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Référence : Bertlan Inc. c. Canada (Ministre des Transports), 2022 TATCF 2 (révision)

No de dossier du TATC : MQ-0624-37

Secteur : maritime

ENTRE :

Bertlan Inc., requérant

- et -

Canada (Ministre des Transports), intimé

Audience :

Par vidéoconférence le 8 septembre 2021

Affaire entendue par :

Capt. Marc-André Poisson, conseiller

Décision rendue le :

17 janvier 2022

DÉCISION ET MOTIFS À LA SUITE DE LA RÉVISION

Arrêt : Le ministre des Transports a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le requérant a contrevenu au Règlement sur les petits bâtiments et à l’article 87 de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada. La décision du ministre d’imposer une amende est maintenue.

Le montant total de 3 250 $ est payable au receveur général du Canada et doit parvenir au Tribunal d’appel des transports du Canada dans les 35 jours suivant la signification de la présente décision.


I. CONTEXTE

[1] Le 17 août 2020, Transports Canada (TC), par l’entremise de l’inspecteur Gilbert Gosselin, a émis à Bertlan Inc. un procès-verbal concernant deux violations pour un montant total de 3 250 $. L’annexe A du procès-verbal énonce ce qui suit :

Violation 1

Le ou vers le 23 août 2019, dans le Golfe Saint-Laurent à L’Anse-à-Beaufils, dans la province de Québec., BERTLAN INC. étant le représentant autorisé du bâtiment canadien nommé AZUL nm; 823866 a omis de veiller à ce que le bâtiment et son équipement satisfassent aux exigences prévues par les règlements d’application de la partie 4 de la Loi de 2001 sur la Marine Marchande du Canada en contravention avec le paragraphe 106(1)a) de ladite Loi.

En particulier, le bâtiment n’avait pas à bord tout équipement de sécurité requis par le Règlement sur les petits bâtiments (DORS/2010-91) pour effectuer du transport de passager.

BERTLAN INC., est ainsi responsable pour la pénalité administrative prévue à l’article 44 de la Partie I de l’annexe du Règlement sur les sanctions pécuniaires et les avis (LMMC 2001

Sanction : $1,625.00

Violation 2

Le ou vers le 23 aout 2019, dans le Golfe Saint-Laurent à partir du port de L’Anse-à-Beaufils, dans la province de Québec, M. Hubert Langevin a occupé un poste à bord d’un bâtiment canadien, soit le bâtiment, nommé AZUL nm; 823866, à l’égard duquel un certificat est exigé sous le régime de la Partie 3 de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, et ce sans être titulaire du certificat exigé, en contravention de l’article 87 de ladite Loi.

En particulier, M. Hubert Langevin a occupé le poste de capitaine lors d’un voyage de transport de passager sans être titulaire du certificat de compétence exigé pour ce type de voyage.

En vertu du paragraphe 238(2) de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, BERTLAN INC. est responsable, en tant qu’employeur ou mandant, de la violation commise par le capitaine du bâtiment dans le cadre de son emploi ou du mandat et est ainsi responsable pour la pénalité administrative prévue à l’article 26 de la Partie 1 de l’annexe du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires et les avis (LMMC 2001) (DORS 2008/97).

Sanction : $1,625.00

[2] Le 15 octobre 2020, M. Hubert Langevin, à titre de principal administrateur de Bertlan Inc., a déposé une demande de révision de ce procès-verbal au Tribunal d’appel des transports du Canada.

[3] L’audience en révision a eu lieu par vidéoconférence le 8 septembre 2021. M. Langevin a représenté le propriétaire, Bertlan Inc., et lui-même. Le ministre des Transports (ministre) était représenté par Me Martin Forget.

II. ANALYSE

A. Questions en litige

[4] Il y a deux questions à trancher en l’espèce, la première, est-ce que le requérant a omis de veiller à ce que le bâtiment et son équipement satisfassent aux exigences prévues au Règlement sur les petits bâtiments pour effectuer du transport de passagers le ou vers le 23 août 2019? Si oui, est-ce que le montant de la pénalité est justifié?

[5] La seconde, est-ce que M. Langevin a occupé le poste de capitaine lors d’un voyage de transport de passagers le ou vers le 23 août 2019 sans être titulaire du certificat de compétence exigé pour ce type de voyage conformément à l’article 87 de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada? Si oui, est-ce que le montant de la pénalité est justifié?

[6] Pour les deux questions en litige, le ministre doit d’abord prouver que Bertlan Inc. opérait un bâtiment commercial le ou vers le 23 août 2019, condition sine qua non afin que le Règlement sur les petits bâtiments s’applique et afin d’exiger un certificat de compétence de capitaine pour ce voyage.

B. Cadre juridique

[7] J’ai tenu compte du cadre juridique suivant afin d’appuyer mon argumentaire et rendre ma décision sur les deux questions en litige :

[8] En vertu de l’alinéa 229(1)b) de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada (LMMC 2001), s’il a des motifs raisonnables de croire qu’une violation a été commise, le ministre peut dresser un procès-verbal.

[9] En vertu du paragraphe 232.1(3) de la LMMC 2001, lorsqu’il s’agit d’une requête portant sur les faits reprochés, il incombe au ministre d’établir la responsabilité du contrevenant.

[10] En vertu du paragraphe 232.1(4) de la LMMC 2001, le conseiller peut soit confirmer la décision du ministre ou, sous réserve des règlements pris en vertu de l’alinéa 244h), y substituer sa propre décision.

[11] En vertu du paragraphe 252(1) de la LMMC 2001, pour établir l’infraction, il suffit de prouver que l’acte ou l’omission qui la constitue a été commise par le capitaine ou d’une autre personne à bord.

[12] Tel qu’énoncé au paragraphe 232.1(3) de la LMMC 2001, le ministre a le fardeau de prouver tous les éléments des violations alléguées. En l’espèce, il y a trois éléments à prouver :

  1. D’abord, il faut établir que le voilier Azul (nm 823866) était opéré comme un bâtiment commercial par Bertlan Inc. et non comme une embarcation de plaisance.
  2. Ensuite, le ministre doit prouver que le bâtiment n’avait pas à bord tout l’équipement de sécurité requis par le Règlement sur les petits bâtiments.
  3. Enfin, le ministre doit prouver que M. Langevin a occupé le poste de capitaine sur un bâtiment commercial, en l’occurrence l’Azul, sans être titulaire du certificat de compétence tel qu’exigé par l’article 87 de la LMMC 2001.

[13] Je vais traiter des deux premiers éléments sous la première violation et du dernier sous la seconde violation.

C. Violation 1 – Le ministre a prouvé que le bâtiment n’avait pas à bord tout l’équipement de sécurité requis par le Règlement sur les petits bâtiments

(1) L’intimé a présenté le cadre juridique suivant :

[14] Si un bâtiment est utilisé pour le plaisir, il sera défini selon l’article 2 de la LMMC 2001 comme une « embarcation de plaisance » si elle ne transporte pas des passagers au sens de la loi.

[15] En vertu de l’article 2 de la LMMC 2001, « le capitaine ou un membre de l’équipage, ou une personne employée ou occupée à bord, en quelque qualité que ce soit, pour les besoins du bâtiment », ne doit pas être considéré comme un passager. Le sous-alinéa 2b)(ii) stipule qu’une personne doit être considérée comme un passager si elle n’est pas transportée « gratuitement ou sans but lucratif sur un bâtiment utilisé exclusivement pour le plaisir ».

[16] En vertu de l’article 106(1) de la LMMC 2001, le représentant autorisé d’un bâtiment canadien doit veiller à ce que le bâtiment ainsi que ses machines et son équipement satisfassent aux exigences prévues par le Règlement sur les petits bâtiments. Comme indiqué à l’alinéa 2(1)b) du Règlement sur les petits bâtiments, le propriétaire d’un voilier d’une jauge brute d’au plus 15 qui transporte au plus 12 passagers doit considérer son embarcation comme un bâtiment à passagers et se plier au dudit règlement.

[17] Lorsqu’un représentant autorisé permet l’usage de son bâtiment pour le transport de passagers, il doit s’assurer selon l’article 3 du Règlement sur les petits bâtiments d’avoir à bord un équipement de sécurité conforme. On peut trouver ces équipements à l’article 740 et aux paragraphes 413(1), 414(1), 736(1) et 740(1) du Règlement sur les petits bâtiments qui prévoient entre autres que le bâtiment doit avoir un appareil de signalisation sonore, une hache d’incendie, un sceau d’incendie et une alarme automatique de niveau de cale élevé.

[18] De plus, conformément au paragraphe 401(1) du Règlement sur les petits bâtiments, l’utilisateur d’un bâtiment à passagers d’une jauge brute d’au plus 15 (paragraphe 400(1) du règlement) doit veiller, « avant que celui-ci quitte un endroit où des passagers montent à bord, à ce que soit donné aux passagers, dans l’une ou l’autre des langues officielles ou les deux, compte tenu de leurs besoins, un exposé sur les mesures de sécurité et d’urgence approprié au type de bâtiment et à sa longueur ».

[19] L’intimé mentionne également l’article 403 du Règlement sur les petits bâtiments qui stipule, notamment, que toute personne qui utilise un bâtiment à passagers doit veiller « à ce que de l’équipement soit à bord ou que des mesures soient établies pour protéger les personnes à bord contre les effets de l’hypothermie ou du choc dû au froid en cas d’envahissement par le haut, de chavirement ou de chutes par-dessus bord. »

(2) La preuve et les soumissions présentées

[20] Le ministre appelle un premier témoin, l’inspecteur Hugues Thibault de la sécurité maritime de TC. Dans son témoignage, M. Thibaut affirme qu’il a contacté M. Langevin le 22 août 2019 et confirmé avec lui qu’il pourrait effectuer une sortie en mer le lendemain sur le voilier Azul, propriété de Bertlan Inc. La croisière aurait eu lieu le 23 août 2019 vers 7 h à L’Anse-à-Beaufils.

[21] M. Thibault témoigne que M. Langevin prend la barre de l’Azul lors du départ du quai pour la croisière du 23 août 2019. M. Thibault prend la barre de l’Azul pendant la croisière lorsque le bâtiment quitte la rade et se trouve en mode navigation à voiles. M. Langevin reprendra la barre pour ramener et accoster l’Azul.

[22] M. Thibault affirme qu’il a payé un montant de 150 $ (pièce M-5) à M. Langevin et signé un contrat de location (pièce R-2) à la fin de la croisière. Le montant, convenu entre les deux parties, avant la croisière, couvrait trois heures de sortie à 50 $ par heure.

[23] Selon l’inspecteur Thibault, il doit être considéré comme un passager et M. Langevin comme le capitaine de l’Azul lors de la sortie le 23 août 2019.

[24] Le ministre appelle un deuxième témoin, l’inspecteur Simon Pelletier de la sécurité maritime de TC. M. Pelletier soutient que le voilier Azul, avec une jauge de 9,5 tonneaux, a transporté un passager, en l’occurrence, l’inspecteur Thibaut le ou vers le ou vers le 23 août 2019. M. Pelletier affirme que Bertlan Inc. opérait alors un bâtiment commercial au sens de la loi puisqu’il correspond aux critères d’un bâtiment « à passagers d’une jauge brute d’au plus 15 qui transportent au plus 12 passagers et qui ne sont pas des bâtiments à propulsion humaine » (alinéa 2(1)b) du Règlement sur les petits bâtiments).

[25] Dans son témoignage, l’inspecteur Pelletier affirme qu’il s’est rendu sur l’Azul et a rencontré M. Langevin une semaine après la croisière du 23 août 2019. L’inspecteur Pelletier affirme qu’il a avisé M. Langevin que le propriétaire, Bertlan Inc., avait contrevenu à la LMMC 2001. Il témoigne avoir inspecté l’Azul lors de sa visite à bord et constaté de nombreuses infractions au Règlement sur les petits bâtiments. M. Pelletier énumère les éléments fautifs qu’il aurait énoncés à M. Langevin (pièce M-11, Rapport de conformité détaillé pour les petits bâtiments), notamment : l’absence de procédures de sécurité; l’absence à bord d’un appareil de signalisation sonore; l’absence d’alarmes de haut niveau de cale, bien installées et fonctionnelles; et, l’absence à bord d’une hache et d’un sceau à incendie.

[26] L’inspecteur Pelletier affirme qu’il a expliqué à M. Langevin tous les éléments qui soutenaient les deux contraventions et que Bertlan Inc. aurait contrevenu aux articles 3 et 403, aux paragraphes 400(1), 401(1), 414(1) et 736(1), aux alinéas 413(1)a), 740a) et 741(1)b) du Règlement sur les petits bâtiments.

[27] M. Langevin contre-interroge les inspecteurs Thibault et Pelletier, fait une déposition après avoir été assermenté, et subit un contre-interrogatoire de Me Martin Forget. M. Langevin est d’accord qu’il y a eu échange d’argent entre l’inspecteur Thibault et lui pour la somme de 150 $, soit l’équivalent d’un tarif pour trois heures de sortie en mer au large de L’Anse-à-Beaufils le 23 août 2019 sur le voilier Azul. M. Langevin est en accord qu’il a pris la barre pour sortir et entrer au quai, et que M. Thibault a pris la barre au large.

[28] M. Langevin est en accord que l’inspecteur Pelletier l’ait rencontré à plusieurs reprises, soit cinq, six ou sept fois, avant la sortie du 23 août 2019 et qu’il était au courant des équipements requis afin que l’Azul puisse transporter des passagers légalement. Il affirme toutefois que c’est impossible de se conformer à toutes les exigences en matière d’équipement de la LMMC 2001, et il ajoute que « c’est démesuré. »

[29] M. Langevin est en accord qu’il a reçu des avis écrits. Toutefois, M. Langevin affirme que selon lui la sortie du 23 août 2019 doit être considérée comme une sortie entre amis sur un plaisancier. Il loue et conduit l’Azul pour « son plaisir. »

[30] M. Langevin témoigne qu’il avait compris, avant l’infraction alléguée, l’interprétation que faisait l’inspecteur Pelletier de la LMMC 2001. Il affirme, cependant, qu’il n’est pas d’accord avec l’interprétation qu’en fait TC. Il insiste sur le fait que le requérant opère l’Azul comme un plaisancier. Il dépose en preuve le Guide de sécurité des petits bâtiments commerciaux – TP 14070 (pièce R-1) et explique que la section suivante, selon lui, soutient son affirmation que Bertlan Inc. opérait un voilier (plaisancier) et non un bâtiment à passagers tels que formulés dans la LMMC 2001 :

Si vous êtes propriétaire d’un bâtiment loué ou affrété sans équipage à quelqu’un qui s’en sert pour son propre plaisir, il s’agit d’une embarcation de plaisance. Si vous fournissez le capitaine ou l’équipage ou conduisez vous-même le bâtiment, le bâtiment est considéré comme bâtiment commercial.

(3) Application du droit aux faits

[31] Le ministre fait la démonstration suivante lors de son témoignage :

  1. Conformément à l’article 105 et l’alinéa 106(1)a) de la LMMC 2001, le propriétaire d’un voilier, exploité comme l’était l’Azul lors de la croisière du 23 août 2019, doit veiller à ce que ses machines et son équipement satisfassent aux exigences prévues par le Règlement sur les petits bâtiments.
  2. En raison des conditions d’exploitation de l’Azul, Bertlan Inc. ne peut permettre l’utilisation de son « bâtiment ou d’en permettre l’utilisation à moins que celui-ci n’ait à bord l’équipement de sécurité exigé par le présent règlement et que ce dernier n’y soit conforme », conformément à l’article 3du Règlement sur les petits bâtiments.

[32] Selon l’intimé, le requérant a reçu une compensation financière au montant de 150 $ pour transporter un passager au large de L’Anse-à-Beaufils sur l’Azul le 23 août 2019. Le requérant, Bertlan Inc., opérait donc un bâtiment commercial puisqu’il transportait un passager, l’inspecteur Thibaut, qui a défrayé le montant de la croisière.

[33] L’intimé affirme également que lors de la sortie en mer, le requérant a omis de veiller à ce que le bâtiment et son équipement satisfassent aux exigences prévues au Règlement sur les petits bâtiments. Les infractions sont énumérées dans le Rapport de conformité détaillé pour les petits bâtiments.

[34] De sa compréhension du Guide de sécurité des petits bâtiments commerciaux – TP 14070, M. Langevin affirme que TC devrait considérer le bâtiment comme un plaisancier puisqu’il s’en sert pour son plaisir. Or, le guide stipule que « [s]i vous fournissez le capitaine ou l’équipage ou conduisez vous-même le bâtiment, le bâtiment est considéré comme bâtiment commercial. » De plus, la notion de plaisir qu’on retire de ses activités ne justifie pas que l’Azul soit considéré comme un plaisancier au sens de la LMMC 2001. Plutôt, pour que la notion de plaisir soit retenue au sens d’« embarcation de plaisance » à l’article 2 de la LMMC 2001 et que l’embarcation soit considérée comme une embarcation de plaisance, le bâtiment ne doit pas transporter des passagers.

[35] Je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, le requérant, Bertlan Inc. transportait un passager au sens de la LMMC 2001 et opérait donc un bâtiment commercial le ou vers le 23 août 2019. Lorsqu’un bâtiment est identifié comme commercial, le propriétaire doit se conformer aux exigences prévues au Règlement sur les petits bâtiments, ce qu’a omis de faire le requérant.

D. Violation 2 – Le ministre a prouvé que M. Langevin a occupé le poste de capitaine sans être titulaire du certificat de compétence tel qu’exigé par l’article 87 de la LMMC 2001

(1) L’intimé a suppléé son cadre juridique avec les articles suivants :

[36] En vertu de l’article 87 de la LMMC 2001, « [t]oute personne occupant à bord d’un bâtiment canadien un poste à l’égard duquel un brevet est exigé […] doit être titulaire du brevet et en respecter les modalités. » Dans l’alinéa 100a) de la LMMC 2001, le gouverneur en conseil peut « préciser les postes qui doivent être occupés à bord des bâtiments […] canadiens, leur nombre minimal et les catégories et classes de documents maritimes canadiens dont doivent être titulaires les personnes occupant ces postes ».

[37] En vertu des paragraphes 207(1), 207(3), 212(2) et 212(4) du Règlement sur le personnel maritime, le représentant autorisé d’un bâtiment doit veiller à avoir l’effectif minimal dûment certifié, et doit, notamment, avoir un capitaine. Dans le cas qui préoccupe ce tribunal, l’article 212(5) spécifie le brevet que doit avoir le capitaine. Spécifiquement, il est écrit que :

212 (5) Toute personne titulaire d’un brevet ou certificat indiqué à la colonne 1 du tableau 1 du présent article peut exercer des fonctions liées à un poste indiqué à l’une des colonnes 2 à 5 à bord d’un bâtiment qui effectue un voyage de la classe mentionnée dans les entêtes de celles de ces colonnes qui s’appliquent à ce poste, sous réserve de toute limite indiquée.

[38] L’article 16 du tableau 1 de l’article 212 du Règlement sur le personnel maritime comprend en partie ce qui suit :

Colonne 1
Brevet ou certificat de compétence

Colonne 4
Voyage à proximité du littoral, classe 2

Colonne 5
Voyages en eaux abritées

Capitaine, avec restrictions, bâtiments d’une jauge brute de moins de 60

Capitaine, tout bâtiment d’une jauge brute de moins de 60 dont le type et la jauge, ainsi que la région et la période d’exploitation, sont précisés sur le brevet

Capitaine, tout bâtiment d’une jauge brute de moins de 60 dont le type et la jauge, ainsi que la région et la période d’exploitation, sont précisés sur le brevet

[39] Enfin, en vertu de l’article 238(2) de la LMMC 2001 :

238 (2) L’employeur ou le mandant — qu’il soit une personne ou un bâtiment — est responsable de la violation commise, dans le cadre de son emploi ou du mandat, par un employé ou un mandataire […].

(2) La preuve et les soumissions présentées

[40] L’inspecteur Thibaut témoigne que M. Langevin a occupé le poste de capitaine sur l’Azul. Il explique les éléments des pièces M-7 et M-8 et fait la démonstration que la croisière se serait déroulée sur un bâtiment qui naviguait dans des conditions et dans une zone nécessitant un brevet de capitaine. Plus précisément, l’intimé démontre que :

  1. La croisière s’est déroulée à L’Anse-à-Beaufils, une zone d’opération répondant aux critères énoncés dans l’article 16 du tableau de l’article 212 du Règlement sur le personnel maritime.
  2. Toute personne occupant à bord d’un bâtiment canadien un poste à l’égard duquel un brevet est exigé doit être titulaire du brevet et en respecter les modalités, conformément à l’article 87 de la LMMC 2001.
  3. Le ministre peut déterminer qu’un propriétaire de bâtiment doit avoir à bord un capitaine breveté, conformément à l’alinéa 100a) de la LMMC 2001 ainsi qu’aux paragraphes 207(1), 212(2), 212(4), et 212(5) et l’alinéa 207(3)a) du Règlement sur le personnel maritime. En l’occurrence, pour l’Azul qui fut exploité dans la zone d’opération en cause, il est nécessaire de détenir le brevet de capitaine avec restrictions, bâtiments d’une jauge brute de moins de 60.

[41] L’inspecteur Thibault témoigne que M. Langevin ne détient aucun brevet de capitaine (pièce M-9).

[42] M. Langevin affirme dans son témoignage qu’il a agi comme équipier et qu’il a conduit l’Azul pour sortir et entrer de la rade. Il affirme aussi qu’il possède une carte de conducteur d’embarcation de plaisance (pièce M-3) et n’a pas de brevet de capitaine. Il ajoute que demander un brevet de capitaine pour prendre des passagers sur un voilier, « c’est trop. »

(3) Application du droit aux faits

[43] Selon l’intimé, le requérant opérait l’Azul pour des opérations commerciales de transport de passagers et exploitait un bâtiment commercial sans un équipage suffisant et compétent, contrevenant ainsi aux exigences prescrites par la LMMC 2001.

[44] Dans son témoignage, M. Langevin affirme avoir conduit l’embarcation. Il aurait donc occupé des fonctions à bord pour les besoins du bâtiment comme stipulé au sous-alinéa 2b)(i) de la LMMC 2001. Il aurait, selon moi, occupé le poste de capitaine.

[45] Je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, Bertlan Inc. a reçu une compensation financière pour faire le transport d’un passager le ou vers le 23 août 2019 à bord du voilier l’Azul au large de L’Anse-à-Beaufils. Le requérant opérait donc un bâtiment commercial et devait veiller à avoir un capitaine dûment certifié en vertu des paragraphes 207(1), 207(3), 212(2) et 212(4) du Règlement sur le personnel maritime. M. Langevin a occupé le poste de capitaine lors du voyage sans être titulaire du certificat de compétence tel qu’exigé par l’article 87 de la LMMC 2001.

[46] Je conclus aussi qu’en vertu du paragraphe 238(2) de la LMMC 2001, Bertlan Inc. est responsable de la violation commise par M. Langevin.

E. Montant des sanctions – facteurs aggravants

(1) La preuve et les soumissions présentées

[47] L’inspecteur Thibault conclut son témoignage en expliquant le montant des sanctions. Il s’appuie sur les pièces M-2, le procès-verbal émis le 17 août 2020, et M-10, le Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires et les avis (LMMC 2001), et stipule que TC avait donné la pénalité minimale permise dans le barème des sanctions pour les deux infractions, soit le montant de 1 250 $.

[48] De plus, l’inspecteur Thibault témoigne que la politique de TC suggère une majoration de 30 pour cent lors de récidive. Or, selon l’inspecteur Thibault, puisque Bertlan Inc. et M. Langevin avaient fait l’objet d’avis au préalable, la valeur de 30 pour cent a été ajoutée aux montants des deux sanctions minimales (1 250 $). TC procède alors à l’émission d’un procès-verbal pour deux sanctions d’une valeur de 1 625 $ chacune. Me Martin Forget précisera en plaidoyer que la majoration de 30 pour cent doit être admise puisque TC a déterminé que les nombreux avis consistaient un facteur aggravant en lien avec les politiques en vigueur.

[49] L’inspecteur Pelletier soutient qu’il a avisé M. Langevin, antérieurement à l’infraction alléguée dans le procès-verbal, et ce, à de nombreuses reprises, qu’il ne pouvait pas transporter des passagers au sens de la loi. L’intimé dépose en appui les preuves d’un rapport d’inspection daté du 27 juin 2018 (pièce M-13); une lettre datée du 28 juin 2018 (pièce M-14) et un courriel daté du 6 juillet 2018 (pièce M-15), tous transmis à M. Langevin (Bertlan Inc.).

[50] L’inspecteur Pelletier conclut son témoignage en rappelant les éléments du procès-verbal (pièce M-2), expliquant les sanctions administratives (pièce M-10) tout en mentionnant les articles 44 et 26 de la Partie 1 qui se trouvent à l’annexe du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires et les avis (LMMC 2001) contenus dans la LMMC 2001. Selon le règlement, le barème des sanctions varie entre 1 250 $ et 25 000 $ pour une infraction au Règlement sur les petits bâtiments (article 44) et entre 1 250 $ et 5 000 $ pour une infraction à l’article 87 de la LMMC 2001 (article 26).

(2) Application du droit aux faits

[51] Le ministre avait avisé Bertlan Inc. de ne pas opérer l’Azul pour le transport de passagers à moins de se conformer à la LMMC 2001. Les preuves présentées (pièces M-13, M-14 et M-15) par le ministre peuvent se résumer comme suit :

  1. L’inspecteur Pelletier présente à M. Langevin un Rapport d’inspection par l’État du pavillon (Avis de défectuosité) daté du 27 juin 2018 où il est mentionné « Le bâtiment ne peut transporter de passager au sens de la Loi sur la marine marchande du Canada. »
  2. L’inspecteur Pelletier achemine une lettre datée du 28 juin 2018 à M. Langevin de Bertlan Inc. par « courrier recommandé » dans laquelle il informe le requérant que « Considérant vos opérations, la présente a pour but de vous signifier que vous êtes en contravention à la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada (LMMC 2001) et des règlements s’y rapportant. » Le requérant est informé que le bâtiment doit être muni de l’équipement applicable au type de bâtiment et au voyage effectué, et l’opérateur doit posséder un certificat de compétence. La lettre informe le requérant qu’il doit apporter les correctifs nécessaires pour assurer la conformité, à défaut de quoi il pourrait se faire imposer des mesures comme :
    1. La détention du bâtiment et/ou une ou des sanctions variant de 1 250 $ et 10 000 $ pour la contravention si le bâtiment est trouvé non conforme lors de son exploitation.
    2. Une sanction entre 1 250 $ et 25 000 $ pour avoir exploité un bâtiment sans avoir un équipage suffisant et compétent.
  3. L’inspecteur Pelletier achemine un courriel à M. Langevin le 6 juillet 2018 dans lequel l’intimé relate qu’il a rencontré le requérant à L’Anse-à-Beaufils et lui aurait expliqué comment se conformer à la LMMC 2001. Il est fait expressément mention que « Si vous fournissez le capitaine ou l’équipage ou conduisez vous-même le bâtiment, le bâtiment est considéré comme un bâtiment commercial. »

[52] Dans la cause, Ministre des Transports c. Kurt William M. Wyer, Dossier no O-0075-33 (TAC), entendu en appel au Tribunal de l’aviation civile, le prédécesseur du Tribunal d’appel des transports du Canada, le 16 décembre 1988, on énumère des éléments qui peuvent être considérés comme des facteurs aggravants et atténuants, des facteurs que je résume comme suit :

Facteurs aggravants :

  • Infractions où il y a malhonnêteté
  • Violations planifiées ou préméditées
  • L’infraction cause des torts aux victimes
  • Bilan d'infractions semblables
  • Fréquences de l'infraction

Facteurs atténuants :

  • Absence d’infractions antérieures
  • Laps de temps écoulé depuis la dernière infraction
  • Degré de remords
  • Aveu ou désaveu de l'infraction
  • Degré de collaboration avec les autorités
  • Délai qui s’est écoulé entre la perpétration de l’infraction et le prononcé de la peine – conduite (participation) de toute « victime »
  • Dédommagement
  • Catégorie de service (commercial ou privé)
  • Répercussions sur le milieu de transport
  • Circonstances spéciales
  • Pertinence des recommandations énoncées dans la réglementation
  • Conséquences sur la personne d'une amende par opposition à une suspension
  • Conséquences de l’infraction sur la sécurité dans le domaine des transports
  • Façon de procéder des autorités

[53] Quoique je note que selon la prépondérance des probabilités, le ministre n’a pas démontré qu’il y a eu récidive, la preuve présentée constitue selon moi des faits aggravants (violations planifiées ou préméditées). Le requérant savait que l’Azul serait considéré un bâtiment commercial s’il prenait un passager et si M. Langevin agissait comme équipier et conduisait le voilier. Le requérant savait aussi que M. Langevin devait être muni d’un certificat de compétence, notamment un brevet de capitaine.

[54] Bien que le requérant ait collaboré avec les autorités, je ne suis pas en mesure de déterminer qu’il existe un facteur atténuant qui pourrait m’inciter à diminuer le montant des infractions déterminé par le ministre.

[55] Le requérant était au courant de ses droits et obligations et a sciemment déterminé de substituer sa propre interprétation erronée de la loi en lieu de celle du ministre, ce qui milite en faveur d’une majoration de 30 pour cent de l’amende minimale prévue par le Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires et les avis (LMMC 2001).

III. DÉCISION

[56] Le ministre des Transports a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le requérant a contrevenu au Règlement sur les petits bâtiments et à l’article 87 de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada. La décision du ministre d’imposer une amende est maintenue.

[57] Le montant total de 3 250 $ est payable au receveur général du Canada et doit parvenir au Tribunal d’appel des transports du Canada dans les 35 jours suivant la signification de la présente décision.

Le 17 janvier 2022

(Original signé)

Capt. Marc-André Poisson

Conseiller

Représentants des parties

Pour le ministre :

Me Martin Forget

Pour le requérant :

Hubert Langevin

 

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