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Référence : Kieth Holmes c. Canada (Ministre des Transports), 2021 TATCF 13 (révision)

No de dossier du TATC : P-4546-68

Secteur : aéronautique

ENTRE :

Kieth Holmes, requérant

- et -

Canada (Ministre des Transports), intimé

[Traduction française officielle]

Audience :

Par vidéoconférence le 17 mars 2021

Affaire entendue par :

Jonathan Dueck, conseiller

Décision rendue le :

12 mai 2021

DÉCISION ET MOTIFS À LA SUITE D’UNE RÉVISION

Arrêt : Le ministre des Transports a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le requérant, Kieth Holmes, ne répond pas aux conditions de délivrance d’un document d’aviation canadien, en vertu de l’alinéa 6.71(1)b) de la Loi sur l’aéronautique.

 


I. HISTORIQUE

[1] Dans un avis de refus de délivrer ou de modifier un document d’aviation canadien daté du 28 août 2019, le ministre des Transports (ministre) informait M. Kieth Holmes qu’il avait refusé de lui délivrer un contrôle de compétence pilote (CCP) sur un aéronef B73C, en vertu de l’alinéa 6.71(1)b) de la Loi sur l’aéronautique.

[2] L’annexe A de l’avis indique que la décision du ministre était fondée sur les motifs suivants :

Au cours du test en vol effectué le 18 août 2019, vous avez démontré que vous ne satisfassiez pas à la norme de compétence requise dans le cadre d’un contrôle de compétence pilote (CCP). Conformément au TP14727 – VÉRIFICATION DE COMPÉTENCE PILOTE ET QUALIFICATION DE TYPE D’AÉRONEF – Guide de test en vol (Avions), Première édition (révision 1), votre tentative d’obtenir un CCP a été évaluée comme étant un ÉCHEC en raison d’un respect inacceptable des SOP, règles et règlements relativement aux compétences et connaissances techniques, tel qu’il est décrit dans le rapport du test en vol ci-joint.

[3] Le rapport du test en vol joint à l’avis (pièce M-7) indique que M. Holmes s’est vu attribuer la note de 2 à l’élément 10 – Croisière et à l’élément 13 – Attente, ainsi qu’une note de 1 à l’élément 16 – RNAV.

[4] Dans une lettre parvenue au Tribunal d’appel des transports du Canada (Tribunal) le 19 septembre 2019, M. Holmes demandait au Tribunal de réviser la décision du ministre.

[5] Le 22 février 2021, le Tribunal informait les parties que l’audience en révision par vidéoconférence était fixée au 17 mars 2021.

[6] Le lendemain, soit le 18 mars 2021, puis dans le cadre d’autres observations en date du 25 mars 2021, M. Holmes a demandé au Tribunal de lui permettre de déposer de nouvelles preuves ou de rouvrir l’audience. Le Tribunal a rejeté cette demande dans la décision interlocutoire Kieth Holmes c. Canada (Ministre des Transports), 2021 TATCF 11 (décision interlocutoire) rendue le 29 avril 2021.

II. ANALYSE

A. Cadre juridique

[7] Le ministre a fondé sa décision sur l’alinéa 6.71(1)b) de la Loi sur l’aéronautique, qui dispose que :

6.71 (1) Le ministre peut refuser de délivrer ou de modifier un document d’aviation canadien pour l’un des motifs suivants :

[…]

b) le demandeur ou l’aéronef, l’aérodrome, l’aéroport ou autre installation que vise la demande ne répond pas aux conditions de délivrance ou de modification du document;

[…]

B. La décision de refuser de délivrer le CCP était-elle raisonnable?

[8] Selon le ministre, le requérant a échoué à trois exercices pendant le test en vol du CCP. Le représentant du ministre a appelé un témoin à la barre, M. David Rodger, un pilote vérificateur agréé (PVA) employé par WestJet, lequel a dirigé le CCP en cause. M. Rodger est autorisé à effectuer des contrôles de compétence pilote à bord d’un B737 (pièce M-1).

[9] Le requérant, M. Kieth Holmes, se représentait lui-même. M. Holmes n’était pas bien concentré lors de son témoignage, et n’a pas été clair au sujet des trois éléments litigieux du test en vol. Par ailleurs, autant au cours de son témoignage que durant sa plaidoirie, M. Holmes a exprimé son mécontentement quant à la façon subjective dont M. Rodger l’avait noté pendant le CCP.

Vue d’ensemble du CCP

[10] Le représentant du ministre a déclaré que le simulateur utilisé pour ce CCP avait été correctement entretenu et remis en service (pièce M-2). Cette affirmation n’a pas été contestée par le requérant.

[11] Le scénario R2A de vol de vérification périodique sur le B737 (CdB – P/O) (pièce M-4) qui été utilisé pour le CCP était valide pour la période du 1er juillet 2019 au 31 décembre 2019. M. Rodger a déclaré que les scénarios de CCP étaient élaborés par WestJet, puis approuvés par Transports Canada (TC).

[12] Le rapport du test en vol rédigé par M. Rodger indique que M. Holmes a reçu un 2 à l’élément 10 – Croisière et à l’élément 13 – Attente, ainsi qu’un 1 à l’élément 16 – RNAV. Ces éléments seront abordés individuellement ci-dessous.

[13] M. Rodger a fait valoir que les notes du PVA (pièce M-6) avaient été prises à la main pendant le CCP, puis dactylographiées (pour une question de lisibilité) plusieurs jours après l’événement. Les notes du PVA comprenaient des énoncés tels que « [t]out était précipité » et « [a]bsence de GRE ». M. Holmes s’est élevé contre le fait qu’il n’avait reçu une copie des notes du PVA qu’au moment de la divulgation de la preuve du ministre, et que ces notes étaient dactylographiées, et non manuscrites, ce qui donnait à penser qu’elles avaient été compilées longtemps après le CCP. Le Tribunal conclut que le PVA avait rédigé ses notes puis les avait remises au requérant de manière appropriée.

[14] M. Rodger a affirmé que l’équipage avait reçu des instructions conformément aux exigences minimales relatives à l’exposé avant vol (pièce M-5), ajoutant qu’on lui avait dit de ne pas se précipiter, mais de prendre son temps. Le témoin a toutefois déclaré qu’il semblait que ces instructions aient échappé à M. Holmes. Dès le début, tout était précipité.

[15] M. Rodger a soutenu que M. Holmes n’avait pas tenté de créer une atmosphère de coopération ou de travail d’équipe. Il s’est montré très brusque et méprisant à l’endroit du copilote au point où il lui est apparu évident, ainsi qu’au copilote, que l’apport de ce dernier n’était ni souhaité ni valorisé. Au cours des 30 premières minutes du CCP, pendant la phase du réglage, le copilote a tenté de faire des suggestions à quelques reprises, mais il a été repoussé très brusquement, ce qui a donné le ton à l’ensemble du CCP.

[16] M. Rodger a affirmé que l’aéronef avait circulé dans des virages en outrepassant les exigences précisées à la section 4.6.2 du manuel d’exploitation du B737 de WestJet (pièce M-8). À titre d’exemple, un virage de 45 degrés a été effectué à 22 nœuds, ce qui dépasse de 12 nœuds la limite établie par la politique de la compagnie, ajoutant ainsi des charges latérales supplémentaires sur le train d’atterrissage et les pneus. Il s’agissait là d’un exemple de non-respect des procédures d’utilisation normalisées (SOP) et de la politique de la compagnie.

[17] M. Rodger a ajouté que M. Holmes avait effectué, à plusieurs reprises, des tâches de pilote qui n’est pas aux commandes (PNF) alors qu’il était le pilote aux commandes (PF). À titre de PF, M. Holmes a reconfiguré le panneau carburant ainsi que le panneau de pressurisation sans en informer ni consulter le copilote.

[18] Bien que j’estime que le témoignage de M. Rodger portant spécifiquement sur ses notes de PVA ait donné un aperçu du ton et de la teneur des échanges dans le poste de pilotage pendant le CCP, je n’ai utilisé que les éléments de preuve et les témoignages propres à chacun des éléments du rapport du test en vol dans mon appréciation des trois éléments litigieux du test en vol.

[19] Le Tribunal doit déterminer si le ministre avait raison de refuser de délivrer ou de modifier un document d’aviation canadien à M. Holmes, en l’occurrence un contrôle de compétence pilote sur un B73C, et s’il y a des motifs de renvoyer l’affaire au ministre pour réexamen.

C. Contrôle de la vitesse anémométrique pendant l’élément 10 – Croisière et l’élément 13 – Attente

(1) Élément 10 – Croisière

[20] Le rapport du test en vol indiquait ce qui suit :

10. Croisière: Erreur importante. Compréhension pratique médiocre et respect médiocre des SOP et des règlements. A affiché et volé à 210 kt alors qu’il se trouvait sous les 3000’ et à moins de 10 miles d’un aéroport. Aucune tentative de corriger l’écart de vitesse.

[21] M. Rodger a déclaré que M. Holmes, alors qu’il volait sous les 3 000 pieds au-dessus du sol (AGL) et à moins de 10 milles marins d’un aéroport, avait affiché la vitesse de l’aéronef et l’avait maintenue à 210 nœuds même si la limite de vitesse était de 200 nœuds.

[22] Bien que le représentant du ministre n’ait pas fait expressément référence à la pièce A-2 au cours de l’audience, l’élément 10 – Croisière du manuel TP 14727 – Vérification de compétence pilote et qualification de type d’aéronef – Guide de test en vol (Avions) (Guide de test en vol), énonce les critères d’exécution de cet exercice, lesquels se lisent en partie comme suit :

Critères d’exécution

Baser l’évaluation du candidat sur son aptitude à :

[…]

f. maintenir une bonne maîtrise de l’aéronef et du vol à l’intérieur des limites d’exploitation;

g. maintenir les caps, les routes ou les relèvements assignés à ±10 degrés, et l’altitude à ±100 pieds;

[…]

[23] M. Holmes n’a en aucun temps contesté le fait qu’il avait affiché la vitesse et l’avait maintenue à 210 nœuds. Toutefois, il a fait valoir qu’il avait le droit de voler à plus ou moins 10 nœuds de la limite en vertu de l’alinéa g. des critères d’exécution, qui, selon lui, prévoyait une tolérance de la vitesse de plus ou moins 10 nœuds. Le Tribunal constate qu’en fait, l’alinéa g. traite seulement de la tolérance à l’égard des routes, des relèvements et de l’altitude, sans allusion aucune à la vitesse anémométrique. Par conséquent, je ne peux pas conclure que l’alinéa g. aurait permis à M. Holmes de maintenir une vitesse anémométrique supérieure aux limites d’exploitation.

[24] La question suivante est plus appropriée : a-t-il satisfait aux exigences de l’alinéa f. en maintenant une bonne maîtrise de l’aéronef et du vol à l’intérieur des limites d’exploitation? Je traiterai de la question ci-dessous.

[25] Le Tribunal constate qu’aucune des parties n’a fait référence à l’article 602.32 Limite de vitesse du Règlement de l’aviation canadien qui est directement lié à cet exercice, et qui dispose que :

602.32 (1) Sous réserve du paragraphe (2), il est interdit :

[…]

b) d’utiliser un aéronef à une vitesse indiquée de plus de 200 noeuds lorsque celui-ci se trouve à une altitude inférieure à 3 000 pieds AGL et à une distance de 10 milles marins ou moins d’un aérodrome contrôlé, à moins d’y être autorisé par une autorisation du contrôle de la circulation aérienne.

[…]

(2) Élément 13 – Attente

[26] Le rapport du test en vol indiquait ce qui suit :

13. Attente : Erreur importante. Compréhension pratique médiocre et respect médiocre des SOP et des règlements. Autorisé à attendre à WC NDB. Est entré dans le circuit d’attente et a volé à 210 kt. Aucune tentative de corriger l’écart de vitesse.

[27] Le vol a reçu l’autorisation d’attendre au radiophare non directionnel (NDB) de White Rock (WC) à 4 000 pieds (pièce M-4).

[28] M. Rodger a témoigné que M. Holmes avait affiché la vitesse et l’avait maintenue à 210 nœuds dans le circuit d’attente, à 4 000 pieds. M. Rodger a déclaré qu’à une altitude de 4 000 pieds, l’exigence réglementaire voulait qu’on maintienne une vitesse maximale de 200 nœuds dans le circuit d’attente.

[29] M. Holmes n’a jamais contesté le fait qu’il avait affiché et maintenu une vitesse de 210 nœuds dans le circuit d’attente, plutôt que la vitesse maximale réglementaire de 200 nœuds. Il a affirmé qu’il était en droit de voler à plus ou moins 10 nœuds de la limite en se fondant sur l’élément 13 – Attente du Guide de test en vol, lequel prévoit en partie ce qui suit :

Critères d’exécution

Baser l’évaluation du candidat sur son aptitude à :

[…]

j. maintenir une vitesse/vitesse V appropriée à ±10 nœuds, une altitude à ±100 pieds, des caps/trajectoires/routes à ±10° ou à au plus ½ repère de déviation de l’indicateur d’écart de route, le cas échéant, et suivre avec précision, les radials, les routes et les relèvements;

[…]

[30] M. Holmes a également fait référence à la section 9.7.3 Réglage de la vitesse – Aéronefs guidés par radar du Manuel d’information aéronautique de Transports Canada (AIM de TC), TP 14371, révision 2020-2 (pièce A-1), qui dispose en partie que « [l]es pilotes qui se conforment aux demandes de réglage de la vitesse sont censés maintenir la vitesse spécifiée à 10 KIAS près ».

[31] Le Tribunal souligne que c’est la révision 2019-1 de l’AIM de TC qui était en vigueur au moment du CCP, mais que le libellé de la pièce A-1 y demeure inchangé.

D. Le requérant a-t-il dépassé les limites de vitesse anémométrique et les limites d’exploitation réglementaires pendant la procédure de croisière et d’attente à basse altitude?

[32] M. Rodger a indiqué qu’il était obligatoire de se conformer aux autorisations du contrôle de la circulation aérienne (ATC) dans le cadre d’un CCP. Si l’autorisation ATC est de 200 nœuds, alors vous êtes censé voler à 200 nœuds. Il est tout aussi obligatoire de se conformer à la réglementation, et si celle-ci précise 200 nœuds, vous êtes censé voler à 200 nœuds. Il existe une certaine marge de tolérance à l’égard de la vitesse en cas de turbulence ou si on pilote l’appareil manuellement. Mais cela ne signifie pas qu’on peut afficher la vitesse de l’aéronef à 210 nœuds et activer le pilote automatique à cette vitesse alors que la vitesse assignée est de 200 nœuds. Une telle pratique n’est pas conforme.

[33] M. Holmes a confirmé au Tribunal que le pilote automatique était activé durant le CCP.

[34] M. Rodger a déclaré que les limites de vitesse assuraient la protection de l’espace aérien. Si vous exécutez un circuit d’attente à 210 nœuds au lieu de 200 nœuds, vous utiliserez plus d’espace aérien. Par exemple, si vous êtes près de l’aéroport et que vous volez à 210 nœuds au lieu de 200, l’espacement entre votre aéronef et celui qui vous précède sera réduit.

[35] M. Rodger a ajouté que si M. Holmes se devait voler à 210 nœuds pour des raisons opérationnelles, il aurait dû en demander la permission à l’ATC avant de le faire.

[36] M. Rodger a affirmé qu’au cours de l’exposé après-vol du CCP, il avait demandé à M. Holmes s’il savait quelles étaient les limites de vitesse anémométrique pour ces deux scénarios, et que ce dernier avait répondu correctement à la question. Aux dires de M. Rodger, cela confirmait ses soupçons selon lesquels M. Holmes connaissait les règles et la réglementation, mais qu’il avait simplement choisi de ne pas les respecter.

[37] M. Holmes a déclaré qu’il était autorisé à afficher et voler à une vitesse anémométrique de 210 nœuds, car celle-ci se situait à 10 nœuds de la vitesse appropriée. Toutefois, il n’a fourni aucune preuve démontrant qu’il avait fait des efforts, dans l’un ou l’autre des scénarios, pour maintenir la vitesse assignée ou qu’il avait demandé à l’ATC de voler une vitesse anémométrique de 210 nœuds, comme l’exigent les règles et la réglementation. Il s’est contenté d’affirmer que M. Rodger n’avait pas appliqué correctement la matrice de notation de l’échelle d’évaluation à quatre points du Guide de test en vol.

[38] Me fondant sur le témoignage du ministre et les règlements et politiques applicables, je conclus que le ministre a prouvé que le requérant a dépassé les limites réglementaires de vitesse et d’exploitation dans chaque scénario, démontrant un respect médiocre des SOP, des règles et des règlements en affichant et en maintenant la vitesse de l’aéronef au-dessus de la vitesse appropriée.

[39] Après avoir conclu que le requérant a démontré un respect médiocre des SOP, des règles et des règlements, le Tribunal doit déterminer si l’exécution des éléments10 – Croisière et 13 – Attente justifiait une note de 2.

[40] La matrice de notation de l’échelle d’évaluation à quatre points du Guide de test en vol définit une note de 2 relative aux « Compétences et connaissances techniques » comme suit :

  • Erreur importante
  • Compréhension pratique médiocre
  • Respect médiocre des SOP, règles et règlements

[41] Une erreur importante est définie comme étant une « action ou une inaction qui a une ou des conséquences dans l’achèvement d’une tâche, une procédure ou d’une manœuvre »; et un « état de vol indésirable [UAS] ne s’est pas produit » (pièce A-2). Un UAS est défini comme étant « la position, la vitesse, l’attitude ou la configuration d’aéronef qui découle d’une erreur, d’une action ou d’une omission d’un membre de l’équipage de conduite qui réduit clairement les marges de sécurité » (pièce A-2).

[42] Le Tribunal estime que M. Holmes a tort d’affirmer que l’évaluation finale des éléments du test en vol auxquels on a attribué une note de 2 devrait être uniquement fondée sur les critères d’écart énumérés dans le Guide de test en vol. Lorsqu’il évalue les compétences et les connaissances techniques du candidat, le PVA est tenu d’évaluer la façon dont ce dernier respecte les SOP, les règles et les règlements, ce qui comprend les limites de vitesse précisées dans le Règlement de l’aviation canadien.

[43] Compte tenu des témoignages et de la preuve au dossier, le Tribunal conclut que M. Rodger a eu raison d’attribuer à chacun de ces éléments de test en vol une note de 2, erreur importante, en raison de l’omission de corriger les écarts de vitesse ou de demander à l’ATC de voler à une vitesse plus élevée pour des raisons opérationnelles, dépassant ainsi les limites réglementaires de vitesse et d’exploitation dans chaque scénario, et démontrant un respect médiocre des SOP, des règles et des règlements. Je conviens avec le ministre que les erreurs ont eu des conséquences sur les procédures, et qu’aucun UAS ne s’est produit.

Élément 16 – Approche RNAV

[44] Le rapport du test en vol indiquait que le requérant avait reçu une note de 1 pour cet exercice et précisait ce qui suit :

16. Approche RNAV : Erreur critique. Respect inacceptable des SOP. Au cours de l’approche RNAV Y 07 YXX, a affiché l’altitude au-dessus de l’aérodrome dans le MCP, puis est descendu en V/S. La sécurité du vol a été compromise.

[45] Bien qu’il n’ait pas fait spécifiquement référence au Guide de test en vol durant son témoignage, M. Rodger a déclaré que M. Holmes avait commis une erreur critique en raison d’un respect inacceptable des SOP alors qu’il effectuait une approche en navigation de surface (RNAV).

[46] M. Rodger a témoigné qu’au cours d’une approche RNAV Y piste 07 vers CYXX, M. Holmes avait affiché l’altitude au-dessus de l’aérodrome dans le panneau de commande de mode (MCP), puis était descendu en utilisant le mode vitesse verticale, ce qui avait compromis la sécurité du vol.

[47] M. Rodger a expliqué qu’il existait quelques modes de descente : (1) en « VNAV » qui respecte les contraintes d’altitude et (2) en mode « vitesse verticale » qui n’offre aucune protection contre les contraintes d’altitude autre que l’altitude affichée dans le MCP.

[48] M. Rodger a indiqué que pendant une approche RNAV, WestJet exige (pièce M-8) que l’altitude dans le MCP soit réglée à la contrainte d’altitude suivante jusqu’à ce qu’on amorce l’approche, moment auquel, une fois qu’on se situe sur une partie publiée de l’approche, on peut afficher l’altitude au-dessus de l’aérodrome vers lequel on descend, puis descendre en navigation verticale (VNAV). Il a poursuivi en expliquant qu’une fois que l’altitude au-dessus de l’aérodrome est affichée dans le MCP, il n’est pas permis de descendre dans un mode autre qu’en VNAV. Si un pilote descend dans un autre mode qu’en VNAV, il n’y a alors pas de protection minimale et il est possible que l’avion percute le sol.

[49] En l’espèce, M. Rodger a affirmé que M. Holmes avait affiché l’altitude au-dessus de l’aérodrome dans le MCP, puis était descendu en utilisant le mode vitesse verticale. M. Rodger a déclaré que cette pratique allait à l’encontre des SOP de WestJet et que le requérant avait de ce fait placé l’appareil dans un état de vol indésirable, compromettant ainsi la sécurité aérienne. En optant pour le mode vitesse verticale alors que l’altitude avait été affichée dans le MCP, il n’y avait pas de protection minimale et il existait alors un risque que l’aéronef percute le sol.

[50] M. Holmes a affirmé qu’après l’attente, il avait été autorisé à effectuer l’approche, comme l’illustre la feuille de percée (pièce A-3), et qu’il avait franchi le point de cheminement IKURI en navigation latérale (LNAV) et en maintien d’altitude. C’est alors qu’il a choisi le mode vitesse verticale. M. Holmes ne comprenait pas pourquoi M. Rodger croyait qu’il avait mis l’avion dans un état indésirable, compromettant ainsi la sécurité aérienne.

[51] M. Rodger a indiqué qu’il avait laissé M. Holmes voler en mode vitesse verticale pendant 30 secondes à une minute pour vérifier s’il corrigerait la situation. Aucune correction n’a été apportée et le CCP a pris fin.

[52] Les témoignages divergent quant au moment où le CCP a été interrompu. M. Rodger a déclaré que le CCP avait été arrêté alors qu’aucune mesure corrective n’avait été prise entre 30 secondes et une minute suivant la sélection du mode vitesse verticale, tandis que M. Holmes croit que le CCP a été interrompu après l’exécution de l’approche RNAV et de la procédure de remise des gaz subséquente. Cette divergence n’aide en rien à résoudre la question, pas plus qu’elle ne permet de déterminer si une erreur critique a été commise au cours de cet exercice.

[53] M. Rodger a traité de la section 4.12.1.4, Contraintes de descente, du manuel d’exploitation du B737 de WestJet (manuel d’exploitation) (pièce M-8), qui dispose en partie que :

Lors d’une descente en VNAV avec toutes les contraintes procédurales en caractère GRAS sur la cartouche du plan d’approche, affichez l’altitude dans le MCP à la limite d’autorisation émise par l’ATC ou à l’altitude au-dessus de l’aérodrome pour une approche, et surveillez la descente VNAV afin d’assurer la conformité aux contraintes d’altitude.

ATTENTION : Si la VNAV est remplacée par un autre mode de tangage, l’altitude dans le MCP doit afficher la contrainte d’altitude requise suivante.

[54] Aux dires de M. Rodger, lorsqu’il a demandé à M. Holmes pourquoi il avait choisi le mode vitesse verticale alors que l’altitude au-dessus de l’aérodrome était affichée dans le MCP, ce dernier avait répondu qu’il voulait « simplement manœuvrer avec finesse ». M. Rodger a affirmé que cette réponse avait confirmé ses soupçons selon lesquels M. Holmes connaissait les SOP, mais qu’il avait tout simplement décidé de ne pas les respecter.

[55] M. Holmes a dit croire que la section 4.12.1.4, Contraintes de descente, du manuel d’exploitation ne faisait référence qu’aux descentes et ne s’appliquait pas à la phase d’approche du vol. À l’appui de cette croyance, il s’est référé à la section 4.13.23.4, Utilisation de la VNAV (pièce A-4), qui dispose en partie que « la trajectoire VNAV doit être annoncée au plus tard au FAF ou tel qu’il est précisé sur la carte d’approche, selon la première éventualité ».

[56] Le Tribunal estime que la preuve et les témoignages présentés lors de l’audience en révision démontrent que la mise en garde que contient la section 4.12.1.4, Contraintes de descente, s’applique dans cette situation comme elle s’appliquerait à toute autre phase du vol afin d’assurer, comme M. Rodger l’a souligné, une protection minimale. Par conséquent, le Tribunal conclut que le ministre a prouvé que le requérant a démontré un respect inacceptable des SOP, des règles et des règlements en sélectionnant le mode vitesse verticale alors que l’altitude au-dessus de l’aérodrome avait été affichée dans le MCP.

[57] Reste à trancher la question de savoir si l’exécution de l’élément 16, RNAV, justifiait une note de 1.

[58] La matrice de notation de l’échelle d’évaluation à quatre points du Guide de test en vol définit une note de 1 relative aux « Compétences et connaissances techniques » comme suit :

  • Erreur critique
  • Compréhension pratique inacceptable
  • Respect inacceptable des SOP, règles et règlements

[59] Une erreur critique est définie comme étant une « action ou une inaction qui a une ou des conséquences dans l’achèvement d’une tâche, une procédure ou d’une manœuvre »; et un « état de vol indésirable c’est [sic] produit » (pièce A-2).

[60] Compte tenu des témoignages et de la preuve au dossier, le Tribunal conclut que M. Rodger a eu raison d’attribuer à cet exercice de test en vol une note de 1, erreur critique, en raison de l’omission de se conformer aux exigences de la section 4.12.1.4, Contraintes de descente, du manuel d’exploitation. En sélectionnant le mode vitesse verticale alors que l’altitude au-dessus de l’aérodrome était affichée dans le MCP, il n’y avait pas de protection minimale, réduisant ainsi les marges de sécurité et créant un UAS qui aurait pu faire en sorte que l’avion percute le sol.

III. DÉCISION

[61] Le ministre des Transports a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le requérant, Kieth Holmes, ne répond pas aux conditions de délivrance d’un document d’aviation canadien, en vertu de l’alinéa 6.71(1)b) de la Loi sur l’aéronautique.

Le 12 mai 2021

(Original signé)

Jonathan Dueck

Conseiller

Représentants des parties

Pour le ministre :

Michel Tremblay

Pour le requérant :

se représentant seul

 

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