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Référence : Kieth Holmes c. Canada (Ministre des Transports), 2021 TATCF 11 (décision interlocutoire)

No de dossier du TATC : P-4546-68

Secteur : aéronautique

ENTRE :

Kieth Holmes, requérant

- et -

Canada (Ministre des Transports), intimé

[Traduction française officielle]

Audience :

Par observations écrites

Affaire entendue par :

Jonathan Dueck, conseiller

Décision rendue le :

29 avril 2021

DÉCISION

Arrêt : La demande de dépôt de nouveaux éléments de preuve ou de réouverture de l’audience soumise par le requérant est rejetée.


I. HISTORIQUE

[1] Dans un avis de refus de délivrer ou de modifier un document d’aviation canadien en date du 28 août 2019, le ministre des Transports (ministre) informait M. Kieth Holmes qu’il avait refusé de lui délivrer un contrôle de compétence pilote (CCP) sur un aéronef B73C, en vertu de l’alinéa 6.71(1)b) de la Loi sur l’aéronautique.

[2] Le 19 septembre 2019, le Tribunal d’appel des transports du Canada (Tribunal) a reçu une lettre de M. Holmes demandant au Tribunal de réviser la décision du ministre.

[3] Une conférence préparatoire du Tribunal a eu lieu le 17 février 2021. Étaient présents M. Patrick Vermette (président), M. Kieth Holmes (requérant) et M. Michel Tremblay (représentant du ministre).

[4] Le 22 février 2021, le Tribunal a informé les parties de la date de l’audience en révision par vidéoconférence, laquelle était fixée au 17 mars 2021.

[5] L’audience s’est tenue devant moi par vidéoconférence le 17 mars 2021. L’intimé y était représenté par M. Michel Tremblay. Le requérant, M. Kieth Holmes, se représentait lui-même.

[6] Lors de l’audience, l’intimé a cité un témoin à la barre, M. David Rodger, un pilote vérificateur agréé (PVA) employé par WestJet, lequel avait dirigé le CCP en cause. Le requérant a témoigné en son propre nom et n’a pas fait entendre d’autre témoin; il a toutefois eu l’occasion de contre-interroger M. Rodger. Les parties ont ensuite terminé leur preuve, puis soumis leurs plaidoiries respectives. L’instance terminée, la cause a été prise en délibéré le 17 mars 2021.

A. Observations du requérant

[7] Le 18 mars 2021, et dans le cadre d’observations additionnelles soumises le 25 mars 2021, M. Holmes a présenté au Tribunal une demande de dépôt de nouvelles preuves ou de réouverture d’audience, au motif qu’il n’était pas familier avec le processus de révision et qu’il avait raté une occasion de mettre en doute la crédibilité de M. Rodger.

[8] M. Holmes a soutenu que M. Rodger avait menti sous serment au cours de son témoignage au sujet du troisième événement du CCP (approche RNAV), en rapport avec les pièces M-4 et M-7. Il a affirmé que M. Rodger avait témoigné qu’après qu’il eut commencé une descente en approche, M. Rodger avait attendu 30 secondes pour voir s’il allait corriger l’approche, puis avait mis fin au vol. M. Holmes a soutenu que le vol n’avait été interrompu qu’après qu’il eut effectué une procédure d’approche interrompue, pour laquelle il avait reçu la note de passage de 3 à l’élément 17 dans le rapport du test en vol (pièce M-7). M. Holmes a affirmé que 30 minutes supplémentaires s’étaient écoulées après le moment auquel M. Rodger avait déclaré avoir arrêté le vol. M. Holmes a soutenu que le tout était corroboré par le scénario R2A (pièce M-4).

B. Réponse du ministre

[9] Le 6 avril 2021, le ministre a répondu par le dépôt d’une requête en rejet de la demande du requérant. Le ministre a fait valoir que le requérant n’avait pas présenté de nouveaux éléments qui n’avaient pas déjà été mis en preuve à l’audience, et qu’il n’avait en fait que reformulé son témoignage antérieur.

[10] De plus, le ministre a soutenu que la requête ne soulevait aucune question d’équité procédurale relativement à la conduite de l’audience. Le requérant a pu entendre toute la preuve et le témoignage offerts par M. Rodger, et a décidé de ne pas contre-interroger le témoin lors de l’audience. Le requérant a eu toutes les occasions de faire sa preuve et a refusé l’offre du conseiller en révision de faire une contre-preuve.

[11] Le ministre a soutenu que le dossier de la preuve était dorénavant clos et que permettre la réouverture de l’audience ou l’admission d’éléments de preuve qui étaient disponibles au moment de l’audience risquerait de déconsidérer l’administration de la justice.

C. Réplique du requérant

[12] Le 7 avril 2021, le requérant a fait valoir qu’il avait présenté de nouveaux renseignements en reliant chronologiquement la procédure d’approche interrompue à l’approche RNAV et à la note de passage qu’il avait reçue pour l’élément 17 dans le rapport du test en vol.

[13] Le requérant a fait remarquer qu’il n’avait soulevé aucune question d’équité procédurale parce que ce n’était qu’après l’audience qu’il avait « relié » les déclarations de M. Rodger, et qu’il croyait que toute vérité découverte même après l’audience serait entendue sans préjudice.

[14] Le requérant a déclaré ne pas avoir contre-interrogé M. Rodger car il estimait qu’il lui serait impossible d’obtenir la vérité, et a réitéré qu’il était convaincu qu’il serait en mesure d’interroger le témoin après l’audience.

II. ANALYSE

[15] Aucune des parties n’a cité de loi ou de jurisprudence pouvant aider à trancher cette affaire. L’article 10 des Règles du Tribunal d’appel des transports du Canada autorise la demande présentée par M. Holmes. Cette demande doit par ailleurs être examinée à la lumière du droit, des règles et des principes d’équité et de justice naturelle, ainsi que de la jurisprudence en la matière.

[16] L’article 15 de la Loi sur le Tribunal d’appel des transports du Canada prévoit que le Tribunal n’est pas lié par les règles juridiques ou techniques applicables en matière de preuve lors des audiences. Ni cette Loi ni les Règles ne traitent spécifiquement de la réouverture d’une audience.

[17] Le critère applicable par les tribunaux administratifs lorsqu’ils examinent la question de savoir s’il y a lieu de rouvrir une audience, lequel critère a été retenu par la Cour fédérale [1] , se lit comme suit :

  1. Il doit être établi que même en faisant preuve de diligence raisonnable il n’aurait pas été possible d’obtenir les éléments de preuve pour présentation au procès;
  2. Les éléments de preuve doivent être susceptibles d’influer substantiellement sur l’issue de l’affaire, quoiqu’ils n’aient pas à être déterminants;
  3. Les éléments de preuve doivent être vraisemblables ou, autrement dit, ils doivent paraître crédibles même s’il n’est pas nécessaire qu’ils soientirrécusables.

A. Le Tribunal peut-il accepter de nouveaux éléments de preuve ou rouvrir l’audience?

[18] Au début de l’audience, le Tribunal a demandé au requérant s’il avait eu l’occasion avant l’audience d’examiner les documents soumis par le ministre, et s’il prévoyait contre-interroger le témoin du ministre au sujet de ces documents. Le requérant a répondu aux deux questions par l’affirmative.

[19] Dans sa demande, le requérant fait référence aux pièces M-4 et M-7, lesquelles étaient toutes deux à sa disposition autant avant que pendant l’audience.

[20] Le requérant a déclaré qu’il ne connaissait pas vraiment le processus de révision, mais il aurait pu communiquer directement avec le greffe du Tribunal ou demander des éclaircissements sur toute question relative au processus, au cours de la conférence préparatoire ou pendant l’audience.

[21] Le requérant a eu l’occasion durant l’audience d’entendre l’ensemble de la preuve et du témoignage présentés par le témoin du ministre, puis il a effectivement contre-interrogé M. Rodger pendant 45 minutes. Le requérant a eu amplement l’occasion de corriger toute divergence alléguée dans le témoignage de M. Rodger concernant le moment et la raison de l’arrêt du CCP, le moment auquel le simulateur s’est arrêté et la raison pour laquelle M. Rodger lui a accordé la note de passage de 3 pour l’élément 17 dans le rapport du test en vol.

[22] Le requérant a également eu amplement l’occasion de présenter son propre témoignage. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’audience s’est déroulée conformément aux règles d’équité et de justice naturelle.

[23] La demande de réouverture d’audience ou de dépôt de nouveaux éléments de preuve semble être fondée sur le souvenir même qu’a le requérant des événements tels qu’ils se sont produits au cours du CCP, et non pas sur une nouvelle preuve documentaire. Par conséquent, le Tribunal est d’avis que la preuve n’est pas nouvelle, mais constitue simplement une nouvelle version de ce que le requérant aurait pu présenter lors de l’audience ou clarifier durant le contre-interrogatoire du témoin. Rien n’indique que ces renseignements n’auraient pas pu être obtenus s’il avait fait preuve de diligence raisonnable, ou qu’ils n’étaient pas à sa disposition avant et pendant l’audience.

[24] Par conséquent, le Tribunal ne peut pas conclure que le requérant a satisfait au premier volet du critère défini ci-dessus. Il devient donc inutile d’examiner les deux autres volets du même critère.

[25] Le requérant a eu toutes les occasions de préparer et de présenter sa preuve au cours de l’audience, et il serait injuste pour l’intimé de permettre au requérant d’ajouter à son témoignage une fois l’audience terminée.

[26] Le Tribunal est d’avis que permettre la réouverture de l’audience ou admettre des éléments de preuve qui étaient disponibles avant et pendant l’audience dans le contexte de la demande du requérant aurait une incidence sur la confiance du public à l’égard du Tribunal et risquerait de déconsidérer son administration de la justice.

III. DÉCISION

[27] La demande de dépôt de nouveaux éléments de preuve ou de réouverture de l’audience soumise par le requérant est rejetée.

Le 29 avril 2021

(Original signé)

Jonathan Dueck

Conseiller

Représentants des parties

Pour le ministre :

Michel Tremblay

Pour le requérant :

se représentant seul



[1] Murray c. Canada (Procureur général), 2013 CF 49. Voir aussi Whyte c. Canadian National Railway, 2010 TCDP 6.

 

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