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Référence : Canada (Ministre des Transports) c. Yves Généreux, 2021 TATCF 4 (appel)

No de dossier du TATC : Q-4383-33

Secteur : aéronautique

ENTRE :

Canada (Ministre des Transports), appelant

- et -

Yves Généreux, intimé

Audience tenue à :

Par vidéoconférence le 16 octobre 2020

Affaire entendue par :

Franco Pietracupa, conseiller présidant l'audience

 

Caroline Desbiens, conseillère

 

Yves Duguay, conseiller

Décision rendue le :

19 février 2021

DÉCISION ET MOTIFS À LA SUITE DE L’APPEL

Arrêt : L’appel du ministre est rejeté. Le comité d’appel confirme la décision à la suite de la révision voulant que le ministre des Transports n’ait pas établi qu’Yves Généreux a contrevenu au paragraphe 571.10(1) du Règlement de l’aviation canadien.


I. HISTORIQUE

[1] Le 4 janvier 2018, Transports Canada (TC) a délivré un avis d’amende pour contravention (avis) à Yves Généreux, lequel se lit comme suit :

[Traduction]

Le 4 février 2017, à Mascouche (Québec) ou dans les environs, vous avez signé une certification après maintenance relativement au remplacement d’une plaque frontale et de chiffres Mhz sur une unité radio RT 385 Nav/Com, N/P 46660-1100 et N/S 16318, comme l’exige l’article 605.85 du Règlement de l’aviation canadien, alors que la certification après maintenance ne satisfaisait pas aux exigences applicables prévues au paragraphe 571.10(2) du Manuel de navigabilité, plus précisément, vous avez omis de consigner sur le bon de sortie autorisée numéro 0634, que vous avez utilisé à titre de certification après maintenance à des fins de tenue de dossiers, une brève description du travail effectué et une liste des pièces de rechange installées, contrevenant ainsi au paragraphe 571.10(1) du Règlement de l’aviation canadien.

Sanction pécuniaire : 1 000,00 $

[2] L’audience en révision a eu lieu le 6 septembre 2018, à Montréal (Québec). Le 22 janvier 2019, le conseiller en révision a rendu sa décision statuant que le ministre des Transports (ministre) n’avait pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le requérant, M. Généreux, avait contrevenu au paragraphe 571.10(1) du Règlement de l’aviation canadien (RAC). Par conséquent, la sanction pécuniaire de 1 000 $ a été annulée. Le conseiller en révision a notamment conclu que la preuve établissait que M. Généreux n’avait pas remplacé la plaque frontale, mais qu’il avait plutôt inspecté la radio et qu’ainsi, le bon de sortie autorisée (bon de sortie) ne contrevenait pas au paragraphe 571.10(1) du RAC.

A. Décision à la suite de la révision rendue le 22 janvier 2019

[3] Le conseiller en révision a fondé sa décision sur les éléments énumérés dans les paragraphes qui suivent. Le conseiller a accepté le témoignage du requérant voulant que les renseignements qui apparaissent sur le bon de sortie — le document servant de certificat après maintenance à des fins de tenue de dossiers et exigé par le RAC, et à l’origine de la violation alléguée par le ministre — décrivent le travail qu’il a effectué sur la radio.

[4] Le conseiller était d’avis que le requérant n’avait remplacé aucune pièce et était convaincu qu’il avait seulement inspecté la radio, comme il l’a indiqué sur le bon de sortie, lequel a été rempli conformément à l’annexe J de la norme 571 du Manuel de navigabilité.

[5] Se fondant sur la preuve présentée à l’audience par les deux parties, le conseiller en révision a conclu que le requérant n’avait pas agi contrairement aux exigences du paragraphe 571.10(1) du Manuel de navigabilité relativement à la tenue de dossiers des certificats après maintenance.

B. Cadre juridique

[6] Les dispositions législatives et les règles applicables à la présente instance sont les suivantes : le paragraphe 7.7(1) de la Loi sur l’aéronautique, le paragraphe 571.10(1) du RAC, la norme 571 du Manuel de navigabilité qui définit la portée de l’article 571.10 du RAC, et l’annexe J de la norme 571 du Manuel de navigabilité.

[7] En appel, le ministre a évoqué les paragraphes 571.11(1) et (6) du RAC. Cependant, ces dispositions n’étaient pas mentionnées dans l’avis. En outre, et comme nous le verrons plus loin, de telles dispositions ne s’appliquent pas dans les circonstances. Toutefois, étant donné qu’elles font partie des arguments en appel, nous devons nous référer à ces dispositions qui se lisent comme suit :

571.11 Personnes habilitées à signer une certification après maintenance

571.11 (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (7), il est interdit à toute personne, sauf au titulaire d’une licence de technicien d’entretien d’aéronefs (TEA) délivrée en vertu de la partie IV et précisant la qualification propre au produit aéronautique faisant l’objet de la maintenance, de signer une certification après maintenance comme l’exige l’article 571.10.

[...]

(6) Dans le cas où une certification après maintenance est signée par une personne à l’égard de travaux exécutés par une autre personne, la personne qui signe la certification après maintenance doit elle-même observer les travaux dans la mesure nécessaire pour veiller à ce que leur exécution soit conforme aux exigences de toute norme de navigabilité applicable et, en particulier, aux exigences des articles 571.02 et 571.10.

C. Motifs d’appel

[8] À l’origine, l’appelant avait soumis trois motifs d’appel. À la suite de la conférence préparatoire du 26 août 2020, le ministre a retiré un motif tout en confirmant les deux suivants :

(a) Le conseiller du Tribunal a commis une erreur dans son interprétation de l’article 571.10 du Règlement de l’aviation canadien.

(b) Le conseiller du Tribunal a rendu une décision déraisonnable en ne tenant pas compte de toutes les pièces au dossier, soit plus particulièrement les pièces M-3, M-5 et R-1.

II. ANALYSE

A. Norme de contrôle

[9] La norme de contrôle que doit exercer un comité d’appel du Tribunal d’appel des transports du Canada (Tribunal) a été établie par la Cour fédérale dans l’arrêt Billings Family Enterprises Ltd. c. Canada (Transports), 2008 CF 17, et plus récemment réitérée dans Canada (procureur général) c. Friesen, 2017 CF 567, qui a statué que les questions de crédibilité, les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit commandent l’application de la norme de la décision raisonnable, alors que les questions de droit commandent l’application de la norme de la décision correcte.

[10] Le fondement d’une audience en appel est énoncé comme suit à l’article 14 de la Loi sur le Tribunal d’appel des transports du Canada :

14 L’appel porte au fond sur le dossier d’instance du conseiller dont la décision est contestée. Toutefois, le comité est tenu d’autoriser les observations orales et il peut, s’il l’estime indiqué pour l’appel, prendre en considération tout élément de preuve non disponible lors de l’instance.

Cela signifie essentiellement que le comité d’appel doit rendre sa décision en se fondant sur la preuve dont disposait le conseiller en révision lors de l’audience initiale, et qu’en général aucune preuve supplémentaire n’est admise. Le comité d’appel constate que, tout au long des observations des parties, celles-ci ont fait des déclarations sans qu’elles soient étayées par la preuve présentée à l’audience en révision. Par conséquent, nous ne tiendrons pas compte de ces déclarations dans notre prise de décision.

[11] Dans le cadre d’un appel, le paragraphe 8.1(3) de la Loi sur l’aéronautique prévoit que le comité d’appel peut rejeter l’appel ou y faire droit et substituer sa propre décision à celle en cause. Une telle détermination est fondée sur les principes en matière de révision énoncés ci-dessus, en fonction du contexte de la preuve présentée à l’audience et des arguments soumis au comité d’appel. Plus particulièrement, à titre de membres du comité d’appel, notre rôle est bien défini et limite spécifiquement notre analyse aux prétendues erreurs que contient la décision du conseiller en révision, c’est-à-dire les erreurs alléguées telles que présentées par l’appelant. En d’autres termes, le rôle des membres du comité d’appel n’est pas d’examiner (encore une fois) la violation dans son ensemble (l’audience en appel n’est pas une audience de novo), car il n’est pas de notre rôle d’agir en tant que conseiller en révision. En somme, le comité d’appel examinera les erreurs alléguées, telles qu’elles ont été présentées par l’appelant.

[12] Comme nous l’avons déjà mentionné, le ministre a invoqué deux motifs d’appel. Il a d’abord soutenu que le conseiller en révision avait commis une erreur dans l’interprétation du paragraphe 571.10(1) du RAC, donc une erreur de droit, en ce que le conseiller n’a pas considéré le paragraphe 571.11(6) du RAC qui prévoit que le travail peut être effectué par un autre technicien d’entretien d’aéronefs et que, dans ce cas, la certification après maintenance relative aux travaux effectués par une autre personne doit être conforme aux exigences de l’article 571.10 du Manuel de navigabilité. Aussi, lorsque la question en appel porte sur une erreur de droit, le comité d’appel applique la norme de la décision correcte. Aucune déférence n’est due à un conseiller en révision en ce qui concerne les questions de droit.

[13] Le deuxième motif d’appel repose sur le caractère déraisonnable de la décision rendue, compte tenu des témoignages entendus et de la preuve fournie lors de l’audience en révision. Le ministre a plus particulièrement soutenu que l’erreur de droit avait conduit le conseiller en révision à omettre d’importants éléments de fait présentés dans les pièces M-3, M-5 et R-1, au sujet du remplacement de la plaque frontale effectué par un employé de Cargair, des travaux qui devaient être consignés dans le bon de sortie (pièce M-3). Aussi, lorsque la question en appel porte sur une erreur mixte de fait et de droit, le comité d’appel applique la norme de la décision raisonnable. Cela signifie que dans la mesure où la décision faisant l’objet d’une révision fait partie des issues raisonnables, compte tenu de la preuve dont disposait le conseiller en révision et à la lumière de l’avis, le comité d’appel ne devrait pas intervenir.

B. Premier motif d’appel

Le conseiller en révision a commis une erreur dans l’interprétation de l’article 571.10 du RAC

[14] L’appelant a soutenu que le conseiller en révision avait commis une erreur dans son interprétation du paragraphe 571.10(1) du RAC, en ce que l’intimé n’avait pas décrit correctement le travail effectué sur l’unité radio RT 385 Nav/Com, omettant notamment d’indiquer les pièces qui avaient été remplacées par un employé de Cargair, dont il devait censément certifier le travail. Le ministre a expressément fait référence à l’annexe J de la norme 571 du Manuel de navigabilité, laquelle contient de l’information sur la façon de rédiger le bon de sortie autorisée.

[15] Le représentant du ministre a fait valoir qu’en vertu du paragraphe 571.10(1) du RAC, il n’est pas nécessaire que la personne qui a certifié les travaux soit celle qui a réellement effectué les réparations indiquées dans le bon de sortie, comme l’a admis M. Généreux. Pour justifier cet argument, le représentant s’est référé au paragraphe 571.11(6) du RAC qui, selon lui, prévoit que la personne qui signe la certification après maintenance doit s’assurer que quiconque a effectué les travaux a respecté toutes les normes réglementaires et de réparation requises, et vérifier si des pièces de rechange ont été utilisées. Par conséquent, le fait de ne pas tenir compte du paragraphe 571.11(6) du RAC constitue, de l’avis du ministre, une erreur de droit commise par le conseiller en révision dans l’application du paragraphe 571.10(1). Selon le ministre, cette erreur a conduit le conseiller à omettre d’importants éléments de fait concernant le remplacement de la plaque frontale de la radio effectué par un employé de Cargair, et qui devaient être consignés dans le bon de sortie, puisque M. Généreux aurait censément supervisé, et avait l’obligation de superviser ce travail.

[16] N’étant pas avocat, M. Généreux ne savait pas comment répondre à l’argument juridique de l’appelant, et il a simplement ajouté qu’il était heureux de constater que le ministre admettait finalement qu’il n’avait pas remplacé les pièces lui-même (contrairement à ce que le ministre prétendait lors de l’audience en révision et dans l’avis) et que son travail n’était pas d’inspecter le travail effectué par un employé de Cargair, mais plutôt de simplement inspecter la radio, comme l’indique la pièce M-3. Il a ajouté que Cargair, qui est un organisme de maintenance agréé, pouvait remplacer la plaque frontale et les chiffres (s’agissant de matériel remplaçable en première ligne) en vertu de l’article 571.04 du RAC et n’avait pas à l’embaucher à cet égard, et que c’était Cargair, et non lui, qui devait veiller à ce que la certification appropriée soit rédigée relativement au travail (remplacement des pièces) effectué par son employé. Il a poursuivi en déclarant que la preuve démontrait qu’il n’était pas présent lorsqu’un employé de Cargair a remplacé la plaque frontale, et qu’il n’aurait donc pas pu surveiller son travail. En d’autres termes, M. Généreux affirme que l’audience en révision portait sur le fait qu’il aurait lui-même remplacé la plaque frontale de la radio et qu’il n’aurait pas consigné le remplacement des pièces dans sa certification alors que l’audience en appel est maintenant étonnamment axée sur une prétendue surveillance du travail effectué par un employé de Cargair.

[17] Le comité d’appel conclut que le paragraphe 571.11(6) du RAC traite d’une violation distincte et que M. Généreux n’a pas été accusé en vertu de cette disposition. Il ne s’agit pas seulement d’un nouvel argument soulevé par le ministre, mais aussi d’une violation complètement différente en vertu de l’annexe II de la sous-partie 3 de la partie 1 du RAC. Par conséquent, le comité d’appel est d’avis que M. Généreux ne pouvait pas être déclaré coupable d’avoir contrevenu au paragraphe 571.11(6) du RAC.

[18] En ce qui concerne plus particulièrement le paragraphe 571.10(1) du RAC dont il est fait mention dans l’avis et l’obligation de s’assurer que la certification après maintenance satisfait aux exigences applicables spécifiées à l’article 571.10 du Manuel de navigabilité, ils s’adressent soit à la personne qui signe elle-même la certification après maintenance (c.-à-d. l’intimé tel qu’indiqué dans l’avis) soit à la personne qui permet à quiconque qu'elle supervise de signer une certification après maintenance. Ce deuxième aspect fait allusion à une personne qui ne signe pas la certification après maintenance, mais qui supervise le travail d’une autre personne qui signe une telle certification. Il traite de la responsabilité du fait d’autrui et couvre une situation où une personne qui, d’après l’organigramme ou l’attribution des responsabilités figurant dans un manuel approuvé, exerce un pouvoir de surveillance sur une personne qui effectue une certification après maintenance, comme l’indique la norme 571.10. En l’espèce, c’est l’intimé qui a signé la certification après maintenance, et non une autre personne. De plus, aucun élément de preuve n’a démontré que M. Généreux exerçait un pouvoir de surveillance sur une autre personne effectuant une certification après maintenance d’après l’organigramme ou l’attribution des responsabilités figurant dans le manuel approuvé de Cargair. Cette deuxième situation n’est donc pas applicable, et le ministre a commis une erreur en évoquant l’article 571.10 du RAC dans le but de couvrir le travail (remplacement de la plaque frontale) effectué par un employé de Cargair qui aurait été censément supervisé par l’intimé.

[19] C’est plutôt le paragraphe 571.11(6) du RAC qui traite de l’obligation du technicien d’entretien d’aéronefs qui supervise le travail d’un autre et signe la certification après maintenance de s’assurer que l’exécution de ce travail soit conforme à l’article 571.10 du RAC et, comme précédemment mentionné, cela ne faisait pas partie de l’avis en l’espèce ni ne faisait l’objet de l’audience en révision. Cet avis ne fait même pas référence à la supervision du travail d’une autre personne. En examinant la transcription de l’audience en révision, on peut constater que le ministre n’a pas expressément soulevé la question du paragraphe 571.11(6) du RAC, pas plus que le fait que M. Généreux supervisait le travail de l’employé de Cargair. En fait, lors de l’audience en révision, le ministre a soutenu que M. Généreux avait remplacé la plaque frontale, en se fondant sur le bon de travail 1706 (pièce M-5).

[20] Conséquemment, le ministre ne peut pas traiter d’une violation distincte en appel, et le conseiller en révision n’a pas commis d’erreur de droit en ne tenant pas compte d’une violation distincte qui n’était pas mentionnée dans l’avis ni ne faisait partie des arguments du ministre lors de l’audience en révision.

[21] Le comité d’appel constate que le ministre a même admis au cours de l’audience en révision que la surveillance d’un remplacement constituerait une violation potentielle et distincte. En particulier lorsque M. Généreux a soutenu qu’il n’était pas de sa responsabilité de surveiller le remplacement de la « plaque frontale » en déclarant, comme l’indique la pièce M-3 : « Le présent bon de sortie ne constitue pas une autorisation de montage. » Le ministre a répondu à cette allégation en affirmant :

Puis je suis d’accord avec [M. Généreux], … si Cargair décide d’installer cette radio-là, et que Transports Canada le sait, ça fera l’objet d’une autre enquête et d’une autre infraction possible. Peut-être.

[22] Par conséquent, si le ministre a initialement décidé de ne pas inculper M. Généreux en vertu du paragraphe 571.11(6) du RAC, à la suite d’une contravention relative à la supervision des travaux, ce qui constitue une violation différente, l’appel n’est pas le forum adéquat pour corriger son erreur, et le comité d’appel doit rendre sa décision et déterminer si l’interprétation du droit du conseiller en révision était correcte ou non à la lumière de l’avis et des arguments présentés durant l’audience en révision.

[23] Compte tenu de tout ce qui précède, le conseiller devait décider au cours de l’audience en révision, selon la prépondérance des probabilités, si le ministre avait prouvé que M. Généreux avait contrevenu au paragraphe 571.10(1) du RAC, en ce qu’il n’avait pas satisfait à l’obligation de décrire adéquatement le travail effectué et d’identifier toutes les pièces qu’il aurait pu remplacer sur l’unité radio RT 385 Nav/Com N/P 46660-110 et N/S 16318, à savoir en l’espèce, comme il est indiqué dans l’avis, que M. Généreux a signé une certification après maintenance relativement au remplacement présumé d’une plaque frontale.

[24] Le conseiller en révision a correctement traité de ces questions de droit aux paragraphes 6 et 25 de sa décision, dans le contexte de l’avis et des arguments qui lui ont été présentés, et le caractère raisonnable de son interprétation des faits est abordé dans la deuxième partie de la présente décision.

C. Deuxième motif d’appel

Le conseiller du Tribunal a rendu une décision déraisonnable en ne tenant pas compte de toutes les pièces au dossier, soit plus particulièrement les pièces M-03, M-05 et R-1

[25] Le représentant du ministre a déclaré au cours de l’audience en appel que, puisque M. Généreux avait la responsabilité de superviser le travail effectué par Cargair, comme le prévoit le paragraphe 571.11(6) du RAC, le conseiller en révision aurait dû tenir compte de la preuve présentée lors de l’audience en révision. Il a soutenu plus particulièrement que l’erreur de droit a fait en sorte que le conseiller avait omis de considérer d’importants éléments de faits présentés dans les pièces M-3, M-5 et R-1 concernant : 1) le remplacement de la plaque frontale effectué par un employé de Cargair qui devait être consigné dans le bon de sortie, mais ne l’était pas; et 2) le mandat de M. Généreux consistant à superviser le travail de l’employé de Cargair. Le représentant du ministre est d’avis que cette omission dans l’analyse factuelle de l’affaire dont était saisi le conseiller était déraisonnable et donc sujette à examen par notre comité d’appel.

[26] Étant donné que ce comité a statué que le paragraphe 571.11(6) du RAC ne s’applique pas compte tenu de la violation qu’aurait censément commise l’intimé, l’omission alléguée du conseiller en révision d’examiner la preuve sur le remplacement de la radio effectué par un employé de Cargair et sur le rôle de surveillance allégué de M. Généreux n’est pas pertinente en l’espèce.

[27] Subsidiairement (à titre d’obiter dictum), et puisque l’audience en appel portait sur la prétendue surveillance du travail exercée par M. Généreux et l’omission de consigner un remplacement de plaque frontale de radio dans le bon de sortie, le comité d’appel aimerait profiter de l’occasion pour souligner que le paragraphe 571.11(6) du RAC prévoit expressément que des travaux de maintenance peuvent être effectués par une personne autre que celle qui certifie ces travaux. L’intimé admet également cette possibilité. Toutefois, la personne qui effectue réellement la réparation ou les travaux doit être supervisée par le signataire autorisé, lequel doit avoir lui-même observé le travail. Si nous acceptons l’argument du ministre, ce signataire autorisé aurait été M. Généreux.

[28] Cependant, même si M. Généreux avait été accusé en vertu du paragraphe 571.11(6) du RAC, les témoignages entendus et les éléments de preuve produits lors de l’audience en révision indiquent que M. Généreux n’a exercé aucune surveillance. En outre, rien dans la preuve ne démontre qu’on s’attendait à ce qu’il supervise le travail effectué par l’un ou l’autre des employés de Cargair. Par conséquent, il appert de la preuve qu’il n’aurait pas été légalement en mesure d’exercer le type de surveillance souhaité par le ministre puisqu’il n’était pas sur place lors de l’exécution des travaux (ne pouvant donc pas observer le travail tel que le requiert le paragraphe 571.11(6) du RAC), et que cela ne faisait pas partie du mandat qui lui avait été confié. En résumé, le ministre n’a fourni aucune preuve démontrant un quelconque rôle de surveillance, comme l’a indiqué le conseiller en révision au paragraphe 35 de sa décision, ou toute relation employé-employeur (le cas échéant), et a erronément interprété le paragraphe 571.11(6) du RAC en faisant valoir que l’intimé devait superviser un tel travail et s’assurer qu’il était effectué conformément au Manuel de navigabilité même si, en l’espèce, M. Généreux n’était pas présent lors du remplacement de la plaque frontale.

[29] Bien que le ministre n’ait pas attaqué le caractère raisonnable de la décision du conseiller en révision sur les faits à la lumière de l’avis original, le comité d’appel a examiné la transcription et la décision du conseiller en révision et a conclu qu’en fait, les pièces M-3 et M-5 en particulier avaient été examinées et avaient fait l’objet de discussion quant à l’accusation appropriée visant le requérant, et que l’interprétation de la preuve par le conseiller en révision était raisonnable dans ce contexte.

[30] Dans sa plaidoirie au cours de l’audience en appel, le représentant du ministre a fait référence à la pièce M-3 susmentionnée qui indique que M. Généreux a consigné son inspection de la radio selon les spécifications du manuel du CESSNA RT 385 MM. Il a toutefois souligné que la pièce M-5 contredisait la pièce M-3, en ce sens qu’elle indiquait qu’une plaque frontale de la radio avait été endommagée puis remplacée.

[31] La décision du conseiller en révision reflétait le fait que le ministre n’avait pas réussi à prouver, selon la prépondérance des probabilités, les allégations selon lesquelles M. Généreux avait omis de faire une brève description des travaux effectués et n’avait pas inscrit sur le bon de sortie les pièces de rechange installées. En fait, au paragraphe 39 de sa décision, le conseiller a conclu que l’intimé n’avait pas réparé la radio avec des pièces de rechange et qu’à ce titre, il n’avait pas omis de rédiger une brève description des pièces remplacées.

[32] Les paragraphes 31 et 32 indiquent plus particulièrement que le ministre n’a présenté aucune preuve au Tribunal au sujet de pièces précises qui auraient été remplacées par M. Généreux ou identifiées dans les pièces M-3 ou M-5. Il ressortait clairement de la décision du conseiller, fondée sur les témoignages entendus, que le travail effectué par M. Généreux consistait à vérifier le bon fonctionnement de l’unité radio.

[33] À l’audience en révision, M. Généreux a témoigné qu’il n’avait remplacé aucune pièce de la radio et que la confusion était due à une erreur dans sa traduction en anglais du mot français « replacer » dans la pièce M-5, alors qu’il voulait dire « reposition » en anglais, et non « replace ». Cela signifie que la plaque frontale a été remise en place sur la radio par un employé de Cargair. Il a déclaré que la plaque frontale avait été repositionnée sur la radio et non remplacée par une autre pièce.

[34] Le conseiller en révision, selon sa décision écrite, a soupesé le témoignage de M. Généreux et en est venu à la conclusion qu’une mauvaise interprétation de sa part (pièce R-1) pouvait expliquer la confusion, puisque le mot « replacer » en français signifie que la même plaque frontale a été remise en place ou repositionnée sur la radio par Cargair. En fait, M. Généreux n’a installé aucune nouvelle pièce sur la radio.

[35] Le conseiller en révision a admis que les pièces M-5 et M-3 pouvaient être contradictoires (paragraphe 20 de la décision à la suite de la révision), mais a évalué leur valeur probante et statué que, selon la prépondérance des probabilités, l’information contenue dans le bon de sortie détaille fidèlement le travail effectué par M. Généreux sur l’unité radio, à savoir qu’elle a été inspectée. Il mentionne clairement dans sa décision écrite qu’il a trouvé le témoignage de M. Généreux crédible et lui a accordé le poids qu’il jugeait approprié (paragraphe 28 de la décision à la suite de la révision). Aucune pièce n’a été répertoriée, mais, à notre avis, il est raisonnable d’avoir conclu qu’aucune pièce n’avait été remplacée par M. Généreux et que son travail se limitait à vérifier l’état de fonctionnement de l’unité radio. En appel, le ministre a même admis que la plaque frontale n’avait pas été remplacée par l’intimé, confirmant ainsi l’interprétation des faits du conseiller en révision.

[36] M. Généreux aurait pu indiquer plus en détail l’information qui lui a été transmise par Cargair. Il a décidé de ne pas le faire. Sa confusion dans la traduction du français à l’anglais du terme « replacer », comme il l’a expliqué dans son affidavit présenté à l’audience en révision (pièce R-1), a amplifié le problème. Il semblerait que cette erreur de sa part n’était pas de mauvaise foi, mais constituerait plutôt une erreur de « traduction ».

[37] Nous fondant sur le dossier d’instance de l’audience en révision et sur les arguments présentés lors de l’audience en appel, nous concluons que le conseiller en révision n’a commis aucune erreur de fait ni rendu de décision déraisonnable. À notre avis, les pièces M-3, M-5 et R-1 ont été correctement évaluées et la valeur probante à accorder à ces pièces et à leurs témoignages corroborants est mieux soupesée et évaluée par le conseiller en révision dans le contexte de la violation initiale reprochée.

[38] Le comité d’appel statut que l’analyse et la conclusion du conseiller en révision à la suite de l’audience en révision étaient correctes quant à la loi applicable et raisonnables en ce qui concerne l’analyse des questions mixtes de fait et de droit, et confirme la décision à la suite de la révision voulant que le ministre des Transports n’ait pas établi qu’Yves Généreux a contrevenu au paragraphe 571.10(1) du Règlement de l’aviation canadien.

III. DÉCISION

[39] L’appel du ministre est rejeté. Le comité d’appel confirme la décision à la suite de la révision voulant que le ministre des Transports n’ait pas établi qu’Yves Généreux a contrevenu au paragraphe 571.10(1) du Règlement de l’aviation canadien.

Le 19 février 2021

(Original signé)

Motifs de la décision d’appel :

Franco Pietracupa, conseiller présidant l’audience

Y souscrivent :

Caroline Desbiens, conseillère

 

Yves Duguay, conseiller

Comparutions

Pour le ministre :

Martin Forget

Pour l'intimé :

se représentant seul

 

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