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TRIBUNAL D’APPEL DES TRANSPORTS DU CANADA

Référence : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Canada (Ministre des Transports), 2021 TATCF 39 (appel)

No de dossier du TATC : Q-0025-41

Secteur : Ferroviaire

ENTRE :

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, appelante

- et -

Canada (Ministre des Transports), intimé

Audience :

Par observations écrites

Affaire entendue par :

George « Ron » Ashley, conseiller présidant l’audience

John Gradek, conseiller

Michael Regimbal, conseiller

Décision rendue le :

Le 29 novembre 2021

DÉCISION ET MOTIFS À LA SUITE D’UN APPEL

Arrêt : L’appel est rejeté. Le conseiller en révision a rendu une décision raisonnable en écartant la défense de diligence raisonnable du CN, et a correctement utilisé la norme de responsabilité stricte. La sanction pécuniaire de 71 499,12 $ est maintenue.

Le montant total de 71 499,12 $ est payable au receveur général du Canada et doit parvenir au Tribunal d’appel des transports du Canada dans les 35 jours suivant la signification de la présente décision.


I. HISTORIQUE

[1] Il s’agit d’un appel d’une décision du Tribunal d’appel des transports du Canada (TATC), rendue le 29 mars 2019, concernant un procès-verbal que Transports Canada (TC) a délivré à la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) le 16 août 2017. Le procès-verbal inclut une sanction administrative pécuniaire (SAP) de 71 499,12 $. Ce montant de la SAP a été confirmé à la suite de la révision.

[2] La violation alléguée :

Le ou vers le 20 avril 2017, dans la cour Garneau, située à Shawinigan (Québec), la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada a autorisé le maintien en service de wagons de marchandises ferroviaires présentant des défauts de sécurité décrits dans la partie II du Règlement concernant l’inspection et la sécurité des wagons de marchandises, contrevenant ainsi à l’article 4.1 du Règlement concernant l’inspection et la sécurité des wagons de marchandises.

[3] L’appel s’est tenu par le moyen des observations écrites déposées par les deux parties. Le CN n’a pas soumis de réplique à la réponse du ministre des Transports (ministre).

A. Décision à la suite de la révision

[4] Le conseiller a noté que les faits ayant donné lieu au procès-verbal n’étaient pas contestés et a conclu que le 20 avril 2017, dans la cour Garneau du CN à Shawinigan (Québec), le CN a autorisé le maintien en service de wagons de marchandises présentant les défectuosités identifiées par le ministre dans le procès-verbal. Après avoir tiré cette conclusion, le conseiller en révision s’est concentré sur la défense de diligence raisonnable du CN.

[5] Au sujet de la défense de diligence raisonnable, le conseiller a conclu :

[32] Le Tribunal conclut que la preuve de la diligence raisonnable pour prévenir la contravention alléguée n’est pas suffisamment détaillée et spécifique. Le témoin du CN a expliqué que le CN avait en place des éléments d’un système pour former les employés sur les inspections et même sur l’application des exigences de l’AAR [Association of American Railroads]. Par contre, le Tribunal estime qu’il manque de la preuve détaillée, claire et spécifique sur l’efficacité de ce système, surtout à la lumière de la nature et la gravité des défectuosités constatées. Il manque de la preuve des programmes effectués, des suivis faits et des mesures prises à la cour Garneau; chacune des mesures prises devrait avoir un impact sur la culture de sécurité, et ceci de la haute direction jusqu’aux employés qui font l’inspection des wagons. De plus, la preuve suggère l’existence d’inspections et d’employés dits problématiques. Le CN confirme lors du témoignage qu’une à deux minutes par inspection ne mettent pas en péril la sécurité ferroviaire; toutefois, le ministre a démontré avec preuves les nombreuses défectuosités qui vont à l’encontre des règlements élaborés par l’industrie ferroviaire et approuvés par le ministre. Dans ces circonstances, le Tribunal conclut que la défense de la diligence raisonnable ne peut être retenue.

[6] Le CN s’attaque principalement à ce paragraphe dans le présent appel, faisant valoir que celui-ci démontre que le conseiller en révision n’a pas adéquatement tenu compte des éléments de preuve pertinents et a appliqué un critère de diligence raisonnable inapproprié.

B. Cadre juridique

[7] L’article 4.1 du Règlement concernant l’inspection et la sécurité des wagons de marchandises prévoit que :

4.1 Sous réserve des articles 20 et 21 du présent Règlement, les compagnies ferroviaires doivent s’assurer que les wagons qu'elles mettent ou maintiennent en service sont exempts de toutes les défectuosités relatives à la sécurité décrites dans la Partie II du présent Règlement et qu'ils sont conformes à l'ordonnance générale n°10, Règlement sur les normes applicables aux appareils de sécurité des chemins de fer, ou de la dernière édition de la norme de sécurité S-2044 de l’AAR, intitulée « Safety Appliance Requirements for Freight Cars » du Manual of Standards and Recommended Practices.

[8] En vertu du paragraphe 40.19(3) de la Loi sur la sécurité ferroviaire, le comité d’appel peut rejeter l’appel ou y faire droit et substituer sa propre décision à celle en cause.

C. Motifs d’appel

[9] L’appelante précise deux motifs d’appel, soit :

  1. que la décision repose sur une appréciation erronée des faits et de la preuve.
  2. que le conseiller en révision applique un fardeau de preuve et de diligence plus onéreux que celui nécessaire à la défense de diligence raisonnable.

II. ANALYSE

A. Norme de contrôle

[10] Selon l’appelante, le premier motif est assujetti à la norme de la décision raisonnable. Elle se fonde sur la crainte que le conseiller en révision ait sommairement rejeté la défense de diligence raisonnable du CN, du fait que les motifs du rejet de ce moyen de défense ne se résument qu’à deux paragraphes dans sa décision. Ces motifs ne tiennent pas compte de l’étendue des éléments de preuve déposés par le CN quant à l’ampleur des systèmes de sécurité qu’il a mis en place. Il s’agit là, selon l’appelante, d’une erreur de fait ou d’une erreur mixte de fait et de droit, laquelle découle de l’omission du conseiller en révision d’examiner des éléments de preuve pertinents.

[11] Quant au deuxième motif d’appel, l’appelante souligne qu’il s’agit d’une question de droit qui doit être évaluée selon la norme de la décision correcte. En l’occurrence, l’appelante soumet que la décision en cause dans la présente affaire est trop restrictive en ce sens qu’elle ne traite que des défectuosités constatées et des antécédents professionnels des employés du CN relativement à ces défauts d’inspection, en omettant, de ce fait, de tenir compte des mesures de diligence raisonnable que le CN avait effectivement prises pour gérer les défectuosités et encadrer les employés. Aux dires de l’appelante, cela démontre que le conseiller en révision a appliqué une norme relative à la responsabilité absolue pour évaluer la contravention alléguée, et non une norme relative à la responsabilité stricte.

[12] Le ministre partage les prétentions du CN quant aux normes applicables aux deux motifs d’appel.

[13] Le comité d’appel souscrit à l’adoption de ces normes aux fins du présent appel. Le tout est conforme aux motifs énoncés dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Friesen, 2017 CF 567, alors que la Cour fédérale a statué que, sur les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit, un comité d’appel du TATC doit appliquer la norme de contrôle de la décision raisonnable. Lorsqu’on allègue une erreur de droit dans un motif d’appel, celle-ci doit être examinée en fonction de la norme de la décision correcte. Ce dernier principe est également conforme à une récente décision d’appel de ce tribunal, soit Jules Selwan c. Canada (Ministre des Transports), 2020 TATCF 1 (appel).

[14] Ainsi, pour les erreurs de fait et les erreurs mixtes de fait et de droit (motif d’appel 1), la norme de la décision raisonnable implique que le comité d’appel doit déterminer si la décision du conseiller en révision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité.

[15] Pour les erreurs de droit, dans le cas où le conseiller aurait fait une erreur relativement au critère juridique utilisé dans sa révision (motif d’appel 2), la norme de la décision correcte s’applique. Si le comité d’appel détermine que le conseiller a appliqué le mauvais critère juridique, il doit alors procéder à sa propre analyse de la question et décider s’il est d’accord avec la décision du conseiller en révision. Si ce n’est pas le cas, le comité d’appel y substitue sa propre interprétation du droit et rend la décision qui s’impose.

B. Les faits

[16] Les faits en l’espèce sont résumés dans le mémoire d’appel de l’appelante. Le ministre les a acceptés, et le comité d’appel reconnaît leur exactitude :

En avril 2016, des inspections de wagons de train exploité par le CN sont entreprises par Transports Canada. Le 15 avril 2016, l’inspecteur Kevin Ouimet émet une ordonnance pour que le CN effectue une inspection des wagons partant de Senneterre (Québec) vers sa cour Garneau à Shawinigan (Québec).

En réponse à cette ordonnance émise par Transports Canada, la CN met en place un système de mesures correctives. Suite à ces changements, l’inspecteur Ouimet retire son ordonnance le ou vers le 13 juin 2016.

Une autre inspection est effectuée par Transports Canada en août 2016, suivant laquelle une lettre d’avertissement est émise au CN. En réponse à cette lettre d’avertissement, CN met en œuvre de nouvelles mesures correctives.

Le 20 avril 2017, M. Ouimet et un autre inspecteur de Transports Canada, M. Reno Gallant, procèdent à l’inspection de wagons de type gondoles utilisées par le CN pour transporter des copeaux de bois. En tout, 39 wagons sont inspectés pendant plus de deux heures et demie. L’inspection se fait au début de l’après-midi et des défectuosités de sécurité sont ainsi décelées par les inspecteurs.

C. Premier motif d’appel : La décision repose-t-elle sur une appréciation erronée des faits et de la preuve ?

[17] Dans son mémoire l’appelante écrit :

Nous soumettons que l’évaluation sommaire du Tribunal en révision ne s’est penchée que sur la formation offerte par l’Appelante, alors que cette dernière a présenté une preuve détaillée sur l’ensemble de son système. Il s’agit donc d’une erreur dans l’appréciation de la preuve qui doit être rectifiée.

[18] Plus particulièrement, les arguments de l’appelante en l’espèce sont fondés sur deux points :

  1. Le CN a pris des précautions raisonnables pour assurer la sécurité de ses opérations et leur conformité avec le cadre réglementaire applicable; et
  2. le bon fonctionnement de ses mesures préventives.

(1) Précautions raisonnables

[19] Le CN soutient que bien avant avril 2017, il avait répondu aux préoccupations en matière de sécurité des wagons par une série de mesures préventives qui excédaient les exigences réglementaires. Selon le CN, celles-ci ont été conçues pour promouvoir la sécurité de ses opérations à la cour de Shawinigan, et comprenaient des mesures particulières afin d’améliorer la détection des wagons défectueux dans la cour.

[20] L’appelante allègue que le conseiller en révision a sous-estimé la preuve du CN sur ces points, ou a omis d’autres points.

[21] En ce qui concerne les mesures de sécurité du CN, la preuve de l’appelante se résumait au seul témoignage de M. Pascal Ratté. Ce dernier qui été présenté comme étant un superviseur ferroviaire expérimenté a témoigné au sujet des programmes d’inspection et de sécurité des wagons du CN. Dans l’ensemble, le conseiller en révision a déduit de son témoignage que le CN préconisait un environnement d’exploitation sécuritaire et qu’à cette fin, de nombreux programmes de sécurité étaient en place à la grandeur du réseau. Le conseiller a fait remarquer que cela était particulièrement vrai pour la formation et le mentorat qu’offrait le CN à ses wagonniers, mais a conclu que cela n’« excuse » pas le CN ou, en d’autres termes, ne le dispense pas de se conformer aux lois et règlements canadiens régissant la sécurité (paragraphe 31 de la décision).

[22] Le comité d’appel estime qu’il est trompeur de catégoriser la diligence raisonnable comme étant une exemption à une infraction présumée. Nonobstant cette conclusion, l’analyse de la diligence raisonnable effectuée par le conseiller, laquelle figure au paragraphe 32 de sa décision, démontre qu’il a considéré la preuve du CN relativement à la diligence raisonnable à titre de défense, et non en tant qu’exemption.

[23] Le conseiller en révision a résumé les éléments de preuve présentés par le CN pour finalement conclure que la preuve n’était pas suffisamment détaillée et spécifique pour que la défense de diligence raisonnable soit retenue en faveur du CN. Il s’agit là d’une conclusion raisonnable pour les motifs qui suivent.

[24] Le conseiller en révision a pris note du témoignage de M. Ratté selon lequel chaque wagonnier était formé au moyen d’enseignement en classe, d’apprentissage et d’examens en vue de son accréditation. Mais, au-delà de ces mots, la preuve était bien pauvre. Par exemple, il n’y avait pas de dossiers d’examen disponibles indiquant le contenu des cours, la participation ou les résultats des employés à ces cours. Tout cela concorde avec la conclusion du conseiller en révision qui estimait que la preuve dans cette affaire n’était pas suffisamment détaillée quant à la formation que le CN dispensait à ses employés.

[25] Le conseiller a en outre pris note du témoignage indiquant que les employés responsables de l’inspection dans la cour recevaient des cours, du mentorat et participaient à des discussions, le tout pour assurer leur sensibilisation aux règles d’exploitation applicables, y compris celles relatives à l’inspection des wagons. Il n’y a pas de preuve au dossier pour documenter cette assertion ou pour clarifier l’étendue de la formation. Cela indique également un manque de détails, ce qui est conforme à la conclusion du conseiller en révision selon laquelle la preuve était plutôt mince.

[26] Le CN affirme qu’une partie importante du témoignage de M. Ratté portait sur les inspections de contrôle qui ont été instaurées en 2016-2017 afin d’assurer que les employés effectuent l’inspection des wagons de manière satisfaisante. Il manquait de preuves à l’appui de ces « inspections de contrôle de qualité » effectuées à la cour Garneau. Cet état de fait correspond à la conclusion du conseiller en révision voulant que la défense du CN manquait de spécificité.

[27] Dans le présent appel, le CN prétend en outre que le système disciplinaire qui existait à l’égard des inspecteurs de wagons œuvrant dans la cour était progressif et efficace, de façon à assurer le respect continu des règles. Compte tenu de l’historique de la cour Garneau relativement aux signalements de wagons défectueux, on s’attendrait à ce qu’il existe des dossiers disciplinaires à cet effet, mais aucun n’a été déposé en preuve. Cette carence s’inscrit dans le droit fil de la conclusion du conseiller selon laquelle la preuve de diligence raisonnable du CN manquait de détails.

[28] La décision à la suite de la révision offre un résumé de la preuve du CN quant aux mesures de sécurité prises afin de remédier aux défectuosités des wagons. Comme il s’agissait d’un résumé, tous les éléments détaillés de la preuve n’ont pas été énoncés dans la décision. Au terme de ce résumé, le conseiller considère la preuve dans son ensemble, puis conclut que le CN n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve détaillés et spécifiques pour étayer avec succès une défense fondée sur la diligence raisonnable. Tel que susmentionné, cette conclusion est raisonnable.

(2) Le bon fonctionnement de ses mesures préventives

[29] Le CN soutient que le conseiller en révision n’a pas tenu compte ou adéquatement tenu compte des éléments de preuve sur la mise en œuvre efficace des mesures de prévention invoquées par le CN. L’appelante avance que la décision était plutôt, et à tort, axée sur des problèmes d’inspection constatés il y a longtemps par les inspecteurs de Transports Canada – ceux qui datent d’avant avril 2017. Selon le CN, cela ne permet pas de conclure à l’inefficacité du programme de sécurité de la compagnie pour l’inspection des wagons.

[30] Le CN allègue que la meilleure preuve de la mise en œuvre efficace des mesures de sécurité prises à la suite des inspections de 2016 est le témoignage de M. Ratté. Ce dernier a déclaré que les dirigeants du CN avaient pris « très, très au sérieux » les événements de 2016, ce qui a eu pour conséquence directe d’optimiser un programme d'« inspections de contrôle de qualité » obligatoires effectuées par les superviseurs; les inspections mensuelles faisant place à des inspections hebdomadaires. Il y avait également eu une vérification interne à la cour Garneau, alors que plusieurs dirigeants du CN se sont rendus sur place pour examiner l’aménagement de la cour et l’inspection des wagons. Deux instructeurs ont notamment expliqué les techniques appropriées d'inspection des wagons à tous les employés de la cour. Le CN a également souligné avoir fait réparer jusqu’à 350 wagons-trémies qui avaient été identifiés comme étant défectueux. Une facture détaillant les réparations effectuées a été déposée en preuve en première instance.

[31] Le ministre rétorque en soutenant que le conseiller en révision n’a commis aucune erreur révisable et que la décision doit être considérée à la lumière de l’ensemble du dossier. Bien que certains éléments de preuve du CN n’aient pas été mentionnés dans la décision du conseiller, le ministre soutient qu’il existe une présomption qu’ils ont été considérés et soupesés, citant à l’appui l’arrêt Boulos c. Canada (Alliance de la fonction publique), 2012 CAF 193 (par. 11).

[32] Le conseiller en révision a conclu que la preuve dont il disposait quant à l’efficacité des mesures de correction énumérées était insuffisante. Cette conclusion est raisonnable.

[33] À titre d’exemple, les résultats précis de la vérification interne de la cour, idéalement déposés en preuve en tant que dossier de la compagnie, auraient fait la lumière sur les inspections du CN et les mesures correctives entreprises pour régler les problèmes récurrents d’inspection des wagons; il en va de même pour les résultats des inspections de contrôle de qualité effectuées par les superviseurs, ainsi que pour les dossiers de formation des employés. À l’audience en révision, la preuve sur ces points se limitait essentiellement au témoignage oral de M. Ratté. Le conseiller en révision a raisonnablement conclu qu’il en fallait plus en termes de détails et de confirmation afin d’établir une défense de diligence raisonnable.

D. Deuxième motif d’appel : Le conseiller en révision a-t-il appliqué un fardeau de preuve et de diligence plus onéreux que celui nécessaire à la défense de diligence raisonnable ?

[34] Le CN prétend que le conseiller en révision s’est fondé à tort sur le dossier des wagons défectueux dont l’existence a été constatée avant et jusqu’au 20 avril 2017, et a conclu, une fois les défectuosités constatées, que cela démontrait que le CN n’avait pas fait preuve de diligence raisonnable. Sur ce point, le CN avance que les défectuosités ne sont pertinentes que pour la première partie de l’analyse, c’est-à-dire la preuve de l’actus reus de l’infraction. On ne doit pas en tenir compte dans la deuxième partie, soit l’évaluation de la « diligence raisonnable », et ce manquement constitue une erreur de droit.

[35] Plus particulièrement, selon le CN, en s’appuyant sur le dossier des wagons défectueux et en ignorant les autres éléments de preuve présentés par le CN, le conseiller en révision a appliqué à tort une norme de responsabilité absolue à la violation.

[36] À l’appui de cette position, le CN se réfère à une décision du comité d’appel du TATC, soit l’arrêt Cando Rail Services Ltd. c. Canada (Ministre des Transports), 2019 TATCF 3 (appel), dans lequel il a été décidé que les faits donnant lieu à une violation alléguée ne sauraient signifier, en soi, qu’aucune mesure de sécurité raisonnable n’était en place.

[37] Le comité d’appel convient que l’actus reus d’une violation alléguée en l’espèce, à savoir la découverte de wagons défectueux en avril 2017, n’indique pas de façon concluante un manque de diligence raisonnable. Ce qui constitue une diligence raisonnable est une question distincte, laquelle doit être examinée en fonction du critère de la responsabilité stricte.

[38] Toutefois, le comité d’appel est en désaccord avec l’affirmation du CN voulant que le conseiller en révision ait appliqué le critère de la responsabilité absolue : (i) en se fondant sur l’existence de défectuosités pour constater un manque de diligence raisonnable et (ii) en ignorant les autres éléments déposés en preuve quant aux mesures correctives prises par le CN.

[39] Ultimement, le conseiller en révision a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves détaillées et précises des mesures de sécurité prises, jusqu’en avril 2017 inclusivement, pour améliorer les inspections de wagons à la cour Garneau. Le comité d’appel n’interviendra pas dans cette décision. Le conseiller en révision a tenu compte de la nécessité d’une analyse de la responsabilité stricte et ne s’est pas simplement fondé sur le dossier des wagons défectueux pour conclure à la responsabilité du CN.

[40] Le conseiller a plutôt examiné les éléments de preuve disponibles et a constaté l’absence de preuves détaillées et précises sur les mesures prises par le CN pour éviter la survenance des défectuosités. Le dossier des wagons défectueux déposé en preuve devant le conseiller en révision ne manquait ni de précision ni de détails. Ce sont les autres éléments de preuve soumis par le CN, notamment ceux présentés par M. Ratté, et dont il est fait mention au paragraphe 32 de la décision à la suite de la révision, qu’il a jugés dépourvus de ces qualités globales. En concluant comme il l’a fait, le conseiller en révision n’a pas commis d’erreur de droit dans sa décision.

III. DÉCISION

[41] L’appel est rejeté. Le conseiller en révision a rendu une décision raisonnable en écartant la défense de diligence raisonnable du CN, et a correctement utilisé la norme de responsabilité stricte. La sanction pécuniaire de 71 499,12 $ est maintenue.

[42] Le montant total de 71 499,12 $ est payable au receveur général du Canada et doit parvenir au Tribunal d’appel des transports du Canada dans les 35 jours suivant la signification de la présente décision

Le 29 novembre 2021

(Original signé)

Motifs de la décision d’appel :

George « Ron » Ashley, conseiller présidant l’audience

Y souscrivent :

John Gradek, conseiller

 

Michael Regimbal, conseiller

Comparutions

Pour le ministre :

Me Eric Villemure

Pour l'appelante :

Me Brian Lipson

 

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