiez pas titulaire d’un certificat d’exploitation d’unité de formation au pilotage autorisant l’exploitation de ce service, contrevenant ainsi au paragraphe 406.03(1) du Règlement de l’aviation canadien (RAC)…

[3] L’audience en révision a eu lieu le 24 avril 2019, à Ottawa. Dans une décision en date du 3 juillet 2019, la conseillère en révision a confirmé la contravention, concluant que l’appelante avait contrevenu au paragraphe 406.03(1) du RAC, et que les exemptions prévues au paragraphe 406.03(2) ne s’appliquaient pas en l’espèce. Toutefois, la conseillère en révision a réduit l’amende, la faisant passer de 12 500 $ à 7 000 $.

[4] Le 28 juillet 2019, l’appelante a interjeté appel de la décision de la conseillère en révision, et a par la suite déposé une requête pour présenter une nouvelle preuve en appel. Le 18 septembre 2020, le comité d’appel a rejeté la demande de l’appelante d’examiner de nouveaux éléments de preuve constitués d’un certificat d’exploitation aérienne (CEA) détenu par l’appelante et délivré en vertu de la sous-partie 702 du RAC. Quelques raisons ont motivé le refus du comité d’appel d’admettre cette nouvelle preuve : le CEA précisait que l’Académie était autorisée à effectuer de la publicité aérienne ou de la photographie aérienne à bord d’un aéronef monomoteur de type Cessna 172P. Le comité d’appel n’a pas été convaincu que ce CEA autorisait l’Académie à dispenser un entraînement en vol sur multimoteur. En outre, le comité a conclu que le CEA était disponible à l’époque de l’audience en révision, qu’il n’avait pas de rapport avec la violation alléguée du paragraphe 406.03(1) du RAC, et que son dépôt en preuve n’aurait pas modifié l’issue de l’audience en révision. Par conséquent, le CEA n’était pas nécessaire aux fins de l’appel.

A. Cadre juridique

[5] Aux termes du paragraphe 7.7(1) de la Loi sur l’aéronautique, le ministre des Transports (ministre) peut, s’il a des motifs raisonnables de croire qu’une personne a contrevenu à un texte désigné, lui imposer une sanction pécuniaire. Dans cette affaire, les textes désignés en cause sont les paragraphes 406.03(1) et 406.03(2) du RAC, lesquels se lisent comme suit :

Obligation d’être titulaire d’un certificat d’exploitation d’unité de formation au pilotage

406.03 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3), il est interdit d’exploiter au Canada un service d’entraînement en vol qui utilise un avion ou un hélicoptère à moins d’être titulaire d’un certificat d’exploitation d’unité de formation au pilotage autorisant l’exploitation de ce service et de se conformer aux conditions et aux spécifications d’exploitation indiquées sur ce certificat.

(2) La personne qui n’est pas titulaire d’un certificat d’exploitation d’unité de formation au pilotage peut exploiter un service d’entraînement en vol dans les cas suivants :

a) la personne est titulaire d’un document d’enregistrement d’exploitant privé ou d’un certificat d’exploitation aérienne, l’aéronef utilisé pour l’entraînement — dans le cas du titulaire d’un certificat d’exploitation aérienne — est précisé sur le certificat d’exploitation aérienne et l’entraînement n’est pas dispensé en vue de l’obtention d’un permis de pilote de loisir, d’une licence de pilote privé, d’une licence de pilote professionnel ou d’une qualification d’instructeur de vol;

b) le stagiaire est :

(i) soit propriétaire de l’aéronef utilisé pour l’entraînement ou un membre de la famille de celui-ci,

(ii) soit administrateur d’une personne morale qui est propriétaire de l’aéronef utilisé pour l’entraînement, et l’entraînement n’est pas dispensé en vue de l’obtention d’un permis de pilote de loisir ou d’une licence de pilote privé,

(iii) soit utilisateur d’un aéronef obtenu d’une personne qui n’a pas de lien de dépendance avec l’instructeur de vol, et l’entraînement n’est pas dispensé en vue de l’obtention d’un permis de pilote de loisir ou d’une licence de pilote privé.

B. Motifs d’appel

[6] Au cours d’une conférence préparatoire à l’audience qui s’est déroulée le 6 août 2020, l’appelante a modifié ses motifs d’appel, sans que le ministre ne s’y oppose. L’appelante allègue les erreurs de droit et de fait suivantes :

  1. La conseillère en révision a commis une erreur de droit en confirmant une sanction pécuniaire imposée à l’Académie pour avoir exploité un service d’entraînement en vol sans détenir de certificat d’exploitation d’unité de formation au pilotage (CEUFP) autorisant un entraînement relatif à la qualification multimoteur au contraire du sous-alinéa 406.03(2)b)(iii) du RAC, alors que le stagiaire utilise un aéronef obtenu d’une personne qui n’a pas de lien de dépendance avec l’instructeur de vol, et que l’entraînement n’est pas dispensé en vue de l’obtention d’un permis de pilote de loisir ou d’une licence de pilote privé. La conseillère en révision a commis une erreur de fait en mésinterprétant le sens d’une transaction « sans lien de dépendance » en se fondant sur la définition du Black’s Law Dictionary.
  2. La conseillère en révision a commis une erreur de droit en confirmant une amende imposée à l’Académie pour avoir exploité un service d’entraînement en vol sous le régime du paragraphe 406.03(1), alors que l’Académie s’était conformée aux conditions et spécifications énoncées à l’article 702.76 du RAC.
  3. La conseillère en révision a commis une erreur de fait et de droit ou une erreur mixte de fait et de droit, en ce que sa décision était fondée sur des contradictions dans les éléments de preuve fournis aux enquêteurs.
  4. La conseillère en révision a commis une erreur de droit en imposant une sanction pécuniaire en fonction de principes erronés, à savoir l’idée que la différence entre la date de la lettre d’enquête et la date de l’avis ne devrait pas créer de confusion, et l’idée qu’on a avisé l’Académie de ne pas utiliser l’aéronef à des fins de formation avant que l’autorisation devant être ajoutée au CEUFP soit accordée.

II. ANALYSE

A. Norme de contrôle

[7] Le récent arrêt de la Cour suprême du Canada (CSC) Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] est muet quant à la norme de contrôle applicable pour les tribunaux administratifs possédant des mécanismes d’appel internes prévus par la loi, tels que le Tribunal d’appel des transports du Canada (Tribunal). Par conséquent, les appels interjetés devant le Tribunal continuent d’être traités en fonction des normes de contrôle antérieures établies par la Cour fédérale dans l’arrêt Billings Family Enterprises Ltd. c. Canada (Transports), 2008 CF 17 et plus récemment réitérées dans Canada (Procureur général) c. Friesen, 2017 CF 567. La norme de la décision raisonnable s’applique aux conclusions relatives à la crédibilité, aux conclusions de fait et aux conclusions mixtes de fait et de droit, et un comité d’appel doit alors faire preuve d’une grande déférence à l’égard d’un conseiller en révision. En ce qui a trait aux questions de droit, la norme est celle de la décision correcte, et dans ce cas, un comité d’appel a droit à sa propre interprétation.

[8] Toutefois, Vavilov donne des indications à un comité d’appel sur ce qui constitue une décision raisonnable :

[85] … une décision raisonnable doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti.

La norme de contrôle applicable selon le comité d’appel est précisée pour chaque motif d’appel.

B. Premier motif : La conseillère en révision a-t-elle interprété de façon raisonnable une définition de l’expression « n’a pas de lien de dépendance » et l’a-t-elle appliquée aux faits?

[9] Relativement au premier motif, la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable, car il s’agit d’une question mixte de fait et de droit. L’expression « n’a pas de lien de dépendance » est utilisée dans le RAC, la conseillère en révision a interprété une définition de l’expression (une question de droit), et cette définition a été appliquée aux faits en cause (une question de fait).

[10] Afin de déterminer si la conseillère en révision a défini et appliqué de façon raisonnable le sous-alinéa 406.03(2)b)(iii) du RAC, il faut d’abord comprendre l’objectif général du règlement. L’article 406.03 du RAC prévoit d’emblée l’obligation générale voulant qu’un service d’entraînement en vol soit titulaire d’un CEUFP et se conforme à certaines conditions et spécifications qui servent à protéger l’intérêt public. L’exemption offerte en vertu du sous-alinéa 406.03(2)b)(iii) du RAC requiert que la personne auprès de laquelle l’aéronef a été obtenu soit sans lien de dépendance avec la personne qui dispense l’entraînement en vol. Le ministre a soutenu que cette exigence relative à l’absence d’un lien de dépendance visait à éviter une situation où une personne pourrait à la fois fournir l’aéronef et dispenser un entraînement en vol à un stagiaire, sans avoir à détenir un CEUFP et se conformer à ses conditions et spécifications.

[11] Le comité d’appel fait remarquer que, même si le ministre doit prouver les éléments de la violation, c’est l’Académie qui doit faire la preuve qu’elle satisfaisait aux conditions de l’exemption prévue au sous-alinéa 406.03(2)b)(iii) du RAC. Il y a longtemps que le Tribunal a reconnu l’existence de ce renversement du fardeau de la preuve. Dans sa décision Ministre des Transports c. Gordon E. Boklaschuk, 1990 Dossier no C-0142-33 (TAC) (appel), le Tribunal conclut que :

Si Transports Canada prouve qu’il y a eu infraction à la règle, c’est à l’intimé qu’il revient d’établir que l’une des exceptions s’applique à son cas. Ce n’est pas à Transports Canada de prouver l’exception.

Ce principe du déplacement du fardeau de la preuve dans le camp de la partie qui demande l’exemption a été repris dans l’affaire Ministre des Transports c. Mark Frank Killen, 1997 Dossier no C-1300-33 (TAC) (appel); puis confirmé dans Francis Yvon Paquin c. Ministre des Transports, 2005 Dossier no A-3021-33 (TATC) (révision); et plus récemment réitéré dans Bradley Friesen c. Canada (Ministre des Transports), 2019 Dossier no P-4283-02 (TATC) (appel). L’Académie avait le fardeau de prouver qu’elle était admissible à une exemption en vertu du sous-alinéa 406.03(2)b)(iii).

[12] L’expression « n’a pas de lien de dépendance » n’apparaît dans le RAC qu’au sous-alinéa 406.03(2)b)(iii). Étonnamment, ni la Loi sur l’aéronautique ni le RAC n’offrent de définition de l’expression. En l’absence d’une définition réglementaire sur laquelle s’appuyer, la conseillère en révision s’est tournée vers les définitions disponibles de l’expression « sans lien de dépendance ». Elle a considéré une définition de source inconnue provenant d’Internet et fournie par M. Selwan : « Une transaction sans lien de dépendance est une transaction entre deux parties qui ont une relation personnelle ou familiale. La transaction est séparée, sans lien de dépendance avec leur relation personnelle. Une transaction sans lien de dépendance peut être utilisée pour éviter l’apparence d’un conflit d’intérêts ou pour maintenir la relation d’affaires afin que la relation personnelle ne soit pas affectée » (paragraphe 47 de la décision à la suite de la révision). Mais en fin de compte, la conseillère en révision a préféré une définition du Black’s Law Dictionary : « Relatif à des relations entre deux parties qui ne sont pas apparentées ou qui ne sont pas en étroite relation et qui sont présumées avoir sensiblement le même pouvoir de négociation » (paragraphe 48). Le comité d’appel conclut qu’en l’absence d’une définition disponible et appropriée de l’expression « n’a pas de lien de dépendance » ou « sans lien de dépendance » dans la Loi sur l’aéronautique ou le RAC, il était raisonnable que la conseillère en révision se fonde sur une définition du Black’s Law Dictionary, une référence juridique bien établie.

[13] Au cours de l’audience en appel, M. Selwan a déclaré que la conseillère en révision aurait dû se fier à une définition émanant d’un organisme de réglementation canadien plutôt qu’à une définition du Black’s Law Dictionary, puisqu’il s’agissait là d’une publication américaine. Sa nouvelle définition provenait du site Web de l’Agence du revenu du Canada (ARC) qui indique que le terme « sans lien de dépendance » « décrit le rapport entre des personnes qui agissent indépendamment l’une de l’autre ou qui ne sont pas liées ». Il a soutenu que, selon cette définition, la relation employeur-employé entre l’Académie et l’instructeur, Francis Faludi, ne devrait pas conduire à la conclusion qu’ils ne pouvaient pas agir indépendamment l’un de l’autre. Il a ajouté que M. Faludi n’était pas lié à l’Académie, car il n’en était pas un actionnaire ayant droit de vote. Pour ces motifs, a-t-il prétendu, la conseillère en révision a commis une erreur en concluant que la relation entre les deux n’était pas sans lien de dépendance.

[14] Le ministre a affirmé que, quelle que soit la définition de « n’a pas de lien de dépendance » ou « sans lien de dépendance », elle n’incluait fort probablement pas la relation employeur-employé qui existait entre l’Académie et ses instructeurs. Le représentant du ministre a soutenu qu’à l’égard de cette question mixte de fait et de droit, la conseillère en révision était la mieux placée pour tirer des conclusions en se fondant sur la preuve, et qu’il était raisonnable qu’elle ait conclu que M. Faludi, à titre d’instructeur, et la requérante, en tant qu’employeur de l’instructeur, n’étaient pas sans lien de dépendance.

[15] À l’audience en appel, le président de séance a fait remarquer que le comité d’appel accepterait en preuve cette définition de l’ARC, sous réserve, et le comité s’est engagé à décider s’il serait approprié ou non de prendre connaissance d’office de cette nouvelle définition. Essentiellement, la connaissance d’office est l’acceptation par un tribunal d’une telle connaissance générale qu’une preuve formelle n’est pas nécessaire. Le comité d’appel a examiné l’arrêt de la CSC R. c. Find, 2001 CSC 32. Par souci de brièveté, nous ne citons que sa formulation du seuil d’application de la connaissance d’office :

La connaissance d’office dispense de la nécessité de prouver des faits qui ne prêtent clairement pas à controverse ou qui sont à l’abri de toute contestation de la part de personnes raisonnables. Les faits admis d’office ne sont pas prouvés par voie de témoignage sous serment. Ils ne sont pas non plus vérifiés par contre-interrogatoire. Par conséquent, le seuil d’application de la connaissance d’office est strict. Un tribunal peut à juste titre prendre connaissance d’office de deux types de faits : (1) les faits qui sont notoires ou généralement admis au point de ne pas être l’objet de débats entre des personnes raisonnables; (2) ceux dont l’existence peut être démontrée immédiatement et fidèlement en ayant recours à des sources facilement accessibles dont l’exactitude est incontestable […] [nous soulignons]

Puisque c’est la définition du terme « sans lien de dépendance » qui fait l’objet même du débat sur ce motif d’appel, nous constatons que le seuil d’application de la connaissance d’office n’a pas été atteint. Par conséquent, le Tribunal n’a pas pris connaissance d’office de la définition de l’ARC.

[16] Bien que nous n’en ayons pas pris connaissance d’office, nous constatons que cette nouvelle définition de l’ARC est nettement plus contraire à l’intérêt de l’appelante que ne l’est la définition utilisée par la conseillère en révision. M. Faludi n’a pas agi de façon indépendante, mais a agi sous la direction de M. Selwan, qui était son employeur. On ne peut pas non plus dire que les deux n’étaient pas liés. Une relation ne doit pas nécessairement être une relation de sang. En l’espèce, M. Faludi a agi dans le cadre d’une relation employeur-employé; les employeurs ont une obligation de diligence envers leurs employés, ce qui n’est pas compatible avec une relation sans lien de dépendance. Par conséquent, nous constatons que cette nouvelle définition de l’ARC du terme « sans lien de dépendance » ne fait pas progresser la cause de l’appelante.

[17] Le comité d’appel estime qu’il était raisonnable que la conseillère en révision ait conclu que les faits entourant l’affaire démontraient l’existence d’une relation employeur-employé entre l’Académie, en tant que fournisseur de l’aéronef, et l’instructeur de vol, laquelle, selon la prépondérance des probabilités, ne saurait être qualifiée de relation sans lien de dépendance.

C. Deuxième motif : L’entraînement en vol a-t-il été effectué en vertu d’un CEA?

[18] Le fondement probatoire de ce motif était un CEA découlant de la sous-partie 702 du RAC que détenait l’appelante, et qui, dans une décision antérieure, n’avait pas été accepté à titre de nouvelle preuve pouvant être utilisée en appel. En l’absence de fondement probatoire, l’appelante a retiré ce motif d’appel, et celui-ci n’a pas été examiné plus avant.

D. Troisième motif : La conseillère en révision a-t-elle raisonnablement pris en compte les contradictions contenues dans les éléments de preuve?

[19] La norme de contrôle applicable à ce motif est celle de la décision raisonnable, car il s’agit d’une question de fait.

[20] L’appelante a soutenu que la conseillère en révision avait commis une erreur en n’accordant pas suffisamment de poids aux contradictions que contenait la preuve, alléguant que la conseillère aurait dû reconnaître que ces contradictions affaiblissaient la preuve contre l’Académie, et qu’elle n’aurait donc pas dû confirmer la sanction pécuniaire.

[21] Le ministre a reconnu certaines contradictions dans la preuve, comme le montant payé par le stagiaire pour l’utilisation de l’aéronef ou le fait que l’instructeur a été payé directement ou indirectement par l’Académie. La requérante a demandé au comité d’appel d’examiner ces divergences à la lumière d’une déclaration tirée du paragraphe 11 de l’arrêt Boulos c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2012 CAF 193 : « … il faut présumer que le décideur a soupesé et considéré toute la preuve qui lui a été présentée, à moins que l’on fasse la preuve du contraire : [Florea c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 598 (C.A.) (Q.L.), au paragraphe 1] ».

[22] Le comité d’appel constate que la conseillère en révision était consciente de ces contradictions (paragraphes 13, 16, 21 et 22 de sa décision), alors qu’elle a glané dans la preuve plusieurs points saillants : l’entraînement en vol a eu lieu le 6 février 2016, une forme quelconque de paiement ou de contrepartie a été payée par le stagiaire, et l’aéronef et l’instructeur de vol ont été fournis par l’Académie. Nous concluons que la conseillère en révision a raisonnablement tenu compte des contradictions dans les éléments de preuve.

E. Quatrième motif : La conseillère en révision a-t-elle raisonnablement pris en compte la différence entre la date de la lettre d’enquête et la date de l’avis? La conseillère en révision a-t-elle raisonnablement examiné le fait qu’on a avisé l’Académie de ne pas utiliser l’aéronef avant d’être autorisée à le faire?

[23] La norme de contrôle applicable à ce motif est celle de la décision raisonnable, puisqu’il s’agit de questions de fait.

[24] L’appelante a soutenu que la conseillère en révision n’avait pas bien mesuré le sentiment de confusion créé après qu’il eut reçu une lettre d’enquête (datée du 23 novembre 2016) en référence à un vol d’entraînement survenu le 23 janvier 2016, puis l’avis (daté du 3 février 2017) en référence à un vol d’entraînement du 6 février 2016. Il a fait valoir que la déclaration de la conseillère en révision (paragraphe 56) selon laquelle « … il n’y avait pas lieu de voir de confusion dans le temps entre ces deux événements… » constituait une erreur qui, en soi, devrait inciter le comité d’appel à infirmer la décision de la conseillère en révision.

[25] Le ministre a avancé que la date précisée dans la lettre d’enquête, soit le 23 janvier 2016, n’était pas erronée. TC était préoccupé par une courte série de vols qui comprenaient à la fois le vol du 23 janvier et celui survenu quelques semaines plus tard, le 6 février 2016. Le ministre a fait remarquer que la contravention à un texte désigné et le numéro de dossier étaient les mêmes dans les deux documents, et a maintenu que M. Selwan avait décidé de ne pas répondre à la lettre et qu’il n’avait pas communiqué avec l’enquêteur pour obtenir plus de précisions. Au cours des mois qui se sont écoulés entre la réception de la lettre d’enquête et celle de l’avis, l’appelante a eu amplement le temps d’aborder avec TC la nature des préoccupations de TC.

[26] Le ministre a en outre soutenu que, puisqu’il n’y avait pas d’exigence réglementaire d’envoyer une lettre d’enquête, toute erreur dans le document, si tant est qu’il y en ait, était non substantielle. Il vaut mieux taire notre point de vue au sujet de cet argument.

[27] Le comité d’appel constate que la conseillère en révision a traité de ces mêmes arguments dans sa décision (paragraphes 56 à 58). Son expression « pas lieu de voir de confusion » semble indiquer que si des dates différentes avaient causé de la confusion, l’appelante avait eu amplement le temps d’éclaircir les choses. Nous estimons que la conseillère en révision avait compris et pris en compte la possibilité de confusion créée par des dates différentes, et qu’elle en est arrivée à une conclusion raisonnable.

[28] En ce qui concerne la deuxième partie de ce motif, les arguments de l’appelante au cours de l’audience en appel furent brefs. Le ministre a pour sa part prétendu que la conseillère en révision n’avait pas commis d’erreur en concluant que l’Académie avait utilisé l’aéronef C-GPWF à des fins de formation, malgré le fait qu’on l’avait avisée de ne pas le faire avant d’y être autorisée par une modification au CEUFP.

[29] Par souci d’équité, nous avons tenu compte de l’évolution des circonstances entourant cet avis de TC, à l’aide des éléments de preuve dont disposait la conseillère en révision. Peu de temps après que l’avis fut donné, TC a déterminé que l’aéronef en cause (C-GPWF) ne remplissait pas les conditions requises pour être ajouté à un CEUFP. M. Selwan a dû acheter un autre avion afin de poursuivre sa demande de modification du CEUFP. L’appareil original a été retiré du processus de demande et, bien qu’il ait été en état de navigabilité et assuré, l’Académie ne pouvait pas l’utiliser à des fins de formation. Si l’appelante croyait que l’avis de TC ne tenait plus, dû au fait que cet aéronef spécifique ne faisait plus fait l’objet du processus de demande d’une modification au CEUFP, il est important de noter que l’avis visait clairement à faire en sorte que l’Académie n’utilise aucun aéronef pour la formation des pilotes d’un type qui n’était pas précisé dans un CEUFP. Au moment de la série de vols d’entraînement effectués en février 2016, le CEUFP que détenait l’Académie précisait différents types d’aéronefs monomoteurs, mais pas de multimoteur de type PA-34-200T comme l’aéronef C-GPWF. Le comité d’appel conclut que la conseillère en révision n’a pas commis d’erreur en statuant que l’Académie n’avait pas tenu compte de l’avis de TC de ne pas utiliser l’aéronef à des fins de formation à moins qu’un CEUFP ne l’autorise à le faire.

F. Montant de la sanction pécuniaire

[30] Lors de l’audience en appel, l’appelante a demandé au comité d’appel de se pencher sur le montant de la sanction pécuniaire. Elle a argué que le montant de 7 000 $ n’était pas raisonnable compte tenu de la nature mineure de la violation. Le ministre a par ailleurs soutenu que la conseillère en révision avait déjà réduit la sanction d’un montant substantiel par rapport à l’amende initiale.

[31] Lors de l’imposition de la sanction pécuniaire initiale, TC avait évalué que celle-ci découlait d’une violation de deuxième niveau selon le barème des sanctions, en raison d’antécédents d’application de la loi (paragraphe 59). Toutefois, la conseillère en révision a conclu que le ministre n’avait démontré l’existence d’aucune violation antérieure au moyen de dates et de références au dossier public, ou alors qu’il faisait référence à une sanction qui avait par la suite été annulée par le Tribunal (paragraphe 60). Par conséquent, une référence au barème de sanctions de premier niveau semble plus appropriée. La conseillère en révision a reconnu un facteur aggravant : dans le cadre du processus de demande de modification du CEUFP, on a avisé l’appelante de ne pas utiliser l’aéronef avant que le document amendé ne soit délivré. Le comité d’appel a également examiné la nature mineure de la violation : un instructeur de vol de l’Académie a dispensé une formation à une personne qui effectuait du travail administratif à l’interne pour la compagnie. Bien que l’événement réponde effectivement à la définition réglementaire étroite d’un « service d’entraînement en vol », du fait que l’Académie a reçu une compensation indirecte, nous notons que ce service n’a jamais été annoncé ni rendu accessible au public. Nous aurions pu appliquer ce facteur atténuant pour réduire davantage la sanction, mais nous estimons que la conseillère en révision était la mieux placée pour examiner cette question de fait. La réduction de l’amende faisait partie des issues raisonnables, et la conseillère l’a justifié à l’aide de motifs cohérents. Pour ces raisons, le comité d’appel confirme la sanction pécuniaire imposée par la conseillère en révision.

[32] En raison des conditions économiques actuelles, lesquelles n’existaient pas au moment de l’audience en révision, nous avons prolongé la période normalement accordée pour le paiement de la sanction pécuniaire. Conformément au paragraphe 8.1(4) de la Loi sur l’aéronautique, le Tribunal statue que le paiement doit lui parvenir dans l’année suivant la signification de la présente décision.

Obiter dictum

[33] Le comité d’appel constate quelques effets limitatifs découlant du sous-alinéa 406.03(2)b)(iii) du RAC. Dans certains domaines spécialisés de l’entraînement en vol, un aéronef peut n’être disponible qu’auprès d’une personne qui n’est pas sans lien de dépendance avec la personne qui dispense la formation; c’est-à-dire que la personne propriétaire d’un aéronef particulier pourrait raisonnablement être la seule personne disponible et possédant les connaissances et l’expérience nécessaires pour dispenser un entraînement en vol approprié sur ce type d’aéronef ou pour ce type de formation spécialisé. Qu’il suffise par exemple de mentionner la formation de niveau avancé en vue de compétitions de voltige, l’entraînement en vol à bord d’ex-appareils militaires ou d’aéronefs anciens, ou la formation de type sur des aéronefs à haute performance. Cette exigence relative à l’absence de tout lien de dépendance n’existe pas dans le régime réglementaire des États-Unis et, par conséquent, il en résulte des domaines spécialisés d’entraînement en vol qui n’existent pas au Canada.

III. DÉCISION

[34] L’appel est rejeté. Le comité d’appel confirme la décision de la conseillère en révision voulant que le ministre des Transports ait prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante, Académie de Pilotage Internationale Inc., a contrevenu au paragraphe 406.03(1) du Règlement de l’aviation canadien.

[35] Le montant total de 7 000 $ est payable au receveur général du Canada et doit parvenir au Tribunal d’appel des transports du Canada dans l’année suivant la signification de la présente décision.

16 décembre 2020

(Original signé)

Motifs de la décision d’appel :

Arnold Olson, conseiller présidant l’audience

Y souscrivent :

Fazal Bhimji, conseiller

Dr Francis Hane, conseiller

Représentants des parties

Pour le ministre :

Eric Villemure

Pour l’appelante :

Jules Selwan

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.