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Référence : Michel Ouellet c. Canada (Ministre des Transports), 2021 TATCF 3 (appel)

No de dossier du TATC : Q-4350-27

Secteur : aéronautique

ENTRE :

Michel Ouellet, appelant

- et -

Canada (Ministre des Transports), intimé

Audience :

Par observations écrites le 15 octobre 2020, le 12 novembre 2020 et le 11 décembre 2020

Affaire entendue par :

Patrick Vermette, conseiller présidant l'audience

 

Franco Pietracupa, conseiller

 

Andrew Wilson, conseiller

Décision rendue le :

10 février 2021

DÉCISION ET MOTIFS À LA SUITE DE L’APPEL

Arrêt : L’appel est rejeté. La décision en révision de la conseillère du Tribunal, à savoir que le ministre des Transports avait raisonnablement interprété et appliqué les conditions de délivrance du document d’aviation canadien pour la qualification d’un instructeur de vol de classe 3 et avait démontré, selon la prépondérance des probabilités, que Michel Ouellet ne répondait pas à ces conditions, est confirmée.


I. CONTEXTE

[1] Le 12 septembre 2017, le ministre des Transports (ministre) a transmis à l’appelant, Michel Ouellet, un avis de refus de délivrer ou de modifier un document d’aviation canadien (avis) en vertu de l’alinéa 6.71(1)b) de la Loi sur l’aéronautique (Loi). Aux termes de l’appendice A de l’avis, le ministre a indiqué que les conditions de délivrance n’étaient pas respectées citant la norme du Règlement de l’aviation canadien (RAC) quant aux compétences requises et indiquant que le dossier soumis démontrait qu’aucun des trois élèves présentés dans la demande de qualification d’instructeur de vol de classe 3 ne possédait les compétences au test en vol.

[2] En septembre 2017, l’appelant a écrit à l’agente des opérations aériennes de l’Aviation civile auprès de Transports Canada que le RAC n’exigeait pas que les candidats réussissent leur test en vol au premier essai. Il a souligné que les trois élèves ont obtenu leur licence suite à un test en vol additionnel et demandé au ministre de réviser sa décision. Le 12 septembre 2017, l’appelant a écrit au Tribunal d’appel des transports du Canada (Tribunal) afin de contester la décision du ministre.

[3] L’audience en révision a eu lieu à Montréal, au Québec, le 20 février 2018. Une décision a été rendue le 4 octobre 2018. Dans cette décision, la conseillère a confirmé la décision du ministre. Elle a déterminé que le ministre avait raisonnablement interprété et appliqué les conditions de délivrance du document d’aviation canadien pour la qualification d’un instructeur de vol de classe 3 et avait démontré, selon la prépondérance des probabilités, que M. Ouellet ne répondait pas à ces conditions.

[4] M. Ouellet a déposé un avis d’appel auprès du Tribunal le 1er novembre 2018. À la demande du Tribunal, M. Ouellet a précisé ses motifs d’appel par écrit le 7 novembre 2018.

[5] Le dossier a procédé par le biais d’une audience par soumissions écrites. Le conseiller du Tribunal présidant l’audience en appel a tenu une conférence de gestion par téléphone avec les parties le 2 septembre 2020 afin de confirmer les motifs d’appel de l’appelant et l’ordre des procédures. L’appelant a soumis ses observations écrites le 15 octobre 2020. L’intimé a déposé une réponse le 12 novembre 2020 et l’appelant a soumis une réplique finale le 11 décembre 2020.

[6] L’alinéa 7.2(3)a) de la Loi prévoit que le comité d’appel peut rejeter l’appel ou renvoyer l’affaire au ministre pour réexamen.

II. MOTIFS D’APPEL

[7] Les motifs d’appel soulevés par l’appelant se résument comme suit :

  1. la conseillère a erré en accordant un poids au témoignage d’un témoin du ministre, Pierre-Laurent Samson, portant sur une directive nationale exigeant que les compétences et connaissances nécessaires au test en vol complet doivent être acquises d’un seul essai au sens de la norme 421.70(4)a)(ii) du RAC, alors qu’aucune preuve n’a été présentée au sujet de cette directive nationale à l’audience en révision, et
  2. la conseillère a erré en accordant un poids au témoignage de M. Samson portant sur l’impact de cette directive nationale sur la sécurité alors qu’aucune preuve n’a été présentée à ce sujet à l’audience.

III. NORME DE CONTRôle

[8] La norme de contrôle appropriée applicable au comité d’appel du Tribunal a été établie par la Cour fédérale dans l’affaire Billings Family Enterprises Ltd. c. Canada (Ministre des Transports), 2008 CF 17, et plus récemment dans Canada (Procureur général) c. Friesen, 2017 CF 567. La norme de la décision raisonnable s’applique aux conclusions relatives à la crédibilité, aux conclusions de fait, et aux conclusions mixtes de fait et droit, et en ces matières un comité d’appel doit faire preuve d’une déférence considérable à l’égard du conseiller en révision. En ce qui concerne les questions de droit, la norme est celle de la décision correcte, auquel cas un comité d’appel a droit à sa propre interprétation du droit.

[9] L’analyse du comité d’appel doit inclure les motifs et les conclusions de la conseillère en révision en tranchant sur les motifs d’appel.

[10] Les deux motifs d’appel portent sur le poids accordé par la conseillère au témoignage d’un témoin portant sur la preuve présentée à l’audience en révision, à savoir au sujet d’une directive nationale et de son impact sur la sécurité. La norme de la décision raisonnable s’applique aux deux motifs d’appel.

IV. ANALYSE

A. Premier motif d’appel

[11] Malgré le libellé de son premier motif d’appel, l’appelant reconnaît dans ses soumissions écrites qu’une directive nationale sur l’interprétation de la norme 421.70(4)a)(ii) du RAC existait au moment de sa demande de qualification d’instructeur de vol de classe 3.

[12] Il soutient cependant que la conseillère n’a pas considéré toute la preuve présentée au sujet de la directive et que cette dernière est de nature discriminatoire envers les instructeurs de vol de classe 4, car l’interprétation faite de la norme du RAC omet de considérer des éléments importants qui devraient être pris en compte pour appliquer la norme correctement.

[13] L’appelant réitère les arguments présentés lors de l’audience en révision en support à sa demande d’obtenir une qualification d’instructeur de vol de classe 3. Il soutient que la signature de l’instructeur superviseur de classe 1 sur la « demande d’annotation d’instructeur, classe 3 » (pièce M-2) et que les tests en vol réussis au final par les trois élèves, malgré avoir chacun échoué au premier essai, remplissent les conditions de la norme 421.70(4)a)(ii) qui exige que l’instructeur ait recommandé trois élèves ayant les compétences et les connaissances nécessaires au test en vol en vue de la délivrance d’un permis ou d’une licence.

Conclusions du comité d’appel

[14] Le dossier de preuve de l’audience en révision contient la directive nationale à laquelle l’appelant fait référence dans son premier motif d’appel (pièce M-10). Le comité d’appel est d’avis que la conseillère a accordé un poids raisonnable au témoignage de M. Samson portant sur l’interprétation faite de la norme 421.70(4)a)(ii) du RAC dans cette directive nationale qui exige que les compétences et connaissances nécessaires au test en vol complet doivent être acquises d’un seul essai.

[15] La directive nationale contient l’interprétation de la norme faite par le ministre. Dans sa décision, la conseillère a évalué cette interprétation en examinant le sens et le contexte de la norme 421.70(4)a)(ii) du RAC avant de trancher sur la divergence d’opinions qui existe entre les deux parties au sujet du test en vol requis par la norme.

[16] La conseillère a conclu à partir du paragraphe 79 de sa décision qu’il n’existe qu’un seul type de test en vol en vue de la délivrance d’une licence, soit le test en vol complet, et que ces compétences et connaissances nécessaires au test en vol complet doivent être acquises d’un seul essai au sens de la norme 421.70(4)a)(ii) du RAC.

[17] Nous sommes d’avis que cette conclusion tirée par la conseillère sur l’interprétation de la norme 421.70(4)a)(ii) du RAC est raisonnable et bien ancrée dans le cadre règlementaire applicable et le dossier de preuve présenté à l’audience. Elle retient avec raison les témoignages des deux témoins du ministre sur l’interprétation historique faite de la norme et indiquée dans la directive nationale.

[18] La norme 421.70(4) du RAC prévoit que l’instructeur de vol de classe 4 peut obtenir une qualification de classe 3 sur la base des compétences et connaissances nécessaires au test en vol de trois élèves. L’instructeur n’a pas à subir un test en vol pour obtenir la qualification d’instructeur de classe 3 pourvu qu’il satisfasse aux conditions de l’alinéa 421.70(4)a) qui exige entre autres que l’instructeur ait recommandé au moins trois élèves qui ont démontré qu’ils possédaient les compétences et connaissances nécessaires au test en vol en vue de la délivrance d’un permis ou d’une licence.

[19] À la lumière de l’examen de ce cadre règlementaire, il nous paraît raisonnable de conclure, comme l’a fait la conseillère, que l’interprétation de la norme voulant que les tests en vol des élèves soient réussis d’un seul essai soit la meilleure interprétation à fournir à cette norme. Ces tests en vol réussis d’un seul essai servent à démontrer les compétences de l’instructeur à qui on accorde maintenant une confiance accrue en lui octroyant une qualification supérieure sur demande. Ce cadre confirme les compétences et connaissances des élèves sur la base de la recommandation de l’instructeur et de la démonstration faite par l’élève de ses compétences à l’examinateur du test en vol.

[20] Quant au sens à donner à la signature de l’instructeur superviseur de classe 1 sur la « demande d’annotation d’instructeur, classe 3 » (pièce M-2), nous sommes d’accord avec la conclusion de la conseillère que la signature de l’instructeur surveillant sur la demande ne vise qu’à certifier que le demandeur a accumulé 100 heures d’instructeur en vol en double commande en vue de la délivrance d’un permis ou d’une licence de pilote et à qualifier la catégorie d’aéronef visée tel qu’il appert du texte de la certification sur la demande (paragraphe 31 de la décision).

[21] Aux paragraphes 84 et 85 de sa décision, la conseillère conclut, après avoir examiné le contenu et l’application de la directive en vigueur au moment du dépôt de la demande de qualification de classe 3, qu’aucune preuve fiable n’a été présentée par l’appelant supportant l’allégation faite qu’il soit victime d’un traitement discriminatoire et que le ministre aurait agi de façon abusive à son égard.

[22] Nous sommes d’accord avec la conseillère que le ministre n’avait pas à prévoir une période transitoire pour l’entrée en vigueur de la directive visant à réaffirmer l’interprétation à donner à la norme applicable à la demande de qualification d’instructeur de classe 3 au sujet des compétences et connaissances des élèves recommandés. Nous sommes aussi d’accord avec la conseillère que l’appelant n’a pas démontré comment cette directive mène à un traitement discriminatoire à son égard. L’application d’une interprétation raisonnable de la norme n’équivaut pas à un traitement discriminatoire ou à un abus de pouvoir du ministre envers l’appelant ou les instructeurs de classe 4.

[23] En conséquence, l’appel est rejeté relativement au premier motif d’appel.

B. Deuxième motif d’appel

[24] Dans ses soumissions écrites, l’appelant n’offre aucune observation au sujet de son deuxième motif d’appel. Le comité d’appel considère donc que ce motif d’appel est abandonné.

[25] En conséquence, l’appel est rejeté relativement au deuxième motif d’appel.

V. DÉCISION

[26] L’appel est rejeté. La décision en révision de la conseillère du Tribunal, à savoir que le ministre des Transports avait raisonnablement interprété et appliqué les conditions de délivrance du document d’aviation canadien pour la qualification d’un instructeur de vol de classe 3 et avait démontré, selon la prépondérance des probabilités, que Michel Ouellet ne répondait pas à ces conditions, est confirmée.

Le 10 février 2021

(Original signé)

Motifs de la décision d’appel :

Patrick Vermette, conseiller présidant l’audience

Y souscrivent :

Franco Pietracupa, conseiller

 

Andrew Wilson, conseiller

Comparutions

Pour le ministre :

Martin Forget

Pour l'appelant :

se représentant seul

 

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