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Référence : Gary Smith c. Canada (Ministre des Transports), 2021 TATCF 18 (révision)

No de dossier du TATC : O-4571-68

Secteur : aéronautique

ENTRE :

Gary Smith, requérant

- et -

Canada (Ministre des Transports), intimé

[Traduction française officielle]

Audience :

Par vidéoconférence le 29 avril 2021

Affaire entendue par :

Francis Hane, conseiller

Décision rendue le :

21 juin 2021

DÉCISION ET MOTIFS À LA SUITE D’UNE RÉVISION

Arrêt : La décision du ministre des Transports de refuser de délivrer un document d’aviation canadien en vertu de l’alinéa 6.71(1)b) de la Loi sur l’aéronautique est confirmée. Le requérant ne répondait pas aux conditions de délivrance d’un contrôle de compétence pilote sur un aéronef BE02.


I. HISTORIQUE

[1] Le 19 octobre 2019, le requérant, le copilote Gary Smith, a subi un contrôle de compétence pilote (CCP) à bord d’un aéronef Beech 1900 (BE02), lequel contrôle était dirigé par le commandant de bord (CdB) Timothy Crits, un pilote vérificateur agréé (PVA). Le CdB Jim Krupp a été désigné comme remplaçant pour agir à titre de commandant de bord pour ce CCP, et son rendement n’a pas été évalué. Lors du CCP, le copilote Smith était à l’emploi de SkyLink Express Inc., un transporteur aérien de fret basé à l’aéroport de Hamilton (CYHM), en Ontario, et exploité en vertu de la sous-partie 704 du Règlement de l’aviation canadien (RAC).

[2] En raison de plusieurs erreurs et écarts critiques, notamment lors de l’approche au radiophare non directionnel (NDB) de la piste 12 à l’aéroport de Hamilton, suivi d’une approche indirecte de la piste 06, le copilote Smith s’est vu attribuer la note d’échec de « 1 » pour l’exercice 16 – Approche – NDB – Indirecte.

[3] Le 22 novembre 2019, le copilote Smith a demandé au Tribunal d’appel des transports du Canada de réviser le refus de lui délivrer un CCP.

II. CADRE JURIDIQUE

[4] La norme 724.108 des Normes de service aérien commercial (Normes) décrit les exigences des CCP auxquelles doivent satisfaire les pilotes aux commandes d’aéronefs-navettes.

[5] Le sous-alinéa 724.108(1)b)(ii) des Normes prévoit ce qui suit :

724.108(1)b) Le contrôle de la compétence du pilote doit être exécuté de manière à permettre au pilote de démontrer ses connaissances théoriques et pratiques :

[…]

(ii) du contrôle de la vitesse aérodynamique, du cap, de l’altitude, de l’assiette et de la configuration de l’avion, conformément aux procédures et aux limites établies, pour les situations normales, anormales et d’urgence, dans le manuel de vol de l’aéronef, dans le manuel d’utilisation de l’avion (s’il y a lieu), les procédures d’utilisation normalisées de l’exploitant aérien, la liste de vérifications, et toute autre information qui se rapporte au type d’avion;

[…]

III. ANALYSE

A. Question à trancher – L’attribution d’une note de « 1 » à l’égard de l’exercice 16 – Approche – NDB – Indirecte était-elle correcte?

[6] Le ministre des Transports (ministre) a présenté sa cause en s’appuyant sur le témoignage du PVA, le CdB Crits. Le témoignage de celui-ci m’a semblé crédible et fiable. Je n’y ai vu ni preuve d’animosité envers le copilote Smith ni signe de partialité. Son témoignage était objectif et il a traité en profondeur des raisons pour lesquelles il avait attribué chaque note au copilote Smith. CdB Crits a généreusement accordé des notes de « 3 » pour les virages à grande inclinaison et de « 2 » pour la panne moteur et l’approche au système d’atterrissage aux instruments (ILS) à l’aéroport de London (CYXU). Bien qu’il ait obtenu une note de passage sur ces éléments, le copilote Smith a longuement témoigné au sujet des raisons voulant qu’il ait été insatisfait de l’évaluation des éléments relatifs à l’approche ILS et à la panne moteur. Mais c’est en raison de son exécution de l’approche NDB, et non de l’approche ILS et de la panne moteur, que le copilote Smith a reçu une note d’échec. Par conséquent, il n’y a pas lieu de discuter de ces deux autres exercices pour lesquels le requérant s’est vu attribuer la note de passage.

[7] Vers la fin du CCP, le CdB Crits a demandé qu’on effectue une approche NDB de la piste 12, suivi d’une approche indirecte de la piste 06 à l’aéroport de Hamilton. Le commandant Crits a déclaré qu’au cours de l’approche NDB, le copilote Smith avait commis de nombreuses erreurs et écarts critiques, notamment :

  1. la localisation de la NDB;
  2. le défaut de configurer conformément au profil des procédures d’utilisation normalisées (SOP);
  3. quelques modifications dans la configuration sans que le commandant de bord ne le demande;
  4. une vitesse d’approche excessivement élevée de 180 nœuds alors que le profil des SOP prévoit une vitesse d’approche de 130 nœuds;
  5. avoir volé avec le train d’atterrissage en position rentrée jusqu’à l’altitude minimale de descente (MDA), déclenchant ainsi une alarme sonore du train d’atterrissage provenant du dispositif avertisseur de proximité du sol (GPWS);
  6. avoir sélectionné « Volets en position de décollage »;
  7. être descendu à 80 pieds au-dessous de la MDA;
  8. être monté à 220 pieds au-dessus de la MDA durant une liste de vérification;
  9. avoir tenté d’effectuer une approche stabilisée avec angle de descente constant (SCDA) alors que les SOP de SkyLink Express prévoient une approche classique de non-précision en descente par paliers (familièrement appelée « pique et pointe »), et
  10. avoir omis d’effectuer une remise des gaz alors que l’aéronef n’était pas stabilisé.

[8] Le témoignage du copilote Smith semblait refléter un désaccord général avec les questions techniques détaillées du CdB Crits (questions auxquelles les réponses du copilote Smith lui ont valu un « 4 » – une note parfaite). Il n’était pas non plus d’accord avec la désignation d’un commandant de bord remplaçant avec qui il avait eu peu d’expérience, le choix d’un autre aéronef pour le CCP que celui dans lequel il avait effectué sa formation, et le fait que le CdB Crits lui ait demandé d’effectuer une approche ILS à un aéroport (London) avec lequel il n’était pas familier. Au cours de son interrogatoire principal, le copilote Smith n’a pas contredit les détails du témoignage du CdB Crits. Il a plutôt corroboré le témoignage du CdB Crits concernant l’approche NDB. Le copilote Smith a admis que :

  1. il n’était pas près d’être stable avant de survoler Ancaster (le dernier repère d’approche);
  2. « toutes les cloches » ont retenti lorsque les volets sont sortis;
  3. « nous l’avons maîtrisé, ce qui était au mieux marginal »; et
  4. « j’avais pensé que j’avais gâché le vol ».

[9] En ce qui concerne son souvenir de l’approche NDB, j’ai estimé que le témoignage du copilote Smith était crédible et fiable, car il corroborait largement celui du CdB Crits. De plus, le copilote Smith a déclaré qu’en rétrospective, il aurait dû faire un virage à 360 degrés ou annoncer une approche interrompue.

[10] Les SOP de SkyLink (pièce M-5) indiquent que l’approche indirecte doit s’effectuer avec « volets en position d’approche, train sorti, 130 nœuds ». Au contraire des SOP, l’approche en cause en l’espèce a été effectuée avec les volets en position de décollage, le train rentré et à 180 nœuds. En outre, les SOP de SkyLink spécifient une approche de non-précision en descente par paliers et non une approche SCDA. Le manuel TP 14727 – Vérification de compétence pilote et qualification de type d’aéronef – Guide de test en vol (Avions) (Guide de test en vol) (pièce M-4) définit une erreur critique comme étant « [u]ne action ou une inaction qui a une ou des conséquences dans l’achèvement d’une tâche, une procédure ou d’une manœuvre ». Le fait d’avoir effectué une approche différente de celle prescrite par le profil des SOP a eu des conséquences dans l’achèvement de la procédure d’approche aux instruments et constitue donc une erreur critique au sens du Guide de test en vol.

[11] Le Guide de test en vol prévoit l’utilisation d’une matrice de notation dans l’évaluation des CCP. Les notes s’échelonnent de « 4 » à « 1 ». Une note de « 1 » est attribuée lorsque le pilote commet une erreur ou un écart critique. L’attribution d’un « 1 » pour tout exercice que ce soit fait en sorte que le CCP est un échec et que le pilote en cause n’est pas qualifié pour piloter l’aéronef.

[12] Le Guide de test en vol précise les tolérances pour une approche, soit « au besoin/-0 pied » à la MDA et une vitesse maximale de 10 nœuds. Il est généralement reconnu que la tolérance positive requise lors d’une approche est de +100 pieds. Aucun élément de preuve suggérant le contraire n’a été apporté. Le Guide de test en vol définit un écart critique comme étant un écart qui excède la tolérance spécifiée de plus du double, ou une répétition d’écarts majeurs sans atteindre la stabilité. La descente de 80 pieds au-dessous de la MDA, la montée subséquente à 220 pieds au-dessus de la MDA et la vitesse anémométrique de 50 nœuds au-dessus de la vitesse d’approche prévue par les SOP excèdent la tolérance spécifiée de plus du double et correspondent donc à la définition d’un écart critique.

[13] Le copilote Smith a fait valoir que l’approche NDB aurait dû être évaluée à « 2 » du fait qu’il avait reconnu et corrigé son écart. Toutefois, cette affirmation ne serait valable que s’il avait dépassé de pas plus du double la tolérance indiquée, puis corrigé l’écart sur le champ. Quoi qu’il en soit, les autres erreurs et écarts critiques nombreux justifieraient à eux seuls une note de « 1 ».

[14] Le CdB Crits a déclaré que le CdB Krupp, soit le commandant de bord désigné pour agir à ce titre durant le CCP du copilote Smith, avait offert à ce dernier un excellent soutien et un encadrement qui allaient au-delà de ce à quoi on peut s’attendre. Le copilote Smith a remis en question le manque d’appels de la part du CdB Krupp, mais ces problèmes semblent s’être produits pendant l’exercice de la panne moteur (évaluée comme étant une réussite), et non pendant l’approche NDB, et par conséquent je ne peux pas en tenir compte dans le cadre de la présente décision. Bien que le rendement du CdB Krupp n’ait peut-être pas été irréprochable tout au long de chaque exercice du CCP, la preuve n’appuie aucunement une conclusion d’incompétence ou le fait que son rendement pendant la panne moteur ait pu être la cause des erreurs et des écarts critiques du copilote Smith pendant l’approche NDB.

[15] De plus, les raisons invoquées par le copilote Smith pour expliquer l’approche instable étaient insuffisantes pour influer sur la présente décision. De nombreuses options s’offraient au copilote Smith lorsqu’il n’a pas été en mesure de descendre à l’altitude de secteur en raison d’un trafic VFR (règles de vol à vue) conflictuel, y compris ralentir la vitesse de l’appareil, le placer dans une configuration à forte traînée, demander un vecteur au contrôle de la circulation aérienne ou encore interrompre l’approche.

[16] Je ne peux pas tenir compte du mécontentement général du copilote Smith à l’égard des questions posées par le CdB Crits, de la désignation d’un commandant de bord et l’affectation d’un aéronef qui lui étaient peu familiers, ou du choix de l’itinéraire de vol; je ne peux que déterminer si le rendement du copilote Smith pendant l’approche NDB fut satisfaisant.

[17] Le copilote Smith n’a pas démontré un « … contrôle de la vitesse aérodynamique, du cap, de l’altitude, de l’assiette et de la configuration de l’avion » comme le prévoit le sous-alinéa 724.108(1)b)(ii) des Normes. Bien que je sois sensible à la situation dans laquelle se trouve le copilote Smith en ces temps difficiles, je conclus, pour les motifs susmentionnés, que l’attribution d’une note de « 1 » pour l’approche NDB est correcte. Par conséquent, l’évaluation du PVA est confirmée.

IV. DÉCISION

[18] La décision du ministre des Transports de refuser de délivrer un document d’aviation canadien en vertu de l’alinéa 6.71(1)b) de la Loi sur l’aéronautique est confirmée. Le requérant ne répondait pas aux conditions de délivrance d’un contrôle de compétence pilote sur un aéronef BE02.

Le 21 juin 2021

(Original signé)

Francis Hane

Conseiller

Représentants des parties

Pour le ministre :

Michel Tremblay

Pour le requérant :

se représentant seul

 

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