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Référence : Porter Airlines Inc. c. Office des transports du Canada, 2021 TATCF 10 (révision)

No de dossier du TATC : O-4550-80

Secteur : aéronautique

ENTRE :

Porter Airlines Inc., requérante

- et -

Office des transports du Canada, intimé

[Traduction française officielle]

Audience :

Par vidéoconférence le 23 mars 2021

Affaire entendue par :

Jennifer Webster, conseillère

Décision rendue le :

29 avril 2021

DÉCISION ET MOTIFS À LA SUITE D’UNE RÉVISION

Arrêt : L’Office des transports du Canada n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que la requérante, Porter Airlines Inc., a contrevenu au paragraphe 7(1) du Règlement sur la protection des passagers aériens relativement à l’exploitation d’un vol en provenance de l’aéroport international Stanfield d’Halifax le ou vers le 22 juillet 2019.

Le Tribunal annule la sanction pécuniaire de 2 500 $ imposée à Porter Airlines Inc. à la suite de cette prétendue contravention.


I. HISTORIQUE

[1] Le 27 août 2019, l’Office des transports du Canada (Office) a délivré un procès-verbal à Porter Airlines Inc. (Porter), en vertu de l’article 180 de la Loi sur les transports au Canada (Loi), alléguant que la compagnie avait contrevenu au paragraphe 7(1) du Règlement sur la protection des passagers aériens (règlement).

[2] Le procès-verbal indiquait (en partie) que :

  1. Le ou vers le 22 juillet 2019, à l’aéroport international Stanfield d’Halifax, Porter Airlines Inc. a exploité un vol en provenance d’Halifax (Nouvelle-Écosse) Canada sans afficher aux guichets libre-service, un avis présentant d’une manière visible le texte règlementaire; elle a ainsi contrevenu au paragraphe 7(1) du Règlement sur la protection des passagers aériens. 2500$
  2. Le ou vers le 7 août 2019, à l’aéroport international Jean-Lesage de Québec, Porter Airlines Inc. a exploité un vol en provenance de Québec (Québec) Canada, sans afficher aux comptoirs d’enregistrement, un avis présentant d’une manière visible le texte règlementaire; elle a ainsi contrevenu au paragraphe 7(1) du Règlement sur la protection des passagers aériens. 2500$
  3. Le ou vers le 7 août 2019, à l’aéroport international Jean-Lesage de Québec, Porter Airlines Inc. a exploité un vol en provenance de Québec (Québec) Canada sans afficher à la porte d’embarquement, un avis présentant d’une manière visible le texte règlementaire; elle a ainsi contrevenu au paragraphe 7(1) du Règlement sur la protection des passagers aériens. 2500$

[3] Le 27 septembre 2019, Porter a demandé la révision de ce procès-verbal auprès du Tribunal d’appel des transports du Canada (Tribunal), confirmant par ailleurs qu’elle ne désirait pas contester les violations décrites aux paragraphes B) et C) du procès-verbal. La requérante a réitéré cette même position au début de l’audience en révision, et les parties ont convenu que seule la contravention A) ferait l’objet d’une révision.

II. ANALYSE

A. Cadre juridique

[4] L’Office a fondé sa décision sur l’article 180 de la Loi, laquelle prévoit que l’Office peut dresser un procès-verbal (et imposer une sanction) si un agent verbalisateur croit qu’une personne a contrevenu à un texte désigné.

[5] En l’espèce, le texte désigné est le paragraphe 7(1) du Règlement sur la protection des passagers aériens. Au moment de la violation alléguée, la disposition indiquait en partie que :

7 (1) Le transporteur qui exploite un vol en provenance ou à destination d’un aéroport au Canada affiche au comptoir d’enregistrement, aux bornes libre-service et à la porte d’embarquement un avis présentant d’une manière visible le texte suivant :

« Si l’embarquement vous est refusé ou si vos bagages sont perdus ou endommagés, vous pourriez avoir droit au titre du Règlement sur la protection des passagers aériens, à certains avantages au titre des normes de traitement applicables et à une indemnité. Pour de plus amples renseignements sur vos droits, veuillez communiquer avec votre transporteur aérien ou visiter le site Web de l’Office des transports du Canada.

[…]

[6] Le paragraphe 180.3(4) de la Loi dispose qu’il incombe à l’Office de prouver que Porter a contrevenu au paragraphe 7(1) du règlement. Afin de s’acquitter du fardeau de la preuve, l’Office doit établir qu’il est plus probable qu’improbable que Porter n’a pas affiché l’avis requis aux guichets libre-service de l’aéroport international Stanfield d’Halifax (aéroport d’Halifax).

B. Porter a-t-elle contrevenu au paragraphe 7(1) du règlement dans le cadre de ses activités à l’aéroport d’Halifax le ou vers le 22 juillet 2019?

[7] L’Office a déclaré que Porter avait omis d’afficher l’avis requis aux guichets libre-service de l’aéroport d’Halifax, s’appuyant pour ce faire sur une preuve directe, soit les observations personnelles de Mme Maria LeBlanc, agente verbalisatrice désignée à l’Office, au cours d’une inspection qu’elle avait effectuée à l’aéroport.

[8] Porter a soutenu que l’Office n’avait pas réussi à prouver la violation, car il n’avait pas présenté de photo de l’écran de bienvenue de Porter pour montrer que l’avis n’y apparaissait pas.

[9] Dès le début de l’audience, Porter a stipulé qu’elle était un transporteur et qu’elle avait exploité des vols en provenance de l’aéroport d’Halifax le ou vers le 22 juillet 2019. En raison de ces admissions, l’Office n’a pas présenté de preuve quant à ces éléments de la violation alléguée, et le Tribunal conclut qu’ils ont été prouvés.

[10] Mme LeBlanc a affirmé qu’elle s’était rendue à l’aéroport d’Halifax le 22 juillet 2019 afin d’y effectuer une inspection visant à vérifier la conformité des transporteurs aériens à l’article 7 du règlement. Elle a rempli un rapport d’inspection fondé sur ses observations faites à l’aéroport (pièce C-1 de l’Office). Dans son rapport, elle a indiqué qu’elle avait inspecté deux kiosques liés aux activités de Porter et qu’elle avait conclu que la compagnie n’avait pas respecté les exigences du paragraphe 7(1), du fait que l’avis requis n’était pas visible « sur ou depuis les bornes libre-service ». Elle a également noté dans son rapport qu’un suivi était nécessaire, précisant que l’« AVD doit retourner à l’aéroport et s’assurer de la conformité en août. » Malgré cette note au sujet d’un suivi, Mme LeBlanc a confirmé en contre-interrogatoire qu’elle n’avait pris aucune mesure de suivi après son inspection de juillet 2019.

[11] Le rapport d’inspection comprenait cinq photographies prises par Mme LeBlanc. Les deux premières photos montraient les guichets libre-service, alors que l’écran principal de chacun était visible. L’écran principal était titré « Aéroport international Stanfield d’Halifax » et affichait la directive suivante : « Please select your airline / Choisissez votre ligne aérienne ». Il y avait quatre options de compagnies aériennes sous le titre de l’écran principal, soit Air Canada, Porter, Air Transat et WestJet. Les photos des guichets libre-service étaient accompagnées d’une zone texte dans laquelle Mme LeBlanc avait écrit : « Les deux seuls kiosques sur lesquels on a trouvé Porter. L’avis n’était pas visible. »

[12] Les autres photos jointes au rapport de Mme LeBlanc démontraient que Porter se conformait au paragraphe 7(1) en affichant de manière visible le texte requis au comptoir d’enregistrement et à la porte d’embarquement.

[13] Mme LeBlanc a affirmé qu’elle avait effectué son inspection à la fois visuellement et manuellement. Pour la partie manuelle de l’inspection, elle a déclaré avoir sélectionné l’icône de chaque transporteur à chaque guichet libre-service de l’aéroport. Elle a soutenu que seulement deux des bornes libre-service étaient identifiées comme étant liées à Porter. Selon son témoignage, elle n’a pas vu l’avis requis sur ces deux bornes libre-service ou près de celles-ci. Elle a noté le fait que l’avis était absent, et a pris les deux photos des guichets qu’elle a jointes à son rapport.

[14] Bien que Mme LeBlanc ait précisé dans son témoignage qu’une autre page s’était ouverte lorsqu’elle avait sélectionné l’icône de Porter, elle a confirmé en contre-interrogatoire ne pas avoir pris de photo de cette page aux fins de son rapport. Lorsque le représentant de Porter lui a montré l’écran de bienvenue (pièce 2 de la requérante), Mme LeBlanc a convenu que cet écran pouvait être celui qu’elle avait vu précédemment, mais a indiqué qu’elle n’en était pas certaine du fait qu’elle avait regardé des centaines de guichets à travers le Canada. Elle se souvenait que tous les écrans des transporteurs aériens ressemblaient généralement à l’écran de bienvenue de Porter.

[15] Porter a soutenu que, même si elle n’avait pas le fardeau de prouver sa conformité, elle avait confirmé, par sa preuve, que le texte requis avait été inclus à l’écran de bienvenue des guichets à l’aéroport d’Halifax.

[16] Mme Deanna Stacey a témoigné au nom de Porter. Mme Stacey est vice-présidente de la fidélisation numérique et de la prestation de solutions chez Porter. À ce titre, elle était responsable de la direction et de la gestion de la mise en œuvre des exigences du règlement relativement au site Web de Porter, aux guichets libre-service et à tous les aspects de l’expérience passager. Elle a expliqué que Porter utilisait des bornes libre-service dans les aéroports situés à Halifax, Montréal et Ottawa. Ces guichets sont administrés par les autorités aéroportuaires et Porter n’a le contrôle du contenu qui y apparaît qu’après qu’un utilisateur eut sélectionné Porter sur l’écran principal d’un guichet.

[17] Mme Stacey a identifié un bon de travail provenant du système interne de Porter qui indiquait qu’en date du 11 juillet 2019, la compagnie avait effectué la mise à niveau du logiciel afin d’ajouter l’avis requis par le paragraphe 7(1) du règlement à toutes les bornes (pièce 4 de la requérante). Elle a également identifié une capture d’écran de l’écran de bienvenue de Porter qui montrait la modification comprenant l’avis requis dans la partie inférieure de l’écran (pièce 3 de la requérante).

[18] Mme Stacey a déclaré qu’elle avait pris connaissance du procès-verbal le 27 août 2019, après quoi elle avait communiqué avec M. David Hill, un analyste de son unité, lui demandant d’effectuer un suivi auprès du chef d’escale de l’aéroport d’Halifax concernant le texte requis sur les bornes. Mme Stacey a déposé en preuve un fil de courriel relatant les échanges entre M. Hill et le chef d’escale (pièce 1 de la requérante). Ce fil de courriel contient une réponse du chef d’escale dans laquelle il explique à M. Hill qu’il y avait eu des problèmes techniques avec les guichets et que la plupart des passagers avaient utilisé le comptoir d’enregistrement. Le chef d’escale a également fourni une photo prise le 27 août 2019, laquelle montrait que l’avis requis par le paragraphe 7(1) du règlement apparaissait au bas de l’écran de bienvenue de Porter. Mme Stacey a confirmé que Porter n’avait apporté aucune modification au contenu du logiciel du guichet entre le 11 juillet 2019 et le 27 août 2019.

[19] Selon l’Office, la plupart des éléments de preuve présentés par Porter constituaient du ouï-dire. L’Office a soutenu que le Tribunal devrait accorder un poids limité à la preuve directe de Porter qu’est la photo du 27 août 2019, car celle-ci avait été prise des semaines après la date à laquelle Mme LeBlanc avait identifié la non-conformité.

[20] Le Tribunal conclut que l’Office ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir la survenance de la contravention. La preuve voulant que Porter n’ait pas affiché le texte requis ne reposait que sur le témoignage de Mme LeBlanc, laquelle a déclaré avoir sélectionné l’icône de Porter sur le guichet, puis ne pas avoir vu le texte sur l’écran de bienvenue de Porter. Le Tribunal constate qu’elle n’a pas inclus cette description au sujet de l’écran de bienvenue lors de l’identification de la contravention alléguée dans son rapport d’inspection, et ce, que ce soit en mots ou en photos. Elle a décrit la non-conformité du guichet libre-service en disant qu’il n’y avait « [a]ucun avis visible sur ou depuis les bornes libre-service », sans parler de l’écran de bienvenue de Porter. En outre, elle a pris deux photos des guichets libre-service qu’elle a incluses dans son rapport. Puis, elle a ajouté la légende suivante aux deux photos : « Les deux seuls kiosques sur lesquels on a trouvé Porter. L’avis n’était pas visible. »

[21] La contravention alléguée découle du défaut de Porter d’inclure l’avis requis aux guichets libre-service. Le rapport et les photos de Mme LeBlanc indiquaient que l’avis requis n’était pas visible aux bornes libre-service et que, par conséquent, Porter avait contrevenu au paragraphe 7(1) du règlement. Son rapport et ses photos n’ont toutefois pas permis de déterminer que l’avis n’apparaissait pas aux écrans électroniques accessibles au guichet au moyen du menu de Porter. Elle n’a pas pris de photo de l’écran de bienvenue de Porter pour montrer l’absence du texte requis, pas plus qu’elle n’a expliqué pourquoi elle n’avait pas pris de photo pour attester de la non-conformité. Son omission de fournir une photo de l’écran de bienvenue mine la fiabilité de son témoignage au sujet de la non-conformité aux guichets, particulièrement du fait qu’elle a documenté avec diligence la preuve de la conformité de Porter en photographiant l’avis affiché autant au comptoir d’enregistrement qu’à la porte d’embarquement.

[22] Aussi, le témoignage de Mme LeBlanc au sujet du contenu de l’écran de bienvenue de Porter était général et vague. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas un souvenir précis de l’écran de bienvenue de Porter, car elle avait vu des centaines d’écrans de guichet alors qu’elle effectuait des inspections liées au respect du paragraphe 7(1) du règlement. Lorsque le représentant de Porter lui a montré l’écran de bienvenue contenant le texte requis, elle a convenu que l’écran pouvait être celui qu’elle avait vu auparavant, mais a ajouté qu’elle n’en était pas certaine.

[23] Dans son rapport contemporain de l’inspection, Mme LeBlanc n’a pas indiqué que Porter avait contrevenu au paragraphe 7(1) en omettant d’inclure le texte électroniquement dans le guichet. Elle a plutôt lié la contravention au fait que l’avis n’était pas visible, sans jamais parler de l’écran de bienvenue. Bien que le paragraphe 7(1) du règlement exige que le texte soit visible, Mme Simona Sasova, gestionnaire de l’application de la loi de l’Office, a confirmé en contre-interrogatoire [1] qu’un transporteur pouvait se conformer au paragraphe 7(1) en incluant le texte requis par voie électronique. Elle a également confirmé que les photos des bornes libre-service incluses dans le rapport de Mme LeBlanc ne démontraient ni la conformité ni la non-conformité de Porter.

[24] Le Tribunal est d’avis que la preuve présentée par l’Office n’a pas permis d’établir que Porter ne s’était pas conformé au paragraphe7(1), à ses guichets libre-service. Le témoignage de Mme LeBlanc selon lequel le contenu de l’écran de bienvenue de Porter n’était pas conforme n’est pas fiable, car elle n’a pas fait état de l’écran de bienvenue au moyen de photos ou d’une description dans son rapport. Elle n’a pas non plus de souvenir précis d’avoir vu l’écran de bienvenue de Porter. Mme LeBlanc aurait dû prendre deux autres photos, soit celles de l’écran de bienvenue de chaque guichet, afin d’illustrer le fait que le texte que requiert le paragraphe 7(1) y était manquant. En l’absence de telles photos ou de toute description de l’écran de bienvenue de Porter dans le rapport d’inspection, le Tribunal ne peut reconnaître que l’Office a établi la survenance de la contravention.

[25] Le Tribunal a déterminé que l’Office ne s’était pas acquitté de son fardeau de preuve. Compte tenu de cette conclusion, le Tribunal n’a pas tenu compte du témoignage de la requérante dans sa prise de décision en l’espèce.

[26] Le Tribunal conclut que la preuve présentée par l’Office ne permet pas d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que Porter a omis d’afficher à ses bornes libre-service de l’aéroport d’Halifax, et de manière visible, le texte requis par le paragraphe 7(1) du règlement.

III. DÉCISION

[27] L’Office des transports du Canada n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que la requérante, Porter Airlines Inc., a contrevenu au paragraphe 7(1) du Règlement sur la protection des passagers aériens relativement à l’exploitation d’un vol en provenance de l’aéroport international Stanfield d’Halifax le ou vers le 22 juillet 2019.

[28] Le Tribunal annule la sanction pécuniaire de 2 500 $ imposée à Porter Airlines Inc. à la suite de cette prétendue contravention.

Le 29 avril 2021

(Original signé)

Jennifer Webster

Conseillère

Représentants des parties

Pour l’Office :

Karine Matte

Pour la requérante :

Greg Sheahan

 



[1] Le témoignage principal de Mme Sasova portait surtout sur l’évaluation de la sanction et ne fait pas l’objet de discussion en l’espèce puisque le Tribunal a conclu que l’Office n’avait pas réussi à prouver la survenance de la contravention.

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